Prolongation des droits des intermittents, programme de commandes publiques, fonds pour les tournages, adaptation des lieux à l'épidémie... le Chef de l'Etat a dévoilé des mesures qui allaient être prises par le gouvernement pour soutenir le secteur de la culture. A commencer par les intermittents.
Salles de spectacles, de théâtre et de cinéma fermées, festivals et événements culturels annulés sine die ou reportés, tournages à l'arrêt... depuis le 17 mars, le monde de la culture est totalement à l'arrêt en raison de la crise sanitaire Coronavirus et du confinement du pays. Un secteur sinistré et en danger qui aura du mal à se relever. Alors que les différents acteurs de la Culture en France se sentent les grands oubliés des mesures gouvernementales, ce mercredi 6 mai, les premières mesures d'un plan de sauvetage de la culture ont été dévoilées par Emmanuel Macron. La principale annonce concerne les intermittents du spectacle.
Inquiétude des Intermittents laminés par la crise COVID
Spécificité française, le régime des intermittents concerne près de 100.000 artistes et techniciens indemnisés chaque année. Pour obtenir l'assurance chômage, ils doivent avoir travaillé 507 heures sur douze mois. Or avec les annulations, très peu pourront cumuler les cachets nécessaires.Ainsi, l'auteur, comédien et metteur en scène Jacques Chambon est intermittent du spectacle depuis 1991. Il a toujours réussi à garder ce statut mais depuis le 17 mars, il a déjà perdu 22 jours de travail. Confiné, il n'en reste pas moins actif et écrit pour un one-man show pour Damien Laquet.
"Le statut d'intermittent du spectacle s'obtient en ayant 507 heures de travail sur une période de12 mois, sauf que sur une période de confinement pendant laquelle on ne travaille pendant peut-être pendant 2, 3, peut-être 4, 5 ou 6 mois - on ne sait pas - impossible de cumuler des heures de travail et donc impossible de se dire que le statut de chacun va pouvoir être prolongé," a expliqué le comédien lyonnais, connu notamment du grand public pour son incarnation du personnage de Merlin l'enchanteur dans la série Kaamelott.
Une longue période d'inactivité qui risque d'empêcher de nombreux intermittents de cumuler les 507 heures nécessaires au renouvellement de leurs droits pour l'année suivante. Sur ce point, le chef de l’Etat a voulu rassurer l'inquiétude des intermittents du spectacle concernant leurs droits. Emmanuel Macron s’est notamment engagé à ce que leurs droits "soient prolongés d’une année" au-delà des six mois où leur activité aura été "impossible ou très dégradée". Ce dispositif exceptionnel va ainsi prolonger leurs droits d'indemnisation jusqu'à fin août 2021. Un engagement fort pour les artistes et les techniciens, sans activité depuis mi-mars, et sans grandes manifestations à l'agenda d'ici fin août.
Intermittents : "On va pouvoir respirer"
Interrogé sur l'antenne de France 3 Rhône-Alpes, le 6 mai, Mustapha Kerroua, Directeur artistique du festival "La rue des artistes" qui se tient depuis 22 ans en juin à Saint-Chamond, cette annonce concernant les intermittents du spectacle "était une forte attente."
Après le confinement ... un avenir encore très flou pour les artistes et les lieux culturels
Mais la question du statut n'est pas la seule qui préoccupe les intermittents du spectacle. Le comédien Jacques Chambon est aussi à l'origine d'un groupe Facebook baptisé "des idées pour après". L'objectif est de préparer les réouvertures des lieux culturels et aider les artistes. Car la reprise s'annonce difficile pour les petites structures culturelles qui auront souffert notamment d'un important manque à gagner et d'absence de recettes. Des structures dont la survie reposent sur la fréquentation.
La comédienne lyonnaise Cécile Giroud en fait partie de ce groupe de réflexion. Pour elle aussi, tout s'est arrêté en mars. Si certaines scènes ou festivals reprogramment la comédienne en 2021, pour l'heure c'est encore le flou. Comment va se faire le redémarrage ?
"On ne sait pas si ça va rouvrir, et si les gens vont revenir, on ne sait pas si les cafés théâtre auront les reins assez solides pour pouvoir tenir jusqu'à la date de réouverture," s'interroge l'artiste.
En attendant de pouvoir de nouveau travailler et s'exprimer face à leur public, de nombreux artistes restent très actifs sur les réseaux sociaux.
Pas d'annonce de réouverture: déception au "Back-Step café-théâtre" à Vichy
Le 6 mai, Emmanuel Macron n'a pas annoncé de date de réouverture pour les lieux de création. Une date qui était pourtant très attendue. C'était notamment le cas de Noëlle Verreiras, comédienne qui a crée un petit théâtre associatif à Vichy en 2015: le "Back Step café-théâtre". "Il dit on va faire un nouveau point dans trois semaines, mais sur quoi. Nous notre saison, elle finit fin juin. En gros, il faut tabler sur septembre." Mais la comédienne et Présidente de l'association "Vichy Comédie" qui gère le lieu s'inquiète notamment de l'organisation qui s'annonce compliquée surtout si les décisions sont prises en dernière minute.
Fermé au début du confinement, le petit café-théâtre ne sait donc toujours pas quand il pourra rouvrir ses portes. L'établissement a profité de la fermeture et du confinement pour se refaire une beauté, de fond en comble. Quant à la reprise des créations sur site, dans des lieux adaptés aux contraintes de l'épidémie, cela parait compliqué.
La saison de ce café-théâtre se terminait habituellement en juin. Il pourrait bien ne pas rouvrir avant septembre. Une cagnotte en ligne lancée le 20 avril dernier et devrait l'aider à passer le cap de l'été.
Salles obscures dans le noir...
Pour le cinéma aussi la période est catastrophique. Les salles obscures ont fermé au soir du 14 mars et Emmanuel Macron n'a pas donné de date de réouverture. Depuis le début du confinement plus de 300 salles de la région sont plongées dans le noir, soit près de 800 écrans. La région Auvergne Rhône-Alpes est la deuxième de France pour le nombre de salles. Ces salles ont l'espoir d'une réouverture début juillet, à condition de respecter des mesures sanitaires. Ces mesures restent encore à définir... Un fauteuil sur deux ou sur trois, pour les mesures de distanciation sociale par exemple. Sur ces mesures, le gouvernement se prononcera fin mai.
Les exploitants de salles ne cachent pas leur inquiétude pour l'après-confinement: les distributeurs joueront-ils le jeu en proposant de nouveaux films et le public sera-t-il au rendez-vous ?
... et tournages à l'arrêt
La région est aussi une des régions préférées des cinéastes pour les tournages. Différents tournages sont à l'arrêt aussi depuis le début du confinement. En Auvergne Rhône-Alpes, huit films ont ainsi été impactés par cette crise sanitaire coronavirus. Soit cinq films de cinéma et trois téléfilms.
Et pour que les tournages puissent reprendre, les productions devront également respecter des normes sanitaires contraignantes. Il s'agirat notamment de respecter le port du masque pour les équipes, de procéder à la désinfection quotidienne du matériel et des décors mais aussi, et c'est plus compliqué, de supprimer des scènes comportant un trop grand nombre de figurants. Si tout va bien, les tournages pourraient reprendre d'ici la fin du mois de mai ou début juin. Reste un problème de taille : les assurances.
Culture en Auvergne Rhône-Alpes: quel poids économique ?
Dans la région, la culture représente un nombre très important d'emplois avec 21 284 salariés dans notre région dans le seul secteur du spectacle vivant. Ces salariés sont en forte majorité embauchés en contrat à durée déterminée.Ce sont aussi près de 11 000 artistes et techniciens qui bénéficient du statut d'intermittent du spectacle. Le réseau Grand Bureau qui fédère 120 acteurs régionaux des Musiques Actuelles estime à 44,5 millions d'euros le chiffre d'affaires généré par ses adhérents. Ces derniers sont des acteurs de l'action culturelle, des salles de diffusion mais aussi des loueurs de matériels ou des producteurs de spectacles…
L'Etat à travers la Direction des affaires culturelles consacre en un peu plus de 100 millions d'euros par an à la région Auvergne Rhône-Alpes. La moitié est consacrée au soutien de la création. Le Conseil Régional de son côté dépense un peu plus de 60 millions d'euros…Dans une pétition intitulée "Culture en danger", les intermittents du spectacle ont alerté le président de la République sur leur situation précaire.