Djamila Benhabib, essayiste québécoise engagée dans le combat pour la démocratie, l'égalité, la laïcité et les droits des femmes, contre l'islam politique s’arrête à Lyon pour une conférence, le 29 mars. Focus sur une femme peu ordinaire qui fait le buzz sur les réseaux ces derniers mois.

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Djemila Benhabib est à Lyon mercredi 29 mars 2017 à l’occasion de la sortie de la 5ème édition du Guide des droits des femmes sous l’égide de l’antenne régionale de l’association Femmes Contre les Intégrismes.
Djemila Benhabib, un nom, une réputation aussi acquise chez elle au Québec mais bien au delà... Qui sonne comme son combat sans faille pour l’égalité, les droits des femmes ou sa lutte contre l’islam politique. Sa réputation a passé les frontières avec le buzz créé à l’automne dernier quand elle fut traduite dans un procès pour diffamation intenté par des écoles musulmanes de Montréal. Elle avait dénoncé dans une interview ces formations qui font réciter à des enfants des versets coraniques appelant à l’extermination des mécréants ou des juifs, la lapidation des femmes adultères. Elle pointait du doigt aussi l’obligation du port du voile pour des fillettes de moins de 9 ans. Le procès elle l’a gagné, la justice lui reconnaissant sa liberté d’expression.

Auteure de plusieurs essais parmi lesquels « Ma vie à contre-Coran » et le dernier « Après Charlie, Laïques de tous les pays, mobilisez-vous », elle a reçu d'innombrables récompenses internationales. Cette infatigable lanceuse d’alerte se sent concernée depuis (très) longtemps et son propos n’a rien de la posture.

Une famille communiste

Algérienne par son père et chypriote grecque par sa mère, elle est née en Urkraine au coeur d’une famille communiste en 1972. En Algérie elle y résidera quelques années jusqu’en 1994 où la laïcité militante s’accorde mal avec l’arrivée des islamistes. Après être passée par la France, c’est au Canada qu’elle poursuit son combat après des études poussées autant que réussies en sciences mais aussi en sciences politiques et droit international.

La France, le pays de la laïcité

Dans ce combat pour les idées la France a une place privilégiée. « Il n'y pas un seul pays qui a poussé aussi loin le principe de séparation des pouvoirs politiques et religieux. C’est LE pays de la laïcité relégant les Dieux dans la sphère privée et placé le peuple au coeur du politique. C’est cela la liberté ! » Une longue histoire « jusqu’aux -printemps arabes-, les démocrates se sont nourris de la Révolution française qui a fait rouler la tête d’un roi-dieu. »

Djemila d’ailleurs associe l’existence même du journal « Charlie Hebdo » visé dans l’attentat meurtrier de janvier 2015 à cette tradition républicaine. « D'où la pression exercée sur la France et sur son modèle, d'où, aussi, sa responsabilité face à la défense de la laïcité. La confrontation avec l'islam politique y est la plus virulente et la plus violente. » Elle scrute avec attention la situation en France. « Tout recul de la France se traduit par une avancée du modèle multiculturaliste et son corollaire le relativisme culturel très tolérant à l'égard de l'intolérance. »

Une place en fonction du mérite et du travail

Djemila Benhabib exhorte les français à ne pas avoir honte de défendre les valeurs humanistes et démocratiques nées des luttes collectives. « La critique de l’islam politique ne relève pas du racisme. Il faut résister à cette imposture pour sortir de la confusion. » Elle répète à l’envi que « vivre en République c’est avoir la possibilité de se soustraire à nos origines quelles qu’elles soient. C’est pouvoir se construire en dehors de tout déterminisme et se tailler une place dans la société non pas en fonction du sang et du rang mais en fonction de son mérite, de ses efforts et de son travail. »

Le pouvoir des hommes est renforcé dans les cités

La féministe souligne que les reculs enregistrés ont de graves conséquences sur la société et la place des femmes. « La fragmentation sociale grandissante et la montée du communautarisme trouvent échos dans les structures sociales de l’immigration. Au lieu de desserrer l’étau sur les filles des quartiers par exemple, on a renforcé le pouvoir et la domination des hommes sur elles. N’importe quel boutonneux de la cité s’arroge le droit de surveiller leurs allées et venues, leur habillement, leur façon d’être et leurs fréquentations, et ce même s’il n’a aucun lien de parenté avec elles. Avant les femmes étaient la propriété de leurs pères, de leurs frères et de leur maris. Aujourd’hui elles sont aussi devenues en raison de la terrible régression sociale, le butin des hommes de la cité. »

Le hijab est un message

En ces temps de débat électoral, ses propos résonnent, surtout en ce qui concerne le concept de « féminisme islamique » (concept forgé par Tariq Ramadan). A ses yeux c’est une escroquerie intellectuelle qui tente de faire croire que le (port du) voile est compatible avec les valeurs universelles d'égalité et de liberté. « Je redis que le hijab n'est pas un tissu, c'est un message, un étendard politique qui charrie avec lui le reste de la doctrine islamiste : la violence conjugale, la polygamie, la répudiation, l’inégalité successorale, et même la lapidation...» Djemila a vu le voile arriver. « Lorsque j'habitais en Algérie, le hijab a été imposé par les islamistes qui, dans les années 90 ont placé les femmes devant l'alternative : le voile ou la mort. Beaucoup de femmes ont eu le courage de refuser ce voile de la mort. C’est à elles que je pense à chaque fois que je m’exprime sur le sujet. Elles m’ont appris ce qu’est le courage et la résilience. Alors, dans ce contexte comment accepter, ici, ce que j’ai refusé là-bas ? »

Relativisme culturel = double standard

Le relativisme culturel autre concept contre lequel la Québécoise bataille. « Il instaure de fait un -double standard- d'exigence, en acceptant l'idée de différents niveaux acceptables de liberté, d'égalité et de justice selon les pays.  Les citoyens des États développés et démocratiques auraient droit au niveau maximal et ceux des États avec des exigences démocratiques moindres devraient se satisfaire de maigres progrès. Tous ceux qui prônent le relativisme culturel normalisent l'inégalité et banalisent l'injustice. Le respect des -lois- religieuses, de la -culture- des pays musulmans est mis en avant. Toute critique de ces régimes étant systématiquement qualifiée -d'islamophobie-, d'un Occident censé vouloir imposer ses standards. Vouloir voir émerger une société laïque, égalitaire et apaisée n'est pas une vision -occidentale- mais une vision universelle ! »

Menacée régulièrement

Une action qui n’est pas de tout repos. Très active jusque et y compris sur les réseaux sociaux, les attaques contre elle sont régulières. Outre ses prises de positions qui lui valent, on l’a vu, des actions en justice, elle est la cible de menaces qui mènent à des annulations de conférences ou de débats voire des protections policières… Mais aussi des faux signalement sur Facebook qui lui valent de voir son compte interdit par la firme californienne.

Les propos cités dans cet article ont été recueillis par Anne-Laure Neron, militante féministe lyonnaise, qui a rencontré Djamila Behnabib durant le procès à l’automne 2016.

 

 

Une conférence à Vaise
Djemila Benhabib participe le 29 mars à une conférence au Fort de Vaise de 17h30 à 21h sur le droit des femmes. Une rendez-vous organisé par l'association Femmes contres les Intégrismes à l'occasion de la publication de la 5e édition du guide « Madame, vous avez des droits ». 
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