“Ce livre enseigne. Le trajet, c'est une école”, un jeune Guinéen raconte son périple jusqu'à Lyon

Mamadou Sow a quitté sa Guinée natale à l’âge de 15 ans direction la France. Un périple de 10 000 kilomètres avec un seul objectif : trouver des médicaments en France pour soigner son père. Son récit est devenu un livre paru en septembre. Interview.

Né pour partir. C'est le récit poignant de 10 000 kilomètres de traversée pour atteindre la France. À 15 ans, Mamadou Sow n’a pas d’autre choix. Il doit quitter sa Guinée natale pour sauver son père atteint d’un cancer.  

Racket, menaces de mort, traversée de la Méditerranée sur un canoë… Les épreuves s’enchaînent pendant six mois jusqu’à son arrivée à Toulon d’abord, puis à Lyon. Mamadou Sow se raconte dans un livre co-écrit avec Azouz Begag.

"Ce livre enseigne"

Le parcours que j’ai fait mérite une trace. Vous voyez, Christophe Colomb, il y a eu des traces parce que c’était important. Moi, je considère que le parcours que j’ai fait est aussi important. Il y a des migrants qui sont restés dans la Méditerranée, ils se sont noyés. Il y a des corps qu’on n’a pas retrouvés jusqu’à présent. Ces personnes méritaient mieux que ça. Ces personnes méritent un hommage. Ce livre, je ne l’ai pas écrit pour moi seul, mais pour tout le monde. 

Ça donne aussi une leçon pour quelqu’un qui n’a jamais traversé, qui n’a jamais quitté sa famille, qui n’a pas connu la misère. Ce livre enseigne. Le trajet, c'est une école. 

D’autres migrants sont décédés lors de leur traversée. Quand vous entendez cela, quel est votre état d’esprit ? 

En premier, je remercie le bon Dieu parce que j’étais parmi ces personnes. Il y en a qui y sont restées, d’autres qui s'en sont sorties. Mais je suis triste (...), j’aimerais bien les voir réussir.

Vous racontez cela avec parfois le sourire… 

Le trajet n’a pas été facile. Je le raconte avec un peu de sourire parce qu’en fait, des fois quand je me souviens de ce que j’ai traversé, c’est le sourire qui me vient. 

Maintenant oui, j’ai eu un peu de courage. Il y a des personnes une fois arrivées en Libye et vu tout ce qu’elles ont traversé, elles préfèrent rentrer. Moi, ma mission, c'était de ne pas rentrer sans les médicaments de mon père.

Obligé de se soumettre pour rester en vie

Un jour, la police libyenne voulait nous ramener dans le désert à 23h00. Ils nous ont pris, ils parlaient arabe, mais je ne comprenais pas ce qu’ils disaient. Ils m’ont posé une question et j’ai répondu oui. Mais je ne savais pas la réponse que je donnais. Et le policier m’a donné une gifle. 

Un jeune qui était à côté et qui comprenait l’arabe m’a dit “dis-leur que tu ne parles pas arabe sinon ils vont te tuer ici”. Ils m’ont demandé mon âge, je suis resté à côté d’eux et ils ont emmené les autres et je suis retourné dans le foyer. 

Je me souviens aussi des enfants de 7 à 10 ans qui venaient avec des pistolets au foyer pour nous racketter de l’argent. On ne pouvait pas réagir parce que si tu réagis, ils appellent leurs parents et après ça devient pire. (...) Tu es obligé de te soumettre pour qu'on ne t'ôte pas la vie. 

Maintenant, comment imaginez-vous l’avenir ?  

J’ai envie de réussir ma vie, de m’implanter et faire quelque chose qui va aider d’autres personnes. J’ai envie de vivre en France, c’est ma 8ᵉ année ici. 

Ma famille me manque. Surtout ma mère et mon petit frère. Je ne l'appelle pas souvent parce qu'il n'y a pas assez de réseau. Et à chaque fois qu’on commence à discuter, elle me dit qu’elle veut me voir et qu’il faut que je rentre. Mais pour le moment, je ne peux pas partir. Je n’ai pas de papiers, je ne pourrai pas revenir en France. Hier, je l’ai eu au téléphone. Elle était en larmes. 

Aujourd’hui, le jeune homme de 23 ans rêve de créer son entreprise de transports entre la Guinée et la France.

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