Claudette Couturier, surnommée Nanou, a suivi ce mardi matin, avec attention, les conclusions du rapport de la Commission Sauvé sur la pédocriminalité dans l'Eglise. Violée par trois prêtres alors qu'elle était enfant, cette Vaudaise a témoigné lors de la longue enquête menée par la CIASE.
Durant son enfance dans les années 60 et 70, Claudette Couturier a régulièrement été violée par trois prêtres à Vaulx-en-Velin. Elle vivait alors chez sa grand-mère, une femme maltraitante et alcoolique. Ce matin, elle a écouté très attentivement les conclusions du rapport de la Commission Sauvé. Elle est partagée entre soulagement et émotion.
"C'est hallucinant ! On pense - nous les enfants abusés dans notre petit coin - être les seuls au monde. Mais là, les chiffres sont vraiment parlants! Je me dis bravo pour cette enquête et pour le travail fait en amont. Enfin, on existe réellement! Ça fait du bien ! J'ai l'impression que c'est un abcès qui est énorme et qu'il faut vraiment vidanger," explique Claudette, dite Nanou. Cette femme de 65 ans est encore sous le choc du nombre de victimes présenté par le rapport de la CIASE. Les chiffres sont vertigineux : Jean-Marc Sauvé évoqué de 216.000 à 330.000 victimes d'abus sexuels dans l'Eglise.
Près de 6.500 personnes ont été contactées par la Commission indépendante présidée par Jean-Marc Sauvé sur les abus sexuels dans l'Eglise, 243 victimes ont fait l'objet d'auditions très détaillées dans le rapport dévoilé ce mardi matin. Claudette Couturier figure parmi les victimes qui ont été longuement entendues par les experts de la Commission. Elle a fait partie des toutes dernières personnes à avoir témoigné devant la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise.
Avant qu'elle ne partage son histoire devant la commission Sauvé, elle était murée dans le silence. Pourquoi a-t-elle fait la démarche d'en sortir? "J'ai compris que c'était sérieux, cette commission," a-t-elle confié. Mais avant cela, ce sont les révélations de la Parole Libérée qui l'ont conduite à parler. C'était en 2016. Un véritable "déclic" pour elle. Elle avait même affronter un de ses agresseurs encore vivant. Sa plainte pénale était déjà une première démarche de réparation. Nanou a franchi une autre étape en témoignant devant la Commission Sauvé. Elle a souhaité que son audition et sa parole aident d'autres victimes à oser sortir du silence. "J'en suis sortie, ça m'a fait un tel bien ...". Elle reste persuadée que d'autres "sont encore dans le silence".
Une nécessaire indemnisation des victimes
La question de la réparation est au cœur du travail de la Ciase. "On m'a volé les 13 premières années de ma vie. Je n'ai pas eu d'enfance. J'ai fugué pour être libérée d'eux," explique-t-elle en parlant de ses agresseurs. A la question de savoir si elle est favorable à une indemnisation, elle répond par l'affirmative : "Oui, je suis en faveur d'une indemnisation ! Je pense qu'elle est logique. Ce n'est pas parce qu'il y a prescription que je vais rester sans rien (...) Je vais la revendiquer cette indemnisation." explique Nanou. "On n'attend pas des grosses sommes. Cette indemnisation nous permettra peut-être de faire quelque-chose (...) C'est une responsabilité de l'Eglise (...) Elle doit faire quelque chose. Nous on ne se nourrit pas avec un pardon !"
Pour cette victime de pédocriminalité, les prêtres coupables d'actes pédophiles doivent répondre de leurs actes devant la justice. "Pitié, que ça ne s'arrête pas aujourd'hui après cette démarche !"