VERDICT : 5 ans de prison avec sursis probatoire pour avoir tué son grand-père en mettant le feu à sa chambre

Au deuxième et dernier jour de son procès, Émilie G., jugée pour assassinat, a pris la parole pour expliquer son geste : le 23 août 2020, elle a mis le feu dans la chambre de son grand-père grabataire. L'homme de 95 ans a péri asphyxié et gravement brûlé. L'avocat général a requis 15 ans de réclusion criminelle à l'encontre de l'accusée. Le verdict a été rendu vers 20h15 : 5 années d'emprisonnement avec sursis probatoire.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Émilie G. n'a pas souhaité faire une ultime déclaration avant que les jurés se retirent pour délibérer. L'avocat de la défense a été le dernier à prendre la parole. Les délibérations ont débuté vers 16h30. Le verdict a été rendu en fin de journée, vers 20h, après 3h30 de délibérations. La préméditation et l'intention de donner la mort ont été retenues, l'altération du discernement a été retenue.

Émilie G. a été reconnue coupable d'assassinat et a été condamnée à une peine de 5 ans d'emprisonnement entièrement assortie du sursis probatoire
. 

"Vous êtes coupable d'un assassinat. La cour a estimé que les faits étaient suffisamment graves mais la cour a pris en compte les circonstances, votre personnalité et votre évolution depuis les faits". "Vous êtes condamnée à une peine d'emprisonnement à hauteur de 5 années, une peine que vous avez au-dessus de la tête!" a déclaré la présidente. Emilie G. a aussi l'obligation de continuer les soins psychologiques.

La jeune femme est tombée dans les bras de son avocat après l'énoncé du verdict. La famille était en larmes, des larmes de soulagement.

Une peine sans prison, pour la défense

“Le doute doit profiter à l’accusé” n'a pas manqué de rappeler l’avocat de la défense dans sa plaidoirie. Il n'a pas manqué non plus de souligner l’absence de partie civile dans ce dossier. “C’est rare. C’est un élément révélateur, on peut se constituer partie civile jusqu’aux réquisitions. S'il y avait un doute dans cette famille, le banc (des parties civiles) serait plein”, assure Me Thibaud Claus.  


“Pourquoi ce geste ?”,
se demande l’avocat en revenant sur les motivations de sa cliente. “L’élément déclencheur, c’est la révélation d’adultère ? Ce n’est que la goutte d’eau ! C’est un tout, c’est l’accumulation des quatre dernières années de difficultés absolues. Ce n’est pas un choix délibéré, c’est un moment où ma cliente n’a plus eu la force de dire non. Avec une vague de fond qui est la fin de vie de ce grand-père”, explique l’avocat. "Ce qu’elle voulait, c'était qu’il parte dans son sommeil ", a rappelé le défenseur à la cour. 

“Une peine ne doit être prononcée que si elle doit être strictement nécessaire”, a rappelé l’avocat aux jurés, se référant au code de procédure pénale. “Est-on certain qu’on ne peut pas faire autrement ? Est-ce que cette peine est nécessaire ? La prison doit être le dernier recours”, a ajouté Me Claus. Et la défense cite deux autres dossiers d’euthanasie dans lesquels les accusés ont écopé de peines de prison avec sursis. Je vous demande de prononcer une peine qui ne placera pas Madame G. en détention", a demandé l'avocat de la défense.

Réquisitions

"On ne fait pas n'importe quoi avec le sujet de la mort", a rappelé l'avocat général en début d'après-midi. "Est-ce une affaire d’euthanasie, ça ? C’est un acte cruel et égoïste", a-t-il ajouté. "Son grand-père est-il mort dignement ? C’est ça l’euthanasie, c’est mourir dignement !", a rappelé l'accusation. L'avocat général a réclamé une peine de 15 ans de réclusion criminelle pour celle qui "méritait deux fois la perpétuité" pour un assassinat sur ascendant. "Je vous demande de ne pas accepter la complaisance, ne regardez pas ailleurs en disant que c’était un homme en fin de vie". 

Parole à l'accusée

Il est un peu plus de 11h quand Emilie G. s'avance à la barre. Sa voix ne flanche pas. Près d'elle, des mouchoirs en papier. La présidente revient sur les différentes étapes de sa vie, "je remercie mes parents d'avoir donné cette opportunité d'être aussi proche de mes grands-parents. Tout le monde n'a pas cette chance". Ce sont ses premiers mots. Ex-enseignante, l'accusée s'exprime avec aisance.

Comment imagine-t-elle la suite, après le procès ? Elle déclare à la cour : 

Si vous décidez de me placer en détention. Je vais vous dire ce que j'ai dit à mes enfants ce matin que je ne serai pas loin, qu'ils ne sont pas seuls, que papy, mamie et marraine sont là, que maman sera toujours là pour les défendre. Je leur ait dit que je ne les abandonnais pas et que j'étais désolée de leur avoir fait subir ça. Je purgerai ma peine du mieux que je peux, mais j'ai très peur.

Emilie G.

Et elle affirme : "Si je ne suis pas incarcérée je vais suivre mon suivi psychologique". 

Sur les conclusions des experts :"Je ne vais pas remettre en cause leur métier. Les analyses de Mme Dubost et M. Meunier sont justes et j'ajoute que le risque de récidive est nul, complètement nul", déclare-t-elle et elle termine en larmes :  "Je pense que je ne suis plus cette personne, celle que Mme Dubost a vu il y a 2 ans". Preuve de son changement d'état d'esprit et de son évolution, Emilie G. explique à la cour qu'elle travaille. La jeune femme, enseignante appréciée et "compétente", a été suspendue le 30 octobre 2020 par le Rectorat. La jeune femme qui a respecté strictement son contrôle judiciaire, a travaillé un temps comme vendeuse à domicile, un emploi qui "ne lui correspondait pas". Aujourd'hui, elle a changé de cap : "Depuis avril, j'ai ouvert ma micro entreprise et j'ai déjà deux collaborations avec des maisons d'édition. Je corrige des manuscrits". 

"Expliquez-nous ce qui s'est passé ?" demande la présidente. "Je l'aimais, mon grand-père m'a tout donné. Ce jour-là, je n'avais plus la force de refuser ses demandes", explique la jeune femme. "Il me demandait tout le temps : c'est quand que ça s'arrête, c'est quand la fin, c'est quand que ça se finit", raconte-t-elle. L'accusée explique avoir espacé les visites, parce que "c'était trop dur" d'avoir à entendre ces demandes incessantes.
Elle revient aussi sur la dernière vision de son grand-père, alité et dans ses excréments. C'était en juillet 2020, une scène qui l'a fortement marquée : "Mon grand-père pour moi c'était un homme à casquette, avec sa moustache et sa canne, son gros ventre. Un bon vivant. Quand j'ai soulevé la couverture, j'ai vu des os, j'ai vu la honte dans ses yeux. Je demandais à mes parents : comment ça va? Ils me disaient ça va! Pas de problème! Mais j'ai bien vu que ça n'allait pas !".

"Je ne voulais pas le brûler"

"Ce jour du 23 août, je suis effondrée, je n'ai plus la force". "Je trouve tragique qu'on ne se soit pas dit : il en a marre, alors que tout le monde le savait. C'est ça la politique de l'autruche: J'ai grandi dans une famille où l'on nous a dit : ce qui se passe dans la maison, reste dans la maison", justifie l'accusée.

La jeune femme fait les questions et les réponses: "Vous allez me demander : pourquoi le feu ? Je n'ai pas d'explications, je suis juste dévastée". "Je ne voulais pas le brûler; Je n'ai pas réfléchi à l'avance mon geste". La jeune femme le réaffirme : elle voulait qu'il parte dans son sommeil. Ce qui a pris le dessus dans toute cette affaire, c'est "la honte", selon l'accusée : "Ils avaient honte de montrer et d'assumer : on a pris mon grand-père mais on n'y arrive pas !"

Des paroles qui vont dans le sens des propos tenus plus tôt dans la matinée par l'experte psychologue. Sur la situation du nonagénaire, Annie Dubost a donné son sentiment : "S'occuper d'une personne dépendante, c'est épuisant. Il y a des aides, ils en avaient demandé. Souhaiter que la personne dépendante, parte, meure, c'est humain. Les familles s'épuisent, demandent à des institutions de prendre le relais, c'est peut-être ce qui a fait défaut", explique l'experte "Ce monsieur n'avait plus rien à faire à domicile, il fallait qu'il aille en institution, c'est curieux que cette famille n'ait pas demandé de l'aide", a indiqué l'experte. 

Se sent-elle seule responsable ? questionne la présidente. Émilie G. exprime ses remords avec fermeté : "Je suis responsable, c'est moi qui aie commis l'irréparable, je le porterai toute ma vie; je vais devoir vivre avec le regard de mes enfants (...) Et je pense que mes parents ont fait du mieux qu'ils ont pu."

Besoin d'une loi

Aujourd'hui, elle dit attendre qu'une "loi passe" sur la fin de vie. "Pourquoi en France, on ne va pas au bout du process, pourquoi on n'aide pas les gens à mourir dignement ? Je pense qu'il faudrait légaliser cela, il faut aider les gens qui en font la demande, ça les aide et ça aide aussi beaucoup l'entourage", avance la jeune femme. 

Évoquant des écoutes téléphoniques, l'avocat général revient sur le passage à l'acte, "pendant un mois, pas une fois vous parler d'euthanasie à votre famille, de votre passage à l'acte, pourquoi ?". Émilie G. avance maladroitement un argument : "J'ai eu peur que si je le disais à un membre de ma famille, il prenne ma place". Sous le feu des questions de l'avocat général, l'accusée se défend tant bien que mal sur son intention et sur la préméditation. Elle peine à parer le feu nourri des questions de l'accusation. "Je ne veux rien entendre, je m'en tiens aux faits et vous avez peur d'aller en prison", assène l'avocat général. 

"J'ai tout avoué. Vous savez tout de moi. C'est un exercice difficile de voir toute sa vie décortiquée depuis son enfance. Je n'ai plus rien à cacher : tout s'est passé comme je l'ai expliqué au 2e jour de ma garde à vue," s'emporte l'accusée.

"Pourquoi votre grand-père ne voulait pas aller en maison de retraite ? " demande l'avocat général. "Pour ne pas mourir seul !" répond spontanément l'accusée. "Et comment est-il mort ?" poursuit l'avocat général. "Il est mort seul !", lâche-t-elle en baissant la tête. 

Et les directives anticipées, demande l'avocat général. "Madame ce n'est pas possible d'euthanasier quelqu'un quand il ne peut pas exprimer sa volonté ? On ne brûle pas les gens !". Émilie G. est en pleurs.

"Je l'ai fait parce que je l'aimais, je voulais soulager ma famille... je pensais qu'il n'avait demandé qu'à moi de mourir". Que pèseront ces déclarations de l'accusée à la barre ? À la mi-journée, l'heure était à la lecture des sept questions auxquelles devront répondre les jurés. Ils devront notamment se prononcer sur la préméditation mais aussi sur une éventuelle altération du discernement de l'accusée. Emilie G. risque la réclusion criminelle à perpétuité.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information