L'ordre des avocats de Lyon a saisi ce lundi 20 avril le tribunal administratif sur les conditions sanitaires des détenus et des avocats pendant les parloirs à la maison d'arrêt de Corbas. La direction des services pénitenticiaires rejette cette suspiscion.
C’est une procédure peu commune : ce lundi 20 avril l’Ordre des avocats au barreau de Lyon,conjointement avec un détenu, a saisi le tribunal administratif par un « référé-liberté ».
Une action qui vise à introduire plusieurs demandes au juge des référés du TA de Lyon car l’ordre des avocats estime que les droits fondamentaux de la défense ne sont pas respectés.
C’est la commission pénale de l’ordre des avocats de Lyon qui a mené une enquête auprès des avocats pénalistes, de ceux spécialisés dans les droits des étrangers et des mineurs et recoupé les témoignages de leurs différents clients pour dresser une sorte « d’état des lieux ».
"C’est d’abord nos conditions d’accès à nos clients et l’exercice de notre profession qui sont limitées », réagit Bettina Sacépé, vice-présidente de cette commission et avocate pénaliste.
« Dans d’autres lieux que la maison d’arrêt de Corbas, les salles de parloirs avocats sont plus grandes ou ont été aménagés avec des tables et du cellophane pour garantir la distanciation. Pas à Corbas ».
Pas de dépistage des malades
Maitre Bettina Sécépé est d’autant plus concernée qu’un de ses clients, victime de poussées de fièvre, n’a obtenu l’accès à l’infirmerie après plusieurs demandes qu’après son intervention écrite. « Depuis on l’a changé de cellule à titre de sanction et comme il refusait d’intégrer ce nouveau lieu, il a été placé en quartier disciplinaire ».
Un récit de l'ordre de la "science-fiction" selon la direction régionale de l'administration pénitentciaire car "les surveillants en ces temps de Covid ne mettraient pas leur propore santé en jeu".
Au-delà des cas individuels, le recours déposé par l’ordre des avocats à l’encontre de la direction de l’établissement de Corbas, comprend plusieurs injonctions :
le dépistage automatique des malades, la fourniture aux détenus de masques, de gels hydro-alcoolique et de savon en quantité, le nettoyage régulier des locaux et notamment la désinfection des cabines téléphoniques, très fréquemment utilisées depuis la suppression des parloirs familles et des modalités de parloir pour respecter la distanciation entre les détenus et leurs conseils.
La direction des services pénitentiaires réagit
« Pour moi c’est en premier lieu l’incompréhension », réagit ce lundi 20 avril Stéphane Scotto, directeur Interrégional des Services Pénitentiaires d’Auvergne-Rhône-Alpes
« Il y a quelques jours j’avais pris un soin tout particulier à répondre aux questions du barreau de Lyon sur les actions mises en œuvres pour protéger les détenus de la manière la plus transparente. Je suis donc surpris de ce recours. Je regrette que dans cette période de crise, nous ne soyons pas sur des actions de soutien, mais sur des positions de principes ».
La première réaction du directeur de la Pénitentiaire en Rhône-Alpes est lapidaire et l’agacement contenu. Car la Direction Interrégionale Auvergne Rhône-Alpes qui compte 19 établissements pénitentiaires et 12 services d'insertion de probation a le sentiment d’avoir pris les bonnes mesures pour limiter la propagation du Covid 19.
Ainsi, elle comptabilise depuis le début de la crise sanitaire 5 détenus testés positifs dont 4 sont guéris. Le malade détenu à Corbas qui a déclaré la maladie le 4 avril dernier serait dans ce cas. « Un seul cas demeure à la maison d’arrêt de Bonneville en Haute-Savoie sur près de 5 700 détenus. ».
Des cellules dédiées ont été isolées dans des zones spécifiques de confinement, selon la DISP. Et dans le cas du malade de Corbas, « sa prise en charge et son hospitalisation ont été effectuées en moins de 48h », selon M.Scotto. « Et son codétenu a été lui aussi placé en quarantaine ».
Par ailleurs, deux membres du personnel pénitentiaire travaillant dans deux établissements distincts ont également été diagnostiqués positifs et traités.
Equipements de protection et libération de prisonniers
Les surveillants en contact direct et prolongé avec les détenus sont dotés de masques et de gels hydro-alcooliques. Les détenus de leur côté, privés pour l’instant de parloirs avec leurs familles, peuvent bénéficier de kits d’hygiène et de service de lavage de vêtements. Et cela depuis plus de 3 semaines. « On n’a pas attendu qu’il y ait des cas pour le faire », ajoute la direction.
Par ailleurs, pour faire suite à l’ordonnance du 25 mars 2020 prise par la ministre de la justice, le nombre de détenus dans les prisons d’Auvergne-Rhône-Alpes est passé de 6766 personnes à 5655 actuellement soit une réduction de 16% des effectifs. La baisse du nombre de détenus s’élève même à 20% pour la maison d’arrêt de Corbas.
"Des mesures insuffisantes ou pas assez respectées selon les établissements", pour Maitre Sacépé.
C’est maintenant au juge administratif de trancher dans les 48h sans que les avocats sachent pour le moment s’ils pourront plaider ou si la réponse de la justice administrative se fera par écrit. Ce qu’autorise l’ordonnance du 25 mars.