"C'est une juste peine au vu de la détresse absolue de cette famille" : condamnée pour avoir assassiné son grand-père grabataire, elle ressort libre du palais de justice mais le parquet fait appel

Émilie G. a été condamnée jeudi soir à une peine de 5 ans d'emprisonnement, peine intégralement assortie de sursis probatoire. La trentenaire, reconnue coupable d'assassinat sur la personne de son grand-père de 95 ans, est ressortie libre du Palais de justice. Le verdict est un soulagement pour la trentenaire et sa famille qui ne s'était pas portée partie civile. Quelques jours après ce verdict, un appel a été formulé par le parquet général.

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Actualisation : le parquet général a fait appel du verdict, a fait savoir ce mercredi 9 octobre Me Claus, l'avocat de la défense. 

Les délibérations ont duré presque quatre heures. Une longue attente pour Émilie G. et ses proches, suspendus au verdict. Il est 20 heures, l'accusée qui comparaissait libre, son avocat Me Claus, la famille et la presse ont repris place dans la salle d'audience. L'avocat général a aussi repris sa place. Le magistrat, qui représente les intérêts de la société, a requis une peine de 15 ans de réclusion criminelle à l'encontre de la trentenaire, révolté par la méthode utilisée. Émilie G. a avoué avoir donné la mort à son grand-père en août 2020. Elle a incendié le lit médicalisé du vieil homme, espérant qu'il s'endorme intoxiqué par les fumées.

 

Attente et angoisse

Les minutes passent, tout le monde attend la présidente et les jurés. La tension monte dans la salle, la famille G. est en pleurs. L'ancien compagnon de l'accusée et père de ses deux enfants, attend aussi. L'homme, les yeux rougis, se tient assis un peu à l'écart, comme une pièce rapportée. Il pleure aussi. 

Sur le banc des accusés, Émilie G. tente de garder son calme, mais on devine son anxiété. C'est toute sa vie qui est sur le point de basculer. Poursuivie pour "assassinat sur ascendant", elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Lorsqu'elle a été invitée à prendre la parole par la présidente, quelques heures plus tôt, elle n'a pas caché sa "peur". "J'ai peur, j'ai très peur", a-t-elle avoué. Durant son procès, la famille de la jeune femme n'a eu de cesse de clamer qu'elle avait agi "par amour" pour son grand-père dont elle était très proche depuis sa naissance, pour "mettre fin à ses souffrances", "qu'elle avait eu le courage de le faire". Pour sa sœur cadette Caroline, Émilie s'est même "sacrifiée". 

Pendant ces deux journées, toute la famille a été unanime pour dire que c'était un geste d'amour, un geste de dévotion totale. Elle a sacrifié sa vie pour son grand-père avec les conséquences que ça a pu avoir. C'est toute la complexité de ces familles en détresse absolue.

Me Thibaud Claus

Avocat de la défense

Le geste de la jeune femme est terrible : elle a incendié la chambre dans laquelle le vieil homme, grabataire depuis plus de deux ans, vivait au domicile de sa fille et de son gendre. Des aveux obtenus en garde à vue ont conduit à sa mise en examen en octobre 2020, mais la mise en cause, mère de deux enfants, n'a jamais effectué une seule journée de prison. Placée sous contrôle judiciaire, elle s'y est strictement conformée. Suspendue par le Rectorat, cette professeure d'espagnol, toujours bien notée et "compétente", a repris une activité, monté sa microentreprise en avril dernier. Sa vie a été exposée publiquement durant ces deux journées d'audience. Une épreuve. "Vous connaissez tout de moi", a-t-elle déclaré à l'adresse de la cour et de l'avocat général. "C'est dur de voir sa vie déballée devant des inconnus", a-t-elle ajouté. 

"Vous êtes coupable d'assassinat !"

Il est 20h10, des pas résonnent dans le couloir qui conduit à la salle d'audience, la jeune accusée se signe discrètement. Fausse alerte. Cinq minutes plus tard, de nouveaux des pas, nouveau signe de croix, regard au ciel. Émilie G. se prépare à entendre le verdict. La famille retient son souffle, mais pas ses sanglots : le père, la mère, la sœur cadette et l'oncle maternel aussi sont blottis au premier rang. Tous paraissent accablés et fatigués. D'autres policiers sont entrés dans la salle. Sinistre présage. 

La présidente pénètre enfin dans la salle, les membres du jury sur les talons. La tension est à son comble. Elle prend place et commence sa lecture, solennellement. L'auditoire est suspendu à ses lèvres. La présidente égrène les réponses aux sept questions posées aux jurés. Oui aux violences, oui à l'intention de donner la mort, oui à la préméditation, oui à l'altération du discernement… Et le couperet tombe enfin. "Émilie G., la cour vous a reconnu coupable d'assassinat !". 

"Vous êtes coupable d'un assassinat. La cour a estimé que les faits étaient suffisamment graves, mais la cour a pris en compte les circonstances, votre personnalité et votre évolution depuis les faits". La peine tombe enfin, la cour n'a pas suivi les réquisitions de l'avocat général. "Vous êtes condamnée à une peine d'emprisonnement à hauteur de 5 années. C'est une peine que vous avez au-dessus de la tête !", prévient la présidente. Une épée de Damoclès, toutefois la jeune femme évite la case prison. Son avocat Me Claus avait demandé à la cour de prononcer "une peine qui ne placera pas Madame G. en détention". Il a été entendu. "Vous avez 10 jours pour faire appel", ajoute la magistrate à l'adresse d'Émilie G.

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Émilie G. a été condamnée jeudi soir à une peine de 5 ans d'emprisonnement intégralement assorti de sursis probatoire. La trentenaire, reconnue coupable d'assassinat sur la personne de son grand-père de 95 ans. (Reportage Y.Marie /L.Crozat/A.Gavin - Dessins : Emmanuel Prost) ©France tv

Soulagement pour Émilie G. qui se jette en pleurant dans les bras de son avocat. Pour la famille, les larmes d'angoisse ont laissé place aux pleurs de soulagement. La tension retombe brutalement. Le procès, qui intervient près de quatre ans après la mort tragique de Manuel A., le grand-père de 95 ans, mort asphyxié et gravement brûlé, est terminé.

"Elle a fait comme elle pouvait"

Durant ces deux journées de procès, les proches d'Émilie G. n'ont pas parlé à la presse. Ils sont restés discrets, assommés et sans doute un peu méfiants. Seul l'avocat de la jeune femme, Me Thibaud Claus s'est toujours exprimé pour évoquer l'état d'esprit de sa cliente. À l’issue du procès, c'est encore ce dernier qui se tient devant les micros tendus. "Elle est soulagée. Elle était tremblante, on l'a tous vu".

Sur la condamnation, il indique :"C'est une juste peine au vu de la détresse absolue de cette famille, au vu de la situation de fin de vie de ce grand-père, au vu de ce geste d'amour inadapté. Elle a fait comme elle pouvait face à une situation dramatique".

La seule espérance, c'était que ce soit une peine avec sursis. Le quantum, c'est la cour qui décide et on s'en remet à la cour et on d'accord avec les arguments de la cour. Ce qu'on disait, c'est que sa place n'était pas en détention et qu'il fallait assortir cette peine d'un sursis. C'est ce que la cour a fait. On est parfaitement en accord avec la cour.

Me Thibaud Claus

Avocat de la défense

"Ce n'est pas un acquittement, mais c'est une peine adaptée," a estimé le défenseur. "Sa place n'était pas en détention, les critères n'étaient pas réunis. C'est la peine qu'on demandait", a ajouté Me Claus. La mort violente du nonagénaire a été soulignée par la cour. "Les regrets ont été immédiats chez ma cliente. Les faits sont graves, on ne le remet pas en cause, on les assume", a ajouté l'avocat.

Ce dernier a par ailleurs rappelé que tout au long que "ce dossier d'euthanasie", "c'est extrêmement compliqué pour les familles qui ont à gérer un ancien en toute fin de vie avec des proches qui font comme ils peuvent (...) Nous ne sommes pas dans une démarche militante, le seul constat, c'est que la législation actuelle ne suffit pas pour les familles", selon l'avocat.

Émilie G. est entrée libre au palais de justice, elle en sort libre ce soir-là. Elle va pouvoir retrouver  ses enfants à qui elle avait dit avant de se rendre à son procès pour la dernière journée : "J'ai dit à mes enfants ce matin que si je vais en prison, je ne suis pas morte. J'ai dit que je ne serai pas loin, qu'ils ne sont pas seuls, que papy, mamie et marraine sont là, que leur maman sera toujours là pour les défendre. Je leur ai dit que je ne les abandonnais pas et que j'étais désolée de leur avoir fait subir ça".

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