Coronavirus. La solitude et la force de Sandra, infirmière à Lyon

Ce mardi 12 mai est la Journée internationale de l'infirmière. Une date qui revêt une importance particulière cette année pour les soignantes, alors que la crise épidémique du Covid19 sévit encore en France. Sandra Charignon, infirmière libérale de 47 ans, vivant à Lyon, nous a répondu. Portrait.

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Quand nous l'appelons, Sandra Charignon est au volant de sa voiture. Elle se rend au travail. Elle peut répondre à nos questions, elle dispose d'un kit mains-libres. Charlotte, gants, masques sont à ses côtés, sur le siège passager. Avant de prendre son service, l'infirmière répond volontiers à nos questions.
Après une première vague de contamination dans cette crise causée par le coronavirus Covid19, elle en a des choses à dire.
Les soins, les craintes, l'équipement, l'avant, l'après... Sa vie d'infirmière. Un métier qu'elle exerce depuis 22 ans déjà. 10 en tant que libérale. Et toujours avec passion. 
 

1ère vague, le chamboulement

Sandra travaille avec 6 autres collaboratrices, infirmières libérales au sein d'un cabinet à Vénissieux (Métropole de Lyon). Elles rendent quotidiennement visite à près de 80 patients. Des quinquagénaires, des sexagénaires. Lorsque l'épidémie a débarqué dans la région, elle a du s'adapter : "Il a fallu faire face, confie-t-elle. Cela nous a demandé une organisation particulière : il faut chaque fois s'habiller, mettre des gants, un masque, une charlotte sur les cheveux...". Un équipement contraignant, mais indispensable pour effectuer sa tournée. Elle et ses collaboratrices ont rapidement habitué leurs patients à ce nouveau rythme : "On les a mis au pli !" ironise-t-elle "On les a prévenus qu'il fallait respecter les gestes barrières, arrêter les échanges avec les voisins. On a été obligées d'être strictes"
Une stratégie payante : parmi tous ses patients, aucun n'a été touché. "C'est un soulagement, une petite fierté au sein de notre cabinet" ajoute-t-elle. 

La vie familiale s'en est trouvée toute chamboulée aussi. Maman de deux enfants, Sandra a du se séparer d'eux en les confiant à son ex-mari, pour pouvoir continuer à travailler, et surtout les protéger. Même si elle n'y a pas été confrontée directement, l'infirmière libérale continue à tout faire pour fuir le virus : son cabinet reçoit une dotation hebdomadaire de 12 masques chirurgicaux, et de 6 masques de type FFP2. Ce qui n'est pas suffisant en terme d'équipement, selon la soignante, très remontée sur ce point. "Des blouses, des charlottes,... On n'en a jamais reçu de la part de l'Etat" déplore-t-elle. "C'est le système D : des commerçants, des amis, des patients, des voisins, nous ont fabriqué des blouses en tissu ou en papier. Il y a eu beaucoup à faire dans les hôpitaux, mais on s'est senties lâchées, comme les médecins libéraux. Le gouvernement a oublié que toutes les personnes contaminables se trouvaient à domicile"

Ces équipements de protection, Sandra et ses collègues les paient souvent de leur poche. Mais encore faut-il réussir à trouver les pièces. Depuis deux jours elle recherche des gants. Rien en pharmacies. Encore moins du côté des fournisseurs. "Les gens utilisent les gants à tout va, du coup ça crée une pénurie. Encore plus compliqué que pour les masques ! J'ai trouvé 4 boîtes, ça tiendra 4 jours, jusqu'à la fin de la semaine, super !" confie-t-elle, sarcastique.

Sandra fournit ces efforts avant tout pour ses patients, ses enfants, sa famille, plus que pour elle. "J'ai peur d'être un vecteur, de le refiler à quelqu'un. Mais si on se dit qu'on va le choper, alors on aura encore plus peur d'aller sur le terrain"
Ce qu'elle redoute, c'est l'arrivée d'une deuxième vague. 
 

2e vague, rester mobilisée

Lorsque le Covid19 a commencé à se répandre sur le territoire, la France n'était pas préparée : "le virus était méconnu, le gouvernement à fait ce qu'il a pu, car il y avait peu de retour de l'étranger, mais il aurait pu mieux protéger les soignants" estime Sandra. Selon l'infirmière, des masques FFP2 aurait pu être réquisitionnés dans les secteurs du bâtiment et travaux publics. 
Depuis, les campagnes de dépistage ont été lancées, une réserve sanitaire déployée pour épauler les soignants. 

Une deuxième vague, il y en aura une. Elle en est persuadée. "Début juin, d'ici 15 jours environ. Avant même le déconfinement, les gens jouaient dehors, avec leurs enfants, ça m'a mis hors de moi. Les gens reprennent contact et se mélangent" souligne-t-elle, consternée. Sa plus grosse crainte concerne la rentrée de septembre, avec la rentrée scolaire et les divers rassemblements. "On ne sera pas assez immunisés. Ca risque d'être pire. Il faut espérer que le virus ne mute pas"

Alors en attendant, Sandra continue d'appliquer tous les gestes barrières. Gel, gants, masques, charlottes. Elle commence à connaître le refrain. "Il faut rester sur le qui-vive. Nous sommes déconfinés mais le Covid n'est pas parti". 

Avant de prendre son service ce soir, en chaussant sa charlotte sur la tête, Sandra se projette déjà en septembre : elle se voit dans la rue, aux côtés de ses confrères médecins libéraux, manifestant pour obtenir un peu de reconnaissance après tant d'efforts fournis, en guerre contre le Covid19 : "On soigne, on est jetés en pâture, on ne nous promet pas de prime, on achète notre propre matériel et on a toujours pas de remerciement"

Malgré tout cela, cet épisode intense et inédit, ce manque de considération, Sandra Charignon s'accroche pour aider les autres. Elle aime son métier, "je suis faite pour ça, je ne changerai pas" ponctue-t-elle "tant que j'ai la santé, je poursuivrai !"

 
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