Les greffiers étaient en grève nationale ce 3 juillet, un mouvement rare pour protester contre leurs conditions de travail "dégradées" et leur rémunération jugée insuffisante.
"Nous ne pouvons pas continuer à travailler dans ces conditions. Ce n'est pas possible ! Nous sommes les gardiens de la procédure. Nous sommes la plume de la justice. Nous sommes un maillon essentiel de la chaîne judiciaire", déclare avec calme Karine Payet, greffière au tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, dans l'Ain.
Les greffiers en ont "ras la robe". Les personnels du ressort de la cour d'appel de Lyon se sont donnés rendez-vous devant le palais de justice ce lundi matin 3 juillet 2023. Ils venaient de Lyon, Bourg-en-Bresse, Saint-Etienne, Villefranche et Roanne. "C'est un mouvement né d'une réelle volonté des greffiers de crier leur ras-le-bol," ajoute la jeune femme.
Indispensables pour la justice
"Sans les personnels de greffe, il n'y a pas de justice", confirme Olivier Nagabbo, avocat général près la cour d'appel de Lyon. Sur les marches des 24 colonnes, le magistrat lyonnais, a symboliquement revêtu sa tenue d'audience solennelle, robe rouge à revers bordés d'hermine. Un symbole fort et "visible".
Ce lundi matin, il était présent avec plusieurs de ses collègues "pour soutenir" l'action de ces personnels indispensables. "Les codes de procédure, civile ou pénale, prévoient que l'assistance du greffier est obligatoire, pour authentifier, pour assister le magistrat. Si on les traite mal, si on les reconnaît peu, la justice ne peut pas fonctionner. C'est un maillon essentiel, autant que les avocats et les juges", confirme Olivier Nagabbo.
Les greffiers se présentent comme des "travailleurs de l'ombre", mais aussi comme des rouages essentiels au bon fonctionnement de la justice et pas uniquement de la justice pénale. "La justice a besoin de nous", résume Karine Payet, greffière au tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, dans l'Ain. Aujourd'hui, ces professionnels de justice se sentent "méprisés".
Revalorisation, rémunération, conditions de travail
"Nous jouons les intermédiaires entre les avocats, les magistrats, les justiciables, des associations", énumère Karine Payet. "Si nous transmettons une décision fausse, on ne peut pas l'exécuter. Notre travail est capital et notre travail mérite salaire, il mérite une revalorisation, pas seulement indiciaire. (...) Nous ne demandons pas seulement que notre échelon ne soit pas baissé, nous demandons une revalorisation complète," insiste la greffière.
Si les greffiers ont été très sollicités ces derniers jours en raison des émeutes urbaines, leur surcharge de travail n'est pas récente, tout comme le sous-effectif chronique dont souffre la profession depuis quelques années.
Il n'est pas normal que dans certaines juridictions, nous n'ayons plus de ramettes de papier pour pouvoir donner des jugements. Il n'est pas normal que l'on ne puisse pas envoyer des convocations ou que les greffiers fassent des heures à outrance sans pouvoir les récupérer ou être rémunérés.
Karine PayetGreffière, tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse
Aujourd'hui, les greffiers, rarement en grève, pointent du doigt, les conditions quotidiennes d'exercice de leur métier. Les personnels réclament des conditions "correctes".
Une nouvelle grille qui ne passe pas
La venue du ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti, la semaine dernière à Lyon ne les avait pas convaincus. Le garde des Sceaux était venu installer le premier comité des usagers du tribunal. Les greffiers lui avaient alors ostensiblement tourné le dos, en signe de protestation contre un projet de revalorisation indiciaire.
Avec la nouvelle grille salariale, établie par le ministre de la Justice, les greffiers perdent plusieurs années d’ancienneté. "Quand on rentre dans ces professions, c'est par idéalisme (...) une nouvelle grille les fait reculer qui leur fait perdre des années d'ancienneté. Ce n'est pas admissible", déplore Olivier Nagabbo.
Quant à Stéphanie Planchet, elle a du mal à cacher son émotion. Greffière au tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse depuis 1997, elle affirme aimer toujours autant son métier. "Mais je suis très déçue", lâche-t-elle, au bord des larmes.
Le mouvement est reconduit ce mardi 4 juillet.