"On ne méritait pas ça" : Fin de partie pour Watts Industries, 97 personnes perdent leur emploi et le site ferme définitivement

Les 97 salariés de l'usine Watts près d'Abbeville vont perdre leur emploi, aucun repreneur n'a été trouvé pour cette entreprise spécialisée dans les pompes à chaleur et la robinetterie. Si les syndicats se disent assez satisfaits des conditions du plan social, ils restent très amers vis-à-vis de cette décision de fermeture.

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97 salariés, dont la moyenne d'âge est de 51 ans et la moyenne d'ancienneté, 27 ans. Tous vont être licenciés d'ici au mois de septembre : le site Watts-Industries d'Hautvillers-Ouville, près d'Abbeville, n'a pas trouvé de repreneur.

Un plan social a été négocié entre les syndicats et la direction, signé le 16 janvier. Il doit encore être soumis à titre consultatif au CSE de l'entreprise et homologué par l'État, mais le sort des ouvriers est d'ores et déjà scellé. La direction, qui s'exprime par la voix de son attachée de presse, salue le "climat serein" dans lequel les négociations se sont tenues.

Le délégué syndical CFDT de l'entreprise, Stéphane Graindor, se dit satisfait des conditions obtenues, mais reste très amer sur la décision de fermer le site et le flou dans lequel seraient maintenus les salariés. "Personne sur le site n’est capable de dire quand il va être licencié, c’est pesant, regrette Stéphane Graindor. On pose régulièrement la question à la direction et ils ne sont pas capables de nous répondre. C’est très mal ficelé, c’est à l’image de leur PSE depuis le début."

"Le repreneur, on n’y a pas cru du tout"

C'est au mois d'octobre que la direction de Watts Industries a annoncé sa volonté de fermer cette usine de la Somme. Une surprise pour ses salariés. "On ne méritait pas ça, on avait fait des très bons chiffres en 2023, c’est nous qui faisions le plus de résultats parmi tous les sites de France, observe Stéphane Graindor. On a beaucoup de mal à l’accepter, être licencié avec un PSE, dont le “E” veut dire économique, c’est très surprenant avec les chiffres que l’on a faits en 2023."

Pour le syndicaliste, le site est victime du cynisme du fonds d'investissement américain qui possède l'entreprise : "ils nous ferment et ils ont racheté une société en janvier aux États-Unis. Le repreneur, on n’y a pas cru du tout. Ils ont pris un 'cabinet fantôme' qu’ils ont payé très cher. Ils ont envoyé 200 mails pour un retour de 11 % à 12 %, sans efficacité. On pense que la société n’a pas tout fait pour nous trouver un repreneur."

La direction de l'entreprise, quant à elle, se dit "ouverte" aux propositions de reprise du site qui pourraient lui parvenir avant l'été. Dans le cas contraire, elle devra assurer la dépollution du site. La production doit s'arrêter totalement au début de l'été, pour une fermeture définitive en septembre. La majorité des machines seront envoyées sur le site Watts-Socla situé en Bourgogne, à Virey-le-Grand, où siège également la direction française du groupe. Un dépeçage difficile à admettre pour le délégué CFDT : "Avec ça, on a beaucoup de mal, on était plus profitable [ndlr : que le site bourguignon]". Le reste du patrimoine industriel sera envoyé en Italie et en Bulgarie.

Pour le syndicaliste, cette fermeture est un non-sens économique : "Notre cabinet d’experts nous a bien fait comprendre qu’il n’y a pas un groupe en France qui fermerait un tel site. Ils mettent 17 millions dans un PSE alors que 4 ou 5 millions d’investissements auraient été suffisants pour améliorer nos résultats. On s’est toujours débrouillés avec les moyens du bord, il y avait zéro investissement, ça fait 50 ans que l’on travaillait sur les mêmes machines." Le délégué CFDT craint que les fermetures ne se limitent pas à l'usine de la Somme, mais que le centre logistique d'Avignon soit le prochain menacé.

Des politiques devant le fait accompli 

Pour tenter de sauver l'usine, de nombreux politiques se sont relayés sur le site, un comité préfectoral a même été formé. Aujourd'hui, ils ne comprennent pas la décision de la direction de Watts Industries.

"Cette annonce est évidemment une catastrophe pour la commune d'Hautvillers-Ouville, pour les salariés et leur famille, cette fermeture impactant directement et indirectement 400 personnes auxquelles j’apporte tout mon soutien. Les craintes initiales se sont donc avérées fondées : par une délocalisation non assumée, notamment en Bulgarie, le groupe américain a manqué de transparence, refusant de dévoiler, avant les négociations, le montant de la provision prévue au titre du PSE. L'urgence reste de trouver des repreneurs, au moins partiels : la procédure a pour l'instant été engagée de manière purement formelle, conformément à la loi Florange" réagit Matthias Renault, député RN de la troisième circonscription de la Somme.  

Un constat d'effort minimum et de manque de transparence partagé par le sénateur PS de la Somme Rémi Cardon. Pour lui, la direction du groupe "avait déjà la suppression de cette usine en tête depuis longtemps. S’ils avaient eu l’idée de dialoguer, ils auraient fait autrement. J’ai vécu d’autres PSE où la direction est volontariste, avec un dialogue social digne de ce nom, où les politiques ne sont pas obligés de créer un comité préfectoral pour muscler le rapport de force."

Sur le dialogue, je trouve cela abusif, nous étions dans une asymétrie d'information et sur la partie économique, je ne comprends toujours pas.

Rémi Cardon

Sénateur (PS) de la Somme

"Il y a des profils sur lesquels je suis inquiet, qui ont 30 ans d’ancienneté, continue Rémi Cardon. Certes, ils vont récupérer une indemnité, mais d’un autre côté, c’était leur travail, leur dignité, leur utilité sociale. Cela a été rompu avec une direction qui n’a pas joué le jeu et des incohérences stratégiques dans ce groupe. Au niveau mondial, le groupe a des marges à 18%, sur cette usine, elles seraient à 12 %."

Pour lui, cette fermeture est un exemple de ce qui ne doit plus arriver, il souligne que la loi Florange devrait être retravaillée pour améliorer les conditions de négociation des plans sociaux. "On ne peut plus se permettre, si on veut que l’Europe soit un continent de producteurs, d’avoir des licenciements comme cela. Sur le dialogue, je trouve cela abusif, nous étions dans une asymétrie d'information et sur la partie économique, je ne comprends toujours pas.

Un déchirement

Dans l'atelier, l'ambiance est lourde. "C’est pesant. Des gens veulent partir avant la fin. Il y a beaucoup d’affect, on a passé beaucoup de temps avec nos collègues et on va être séparés" relate Stéphane Graindor. Il insiste sur la bonne foi avec laquelle salariés et syndicats ont tenté de sauver le site, allant jusqu'au Ministère de l'Économie pour présenter des scénarios alternatifs.

"64 % de nos produits sont livrés dans le nord de la France, l’idée était de créer un centre logistique pour livrer cette production à destination du nord, qui pour l’instant transite par Avignon, et de fermer la fonderie et l’usinage. Ce scénario nous permettait de garder 80 personnes sur site sur 97, ça ne faisait pas de licenciement sec avec les départs volontaires." En vain, toutes les propositions ont été refusées par la direction, qui ne s'est pas rendue au rendez-vous avec le Ministre de l'Économie.

"Refuser de venir à Bercy alors que le cabinet du Ministre était dans une optique d’accompagner, sans mettre en danger le groupe Watts, j’ai trouvé ça assez surprenant, observe le sénateur Rémi Cardon. Ils ont peut-être le sentiment d’avoir fait des économies sur le dos de ces salariés, mais je pense que ça laissera des traces sur leur image de marque."  

Aujourd'hui, la priorité des syndicats est d'accompagner les collaborateurs pour "partir dignement". L'objectif des syndicats était d'obtenir les mêmes conditions qu'un PSE signé sur un site fermé par le groupe en 2021 en Savoie. Les négociations ont permis d'y parvenir, avec un congé de reclassement de 12 à 20 mois pour les salariés et une aide jusqu'à 15 000 € pour ceux souhaitant créer une entreprise. "On a essayé de se battre" conclut Stéphane Graindor avec amertume. La fermeture de l'usine représente aussi des revenus en moins pour la municipalité et la communauté de communes. 

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