Depuis 5 semaines, le metteur en scène lyonnais Jean-Pierre Améris tourne "Profession du Père" avec Benoit Poelvoorde. L'adaptation d'un roman d'un autre lyonnais Sorj Chalandon.
Depuis un peu plus d'un mois, ils tournent dans Lyon, à St Jean ou à La Martinière, en extérieur ou en décors. Benoit Poelvoorde a retrouvé Jean-Pierre Améris, avec qui il avait déjà tourné "Les Emotifs Anonymes". Cette fois le fantasque acteur joue un personnage trouble, celui d'un père "border-line", inquiétant, avec de fréquents accès de violence, notamment à l'encontre de son fils Emile, interprété par le jeune Jules Lefevre.
Une belle histoire lyonnaise que ce tournage de Jean-Pierre Améris, un Gone du Vieux Lyon qui a choisi d'adapter librement le roman d'un autre Lyonnais, un Gone de St Just celui-là, Sorj Chalandon. L'adaption cinéma de "Profession du Père", est moins violente que celle du livre, plus tragi-comique. D'ailleurs, fidèle à sa légende, Benoit Poelvoorde ne se prive pas de danser entre les prises et aussi de faire applaudir le jeu de son jeune partenaire.
"J'ai tout de suite eu aimé ce livre dès sa sortie", raconte Jean-Pierre Améris. Une aventure d'enfant. Pour moi, il n'y avait que Benoit Poelvoorde pour le jouer personnage du père. Moi j'aime Benoit Poelvoorde et je voudrais que les spectateurs l'aiment dans ce rôle."
Une histoire autobiographique
Le roman de Sorj Chalandon « Profession du Père », est sorti à la rentrée littéraire 2015. Un roman dans lequel pour la première fois, Sorj Chalandon parle de la tragédie de son enfance à travers les yeux d’Emile, petit garçon qui subit jour après jour la violence d’un père mythomane, obsessionnel, violent. Une relation qui s’exprime à coups de pied, de ceintures et de réveils en pleine nuit pour faire des pompes. Car ce père, soit disant ancien footballeur ou parachutiste, complote avec une armée invisible pour assassiner De Gaulle.
Ce roman, qui éclaire toute l’œuvre du romancier, Sorj Chalandon a accepté volontiers qu’elle soit portée à l’écran par Jean-Pierre Améris, sans interférer en rien dans l’adaptation ou dans les dialogues : « Moi j’ai fait un livre. Je suis là si un metteur en scène de théâtre ou de cinéma a besoin de moi. Mais c’est leur œuvre, j’ai donné ma confiance », nous a confié Sorj Chalandon dans une longue interview par téléphone.
"J'ai vu mon père!"
Le 21 juin dernier, il est venu dans sa ville natale, Lyon, pour assister au tournage, pour regarder de ses yeux d’adulte, l’histoire de son enfance sur grand écran. En tous cas pour l’instant sur un plateau de tournage. Une date qu’il avait choisie. Car, ce jour-là, était tournée une scène dans l’appartement familial, « un mélange entre celui des grands parents d’Améris et celui de mes parents, avec son papier peint des années 60 ». Une scène-clé du roman lorsque Emile menace son père avec son arme. Une scène qui en réalité, n’a jamais existé que dans l’imagination de Sorj enfant. « Cette scène, j’en ai rêvé toute mon enfance » , nous confie-t-il. « Et enfin je l’ai vue, cette peur dans les yeux de mon père ! C’était beau et terrible ! ».Pour ce moment intense, Sorj Chalandon était accompagné par sa fille de 15 ans, qui n’avait lu ni le roman, ni son adaptation en BD. « Je voulais qu’elle voit ce que j’avais vécu. Elle a pris mon père en plein visage ! »
Et le romancier ne tarit pas d’éloges sur les trois principaux comédiens : « Benoît Poelvoorde est tout en retenue et en éclats de fureur. C’est mon père ! Audrey Dana, c’est ma mère, en plus jolie, et plus protectrice, avec son caractère affectueux. Et quant à Jules Lefevre, qui joue Emile, il est à tomber par terre. C’est un acteur qui porte le film au même titre que les deux autres. J’ai été sidéré par ce qui se dégage de lui. Je ne m’attendais pas à ça et j’ai été cueilli. »
Au final, l’ancien petit enfant bègue de St Just avoue être sorti du plateau de Jean-Pierre Améris « lessivé mais heureux d’avoir fait confiance. »
A la prochaine rentrée littéraire sortira son nouveau roman, le 9e, intitulé « Une joie féroce ». L’auteur parlera cette fois à la première personne, par la voix d’une femme, Jeanne, une résistante face à la maladie. Sortie prévue : le 14 aout aux éditions Grasset.
Retrouvez le reportage de Julien Sauvadon et Jean-Christophe Adde