Eric Dupraz , le proviseur du lycée Descartes, à Saint-Genis-Laval (Métropole de Lyon), se transporte une année en arrière, quand débutait le premier confinement. Il se souvient de ce grand paquebot vide et silencieux qu'était alors son lycée.
Dans l’immense cour de cette quasi-cité scolaire de l’ouest lyonnais, Eric Dupraz se sent terriblement seul. Depuis une semaine, le confinement est appliqué dans l’ensemble des territoires de l’Hexagone. Ce 17 mars 2020, tout sonne vide. Avec son adjoint, le proviseur arpente la cour où se croisent en temps normal plus de 1500 élèves. «Si je devais ne retenir qu’un mot, ce serait tristesse. On perd l’essence même de ce pour quoi on travaille : les accompagner, les voir évoluer, s’enrichir, se construire». Dès la première semaine, il faut réagir. Faire ce que l’on n’a jamais fait. Ce que l’on ne pensait pas faire un jour. Et puis… Le Covid -19.
Mars 2020 : « Je suis dans un état d'esprit plutôt inquiet, inquiet pour les élèves, inquiet sur la manière de faire pour que nos élèves puissent continuer à prendre au sérieux leur apprentissage sans qu'ils soient complètement livrés à eux-mêmes chez eux »
A eux deux, seuls restés dans l’établissement, il convient de tout recentrer : les idées, les systèmes à mettre en place, les relations à conserver, avec les profs, avec les élèves, entre tout ce petit monde.
Recréer des interactions
Entre déprime et urgence, Eric Dupraz imagine une architecture qui sous-tende la relation, les relations. Alors que tous, enseignants, élèves, utilisent chacun le logiciel qui lui paraît être le meilleur dans cette situation inédite, il faut d’abord uniformiser pour permettre au maximum d’avoir accès aux cours qui se feront désormais (et pour si longtemps !) par écrans interposés. Le prof n’est plus qu’une vignette, parmi des vignettes. Et il doit continuer à assurer : pas facile.
Le canal d’environnement numérique de travail du lycée est retenu pour faire une plateforme commune. Mais les premiers jours, il faut s’atteler à la gestion informatique des cours à distance. Des webcams et des casques sont livrés aux professeurs tandis que les élèves qui en ont besoin sont dotés en ordinateurs ou le seront en photocopie de cours, remis à leurs destinataires à la grille du lycée chaque semaine.
L’ancien prof de physique chimie le sait mieux que quiconque. Au cours d’une expérience, les états varient selon les options que vos prenez. Rien n’est totalement inerte. Et ce qui semble figé ne l’est en réalité pas. Après une première dizaine de jours de flottement, les ajustements conduisent vers un rythme de croisière acceptable. « Le fait d’être en contact permanent et très régulier avec les parents d’élèves et les délégués de classe a permis de s’informer en temps réel des difficultés rencontrées par untel ou untel. Mais on a eu la chance de ne perdre personne ! Les quatre cinq élèves qui ont décroché étaient décrocheurs avant la pandémie », analyse Eric Dupraz.
Mars 2021 : « ça a été une période extrêmement dense : des journées de travail qui n'en terminent plus, des parents à rassurer, des élèves à rassurer et des professeurs à soutenir quelquefois. On les a aidé à mettre en place des choses qu'ils n'avaient pas l'habitude de faire. Donc une charge de travail énorme, une charge de travail beaucoup plus importante qu'habituellement, avec notamment parfois de la fracture numérique. »
Non, la vie n'est pas un long fleuve tranquille
Il n’en demeure pas moins que faire un, quand on est atomisé, constitue une gageure, admet notre chef d’établissement de 53 ans. Un capitaine de vaisseau qui a roulé sa bosse, pas seulement sur les mers d’huile de l’ouest lyonnais. Vaulx-en-Velin, les Minguettes, de lycée pro en bahut technique, il a fait ses armes. Des situations de crise, il en a gérées. «Que les difficultés tiennent au social, au sociétal ou plus simplement à la fragilité de la population, avec les équipes pédagogiques, nous avons été pris dans des turbulences qui nous ont appris à gérer le stress.»
Alors face au Covid, face à la perte d’efficacité par manque de présence physique en classe, les interactions se sont peu à peu reconstruites, les fils ont été retissés, heure après heure. Mais jamais le proviseur n’aurait imaginé que cela pouvait durer, même si pour l‘instant, le présentiel est sauvegardé, coûte que coûte.
Et s’il avait un mot pour dire comment il se sent un an après, ce serait sans aucun doute «impatience». D’en sortir.
Soignants, commerçants, employés de supermarché, élus ou encore parents : nous les avions rencontrés il y a un an. Aujourd’hui ils nous racontent leur année Covid. Pour les découvrir, cliquez sur un point, zoomez sur le territoire qui vous intéresse ou chercher la commune de votre choix avec la petite loupe.