"Ça m'a sauvé", Grégoire, ancien SDF est maintenant logé dans de ces camions réfrigérés transformés en habitations

Sur le site de l’Armée du salut à Bron, d’anciens camions réfrigérés ont été transformés en logement pour accueillir des personnes précaires. L’initiative vise à les accompagner également vers un retour à l’emploi.

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À première vue, rien ne distingue le site de celui d’un entrepôt de camions à l’abandon. Ici, et là, une dizaine de remorques sont disposées les unes à côté des autres. Les sigles des entreprises auxquelles elles appartenaient, tout comme les plaques d’immatriculation et châssis sont comme à l’origine. Mais en s’approchant, on distingue des fenêtres, ainsi qu’un petit escalier menant à l’intérieur de chaque véhicule. Depuis janvier 2024, ces 14 semi-remorques frigorifiques donnés par un mécène ont été aménagés en logement pour personnes sans-abris, sur le site de l’Armée du salut à Bron. 

Ce centre d’hébergement atypique, géré par l’association, regroupe deux dispositifs différents : une partie du site accueille des mères avec enfants, et l’autre partie, des personnes isolées, en colocation. Le projet, financé par la Métropole et par l’Etat, combine insertion vers le logement et insertion professionnelle. 

"En France, c’est la première fois que ce type de démarche a lieu"

Côté familles, le site affiche déjà complet. En ce moment, six mamans y habitent, avec chacune quatre enfants. Laura, arrivée d’Angola, est l’une d’entre elles. Pendant que ses trois plus grands enfants sont à l’école, scolarisés à Bron, elle peut s’occuper de sa petite dernière de deux ans, Rouzlana. À l’intérieur de la remorque qui lui a été attribuée, c’est comme un petit cocon, avec des jouets d’enfants éparpillés, et une décoration chaleureuse. Rouzlana, grands yeux et petites tresses, écoute sagement une histoire lue par Laura.

"Je suis chez moi" confie la mère de famille, qui savoure l’intimité et la sécurité retrouvées après avoir connu les placements en hôtels, les foyers, et même la rue. Laura a appris la langue de son nouveau pays avec une association. "Je continue à apprendre le français toute seule à la maison, et avec les enfants qui vont à l’école, ils m’aident beaucoup" précise cette maman qui souhaite construire un futur stable à ses enfants ici, en France. 

 

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Quelques mètres plus loin, à l’intérieur du bâtiment depuis lequel travaillent les équipes de l’Armée du salut, Lucie Deneze s’active dans son bureau. "En France, c’est la première fois que ce type de démarche a lieu. Ces camions sont comme des tiny houses, c’est-à-dire des maisonnettes aménagées en lieu de vie" explique la cheffe de service socio-éducatif. L’intérieur des camions fait une trentaine de mètres carrés, avec chambre, salle de douche et sanitaire. Les familles disposent aussi de leur propre cuisine. "Au regard de ce qui se fait ailleurs en termes d’hébergement d’urgence, ce sont plutôt des très bonnes conditions d’accueil" précise Lucie Deneze. 

Les familles accueillies ici sont sélectionnées par la Métropole et la Maison de la Veille sociale, tandis que les candidatures des personnes isolées sont présentées par la Maison de la Veille sociale à l’Armée du salut, qui examine et valide la comptabilité de ces derniers avec le dispositif. "Notre travail au quotidien c’est de faire du sur-mesure. L’accueil ici suppose une certaine médiation, au regard des profils de gens qui ont vécu longtemps seuls à l’extérieur, et qui peuvent aussi souffrir de certaines difficultés ou pathologies" détaille la cheffe de service de l’Armée du salut. Ici, le dispositif permet un suivi et une stabilité particulièrement bénéfique pour les bénéficiaires. "Ils peuvent se poser et se projeter à plus long terme" ajoute Lucie Deneze. 

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"C'est tout confort"

Dehors, entre les semi-remorques, quelques résidents discutent sur des chaises en plastique. Parmi eux, Grégoire, 45 ans, qui a été accueilli sur le site dès son ouverture en janvier. Large sourire, il fait visiter le camion dans lequel il cohabite avec un autre bénéficiaire. "C’est tout confort !" lance-t-il fièrement.

Je reviens de loin. Il y a trois mois, j’étais avec deux couvertures, sur le trottoir sous –5 degrés. Aujourd’hui je vais travailler, j’ai du chauffage, j’ai une douche

Grégoire, 45 ans, ancien sans-abri

La pièce est presque nue, mais Grégoire a tenu à l’aménager au mieux, avec une machine à café, quelques livres, et une enceinte de musique. Cet ancien industriel s’était retrouvé à la rue il y a trois ans, à la suite d'une dépression post-séparation. Une descente aux enfers durant laquelle il finit par être totalement isolé. "Je faisais des demandes de logements sociaux, mais c’est saturé à Lyon, il y a parfois 7 ans d’attente... Je n’avais le droit qu’à une nuit par semaine en centre d’hébergement d’urgence, c’était très difficile" souffle-t-il, passant la main dans ses cheveux poivre et sel.

C’est alors que la Maison de la Veille sociale lui parle de ce nouveau centre d’hébergement novateur. "Au début j’étais un peu réfractaire, car c’est quand même de la colocation. Quand on est dehors, on est habitué à une certaine solitude, on n’a de compte à rendre à personne. Là c’est très cadré, il faut apprendre à faire des concessions, mais ça vaut le coup" confie-t-il. 

Au sein du centre, Grégoire a ensuite bénéficié d’un accompagnement social et professionnel. Il commence désormais un emploi sur un chantier d’insertion, en menuiserie. "Ça me plaît beaucoup. Je débute par quelques heures puis, le rythme de travail va augmenter au fur et à mesure des semaines" détaille-t-il. Pari réussi, donc, pour l’Armée du Salut qui espère défendre une nouvelle manière de penser l’hébergement d’urgence, en favorisant la réinsertion. "Être accueilli ici, ça a été un sauvetage, et maintenant mon passage à la rue fait partie du passé" affirme ainsi Grégoire.

À terme, le site de Bron pourra accueillir 90 personnes, enfants compris, comme un tremplin vers une nouvelle vie. 

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