Le Professeur Bruno Lina, professeur de Virologie au CHU de Lyon et membre du conseil scientifique sur le Covid était l'invité d'Entre-deux, sur France 3 Rhône-Alpes, ce lundi 21 septembre. Peut-on parler de deuxième vague? Bientôt un vaccin? Un point sur le Coronavirus en région lyonnaise.
Durant l'entretien, malgré le respect des distances dans le studio de France 3 Rhône-Alpes, le Professeur Bruno Lina gardera son masque et il s'en explique: "C'est un principe. Aujourd'hui, on est tous en train collectivement de faire un effort pour lutter contre cette épidémie, le port du masque joue un rôle important. C'est aussi un peu de l'exemplarité."
Port du masque : son efficacité dépend de la manière de le porter
Chez certains, le masque est cependant largement décrié, jusqu'à être accusé d'être inutile, ou encore dangereux pour la santé, voire même liberticide. De son côté, le Professeur Lina réaffirme l'utilité du port du masque. Pour le virologue lyonnais, la mesure a fait ses preuves, permettant la réouverture de la plupart des lieux de vie... "Si on a réussi à rouvrir un certain nombre de structures comme les cinémas, les bars, les restaurants, c'est bien parce qu'il y a des masques. Et c'est parce que ça marche. Même si, de temps en temps, quand on mange, il faut bien qu'on enlève le masque."Le masque est-il réellement efficace lorsque l'on constate notamment qu'en Auvergne Rhône-Alpes, ce sont cinq des douze départements qui sont classés en zone rouge, zone de circulation active du virus? Dans ces départements, le taux d'incidence est supérieur à 50 cas pour 1000 chaque semaine. C'est notamment le cas dans le Rhône. A Lyon, on observe un taux d'incidence qui est l'un des plus élevés de France. Il aurait atteint 200 pour 100.000 habitants, soit 4 fois la côte d'alerte fixée à 50. Pour le virologue, le masque est efficace à condition de le porter correctement.Clairement, je crois que c'est un combat d'arrière-garde de dire que le masque ne marche pas. Au contraire, c'est efficace et on sait que ça lutte contre l'épidémie.
"Il y a deux choses: avoir des masques et les porter comme il faut. On voit très bien aujourd'hui dans la rue et parfois dans des endroits fermés des gens qui ne portent pas le masque puisqu'ils l'ont sous le nez! C'est comme si ils ne portaient pas de masque !"
Pour le virologue qui pointe du doigt le mauvais usage du masque, "aucun de ceux qui portent le masque sous le nez ou le menton, n'est efficace et ne lutte contre l'épidémie." Petit exercice de pédagogie : "pour porter un masque comme il faut, il faut l'avoir sur le nez, la bouche et le menton!".
Reprise de l'épidémie avec les 20-30 ans
Le virus progresse mais peut-on parler d'une 2e vague de l'épidémie?
Aujourd'hui, paradoxalement, le nombre d'hospitalisations et de décès est pourtant plus faible qu'en mars. Le Professeur Lina l'explique simplement: "la dynamique de l'épidémie a recommencé par un groupe d'âge, entre 20 et 30 ans, qui n'a jamais fait de forme sévère, qui n'a jamais fait de forme grave." En revanche ce groupe "est capable de véhiculer le virus de façon abondante même si la moitié d'entre eux n'ont pas de symptômes." Les chiffres des hospitalisations sont faibles car cette population infectée ne va pas à l'hôpital, ni en réanimation.La circulation du virus augmente de façon très importante (...). C'est de la sémantique.... On peut appeler cela une deuxième vague mais le virus de façon abondante, en particulier dans la région lyonnaise et en particulier dans la ville de Lyon. C'est probablement le lieu où le nombre de cas secondaires est le plus important en France. Il y a vraiment un effort à faire localement.
En revanche, le virus progresse: "à partir de ce groupe d'âge (entre 20 et 30 ans), progressivement, on a une extension vers le reste des groupes d'âge et en particulier vers les plus fragiles... ". Pour le virologue, le constat est clair:
On commence à avoir aujourd'hui des patients hospitalisés en réanimation. Sur Lyon et sur les HCL, c'est exactement les mêmes proportions de groupes d'âges qu'au mois de mars, mais ils ne sont pas très nombreux.
Vers une hausse des hospitalisations?
Dans les semaines à venir, les hospitalisations risquent-elles augmenter de manière très importante? Pour le Professeur Lina, le calendrier a parlé : "Vu la situation épidémique aujourd'hui, on sait que lorsqu'on met des actions en place pour compléter la prévention de la transmission, le délai d'observation de l'effet de ces actions est entre 10 et 15 jours." et de jouer les Cassandre:
Tout ce qui va se passer entre maintenant et le 1er octobre est déjà écrit. On n'aura pas la main dessus. C'est trop tard ! Il y aura une augmentation du nombre de cas, une augmentation du nombre de patients qui vont en réanimation. C'est trop tard pour cette période-là et toutes les actions que l'on mène maintenant vont avoir un impact à partir de début octobre.
Effort collectif et mesures sanitaires plus strictes à Lyon
Le préfet doit annoncer ce lundi 21 septembre des mesures plus contraignantes concernant la métropole lyonnaise. Ces mesures arrivent-elle trop tard alors que l'on savait qu'à Lyon le taux d'incidence augmentait très rapidement ? Pour le Professeur Lina, la situation évolue très vite et "cela explique la complexité des décisions à prendre."Pour le virologue, prendre des mesures ne suffit pas. Il insiste sur la nécessité d'un "effort collectif" et de donner des explications et des "clefs de compréhension".
Il s'agit de les appliquer. On peut sortir toute une série de mesures mais si elles ne sont pas mises en oeuvre collectivement par la population, ça ne marchera pas!
Mesures sanitaires renforcées ou allégées, quand le message est brouillé...
Aujourd'hui les mesures sanitaires vont s'alléger dans les écoles et dans le même temps, elles être renforcées à Lyon. Le message peut apparaître brouillé pour le grand public.... "Ce que l'on sait maintenant clairement : dans une école primaire, il n'y a pas de transmission entre les enfants, très peu, et il n'y a pas de transmission entre les enfants et les adultes. En revanche, les adultes contaminent les enfants, aussi bien à l'école que chez eux."La fermeture des classes, en cas de cas suspect, n'apparait pas forcément comme LA solution. "On voit que lorsque que l'on ferme des classes parce qu'il y a un cas suspect, on génère une désorganisation des écoles qui est très importante. Il faut que l'on évite celà (...) la désorganisation des écoles entraîne une désorganisation des familles et une difficulté pour la vie courante."
A quand le vaccin contre le Covid ?
Pas de réponse formelle de la part du virologue mais le processus de mise au point et de développement d'un vaccin s'annonce long. "C'est pour l'hiver prochain très certainement (...) En pratique la phase de développement d'un vaccin, c'est toujours un processus long, quelque chose qu'il faut faire sérieusement, avec beaucoup de contrôle. On peut avoir éventuellement des candidats vaccins disponibles pendant le premier trimestre ou le deuxième trimestre 2021. Imaginer commencer des campagnes de vaccination dés ces moments-là c'est tout de même très très tôt. Je le vois bien à partir du deuxième semestre de l'année 2021."