Confrontées à l’inflation et à la baisse des aides, certaines épiceries solidaires ont du mal à joindre les 2 bouts

Dans un quartier du 8e arrondissement de Lyon, l’épicerie solidaire "Epicentre" risque de fêter ses 10 ans d'existence avec amertume. Confrontée à l’inflation et à la baisse des aides, l’association a de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. 360 personnes fragiles dépendent entre autres de ses services et produits à très bas prix. Si elle ne réunit pas 15 000 euros d’ici un mois, elle risque de devoir fermer boutique. Elle lance un appel au don.

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Tous les matins, à raison d’une fois par semaine, les bénéficiaires de l’épicerie solidaire "Epicentre", dans le quartier du Moulin à Vent (Lyon 8e) franchissent la porte du lieu. Depuis les vitrines, les rayonnages sont très visibles, on y aperçoit des produits de première nécessité, mais aussi des articles de soins et d’hygiène bio.  

Abdellatif Arfaoui s’installe à la caisse. Depuis 2016, il est bénévole et s’occupe de l’association presque tous les jours. Sur le tapis, les premiers bénéficiaires du jour déposent leurs achats. Paquets de pâtes, café, cacao, céréales, boîtes de conserve, lait, yaourts, fromages et fruits et légumes s’alignent à la queue Leleu.

Les sommes à régler sont très basses, une quinzaine d’euros là où il faudrait débourser au bas mot quatre à cinq fois plus dans un magasin courant. Pour Augustin Michoud, le coordinateur de l’épicerie, c’est justement le but d’Epicentre : “Nous distribuons de la nourriture de qualité bio à tous les habitants du quartier qui sont inscrits chez nous, ainsi qu’à tous nos adhérents.” Mais de plus en plus, il faut faire face à un écart grandissant entre les rentrées d’argent et la pratique de prix très bas.

La différence entre un produit acheté par l’association et sa revente pèse beaucoup sur ses comptes, au point de la mettre dans le rouge.

Le bio dans une mauvaise passe

Car les temps se durcissent. Les adhérents classiques, non bénéficiaires, qui paient le prix normal et apportent du coup leur soutien viennent moins. “Nous rencontrons exactement le même problème que tous les magasins bio, les gens ont moins les moyens, ils désertent peu à peu”, constate Augustin. Et ce chiffre d’affaires manque cruellement...  

 

Résultat : depuis un peu plus d’un an, "Epicentre" rencontre des difficultés financières. L’association a été mise en redressement judiciaire. Cela fait des mois que l’équipe essaie de remonter la pente pour boucler le budget. Mais aujourd’hui, les comptes affichent un déficit de 25 000 euros. En cause, la fin des aides exceptionnelles qui étaient liées au Covid, la suppression de certaines subventions, le désengagement de certaines entreprises mécènes qui retirent leurs oboles, ici 1 000 euros, là 2 000 euros. Et puis l’inflation qui renchérit tout, l’achat de la nourriture, les coûts de transport des marchandises, l’énergie (électricité, chambre froide). Face à cette situation, afin de préserver la vie de l’épicerie, l’association lance un appel aux dons pour rassembler d’ici à la mi-mai 15 000 euros, 30 000 euros d'ici la fin de l’année.  

Beaucoup d’épiceries solidaires fragilisées par le contexte actuel 

"Des problèmes financiers, un grand nombre d’épiceries solidaires et sociales en rencontrent", confirme Lucile Monot, animatrice du groupement des épiceries sociales et solidaires Rhône-Alpes/Auvergne. Parmi la cinquantaine de boutiques, certaines sont en butte à des difficultés de trésorerie. "À cela s’ajoutent les questions des pertes de financement", fait observer l'animatrice du réseau GESSRA.

Dans la situation actuelle, il faut sans doute améliorer les stratégies d’approvisionnement, peut-être repenser certains modèles socio-économiques. Mais le plus évident, c’est que nous sommes confrontés à une baisse de l’aide alimentaire compte tenu de la lutte contre le gaspillage alimentaire et face à une hausse forte de la demande des gens qui sont fragilisés.

L’équation est parfois cornélienne. Au point qu’il devient nécessaire de repenser le concept de “tiers financement”. Il passe par une alimentation de qualité, un achat au juste prix pour le producteur, et une revente à un prix réduit pour les bénéficiaires. Or, c’est ce tiers financement qui permet de soutenir et combler la différence… 

Accompagnement des porteurs de projets 

Épicerie, accès à de la nourriture très peu chère, un prétexte pour un travail en profondeur avec les bénéficiaires, également appelés porteurs de projets. L’idée ? Accompagner les familles pour gérer leurs moyens financiers par rapport à un projet qui doit leur permettre soit de réduire une dette, quelle que soit son origine (impayé, arriéré de loyer, remboursement, etc.), soit de mettre de côté de l’argent dans un but précis : passer le permis de conduire, une réparation sur la voiture, l’achat d’un électroménager, une attente d’allocation, une attente de formation, etc. Pour cela, elles sont suivies par une conseillère sociale et familiale salariée de l’association. “On vise des personnes qui sont en précarité et qui pourraient basculer dans la grande précarité. Notre objectif est justement d’éviter ce risque pour eux de se retrouver dans un cercle vicieux d’endettement dans lequel ils auront énormément de mal à sortir”, redoute Augustin Michoud.  

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