La plus connue des aides européennes, c'est l'aide agricole : la PAC, Politique Agricole Commune. C'est le plus gros budget européen. Il est distribué sous formes d’aides aux agriculteurs. La France est la première bénéficiaire. Pourtant, les subventions ne sont pas toujours évidentes à obtenir.
Dans le Rhône, à Saint-André-la-Côte, le Gaec de la Villardière reçoit les aides de la PAC, la politique agricole commune. De l'argent donné directement aux agriculteurs pour des projets d'investissement par exemple. Un bémol : monter un dossier prend du temps.
Monter un dossier : long, complexe mais payant
Bastien Guyot a ouvert son atelier de découpe de viande en 2019, dans la ferme familiale de Saint-André-la-Côte, dans le Rhône. Jeune agriculteur nouvellement installé, il ne pouvait financer les 300 000 euros d'investissement nécessaires à la création de cet atelier de transformation. Bastien Guyot et ses associés ont fait le choix de la valorisation de leurs produits fermiers via le circuit court. Ils ont choisi de proposer de la charcuterie.
Le Gaec a fait appel à l'Europe. Avec ses associés, Bastien Guyot a été subventionné à hauteur de 25 % pour son laboratoire de charcuterie. Mais pour monter le dossier, il a travaillé dur. "Il y a des contraintes. Il y a du travail sur la partie administrative. Le temps de monter le dossier, il faut compter 2 à 3 ans avant de toucher la subvention. C'est parfois long, mais le jeu en vaut la chandelle pour des investissements comme ça", explique-t-il.
"Pour des gros projets, ça vaut le coup de s'en occuper et de monter un dossier, mais il faut y passer du temps. Pour les petits investissements, c'est coûteux en temps (...) Ce sont ceux qui font l'effort d'aller chercher les aides et de monter ces dossiers qui les obtiennent", ajoute Bastien Guyot.
Obtenir des aides européennes : quels bons points ?
Autres productions en circuit court du Gaec : des fromages et des yaourts. Une fromagerie a été installée, attenante à la chèvrerie. Alors un nouvel équipement serait aussi le bienvenu : une conditionneuse à yaourts permettrait de soulager l'équipe de Laëtitia. "Ça permettrait d'être plus régulier. Une machine permettrait d'être plus précis", explique Laëtitia Couturier, l'une des salariées.
"Actuellement, on remplit tous les pots à la main. On fait 200 litres de yaourts et ça mobilise quatre personnes dans la matinée. C'est un travail long et coûteux en main-d’œuvre", explique Bastien Guyot. La conditionneuse à yaourts n'exigerait plus qu'une seule personne pour ces opérations de remplissage. Cet investissement de 60 000 euros pourrait aussi être en partie financé par l'Europe.
L'enveloppe de la PAC est bien utile pour stabiliser les revenus du Gaec. Elle se base sur la taille de la parcelle. Mais pas seulement. La Communauté européenne soutient également fortement la transformation de produits fermiers. "Quand on est en transformation, ça nous ramène des points pour être prioritaire dans la sélection des dossiers", explique Bastien.
Ainsi, le projet de rénovation de la salle de traite et d'agrandissement de stabulation porté par Samuel, le frère de Bastien qui vient de rejoindre le Gaec, pourrait aussi être subventionné. Remplir le dossier va prendre environ un an, mais ce dernier n'a pas le choix.
L'Europe donne aussi des aides à l'installation des jeunes agriculteurs. "C'est sûr, on préférerait financer nous-mêmes, plutôt que demander des aides. On a l'impression de ne pas être indépendant, d'être assisté". Samuel reconnaît qu'il préférerait vivre grâce à une meilleure valorisation de ses produits.
À qui profite la PAC ?
Mise en place en 1962, la PAC avait initialement vocation à relancer la production alimentaire pour faire face aux pénuries. À partir des années 1980, elle a régulièrement fait l'objet de réformes. La politique agricole commune a beaucoup évolué depuis son lancement.
On compte environ 10 millions d’exploitations agricoles dans l’UE, et 17 millions de personnes travaillent régulièrement dans ce secteur. En 2022, la politique agricole commune a permis de distribuer 58,3 milliards d’euros aux 27 états membres. C'est un tiers du budget total de l'Union européenne. La France est de loin le pays qui en bénéficie le plus avec 9,5 milliards d’euros d’aides agricoles en 2022. Elle est suivie par l’Espagne et l’Allemagne qui reçoivent respectivement 6,9 et 6,4 milliards d’euros par an au titre de la PAC.
Aujourd'hui, les aides directes ne dépendent pas du type de production, mais de la surface au sol ou du nombre de têtes de bétail que possède l’exploitant. Des aides peuvent également être versées aux agriculteurs de moins de 40 ans ou en nouvelle installation.
Parmi les nouveautés mises en place à partir du 1ᵉʳ janvier 2023 : des exigences environnementales avec notamment la mise en place d’écorégimes, afin de promouvoir des pratiques plus respectueuses de l’environnement. 25 % des aides directes doivent promouvoir les pratiques agricoles favorables à la préservation de l’environnement. Des critères verts qui ont enflammé le secteur agricole.
Assouplissement
Depuis janvier, les 27 sont confrontés à la colère du secteur agricole. Abandon des jachères, labours, contrôles... Sous la pression des états membres face aux manifestations d'agriculteurs et aux blocages, la Commission européenne avait proposé mi-mars d'assouplir, voire de supprimer, une partie des critères "verts" que la nouvelle PAC impose depuis le 1ᵉʳ janvier 2023 aux exploitations pour toucher des paiements européens. Des critères que les organisations agricoles jugent impraticables.
Après plusieurs mois de mobilisation des agriculteurs à travers l’Europe, le 26 mars, les ministres européens de l’Agriculture ont entériné la révision de la PAC proposée le 15 mars par la Commission européenne. Mi-mai, les états de l'UE ont donné leur ultime feu vert à une révision législative de la PAC, pour tenter d'apaiser les agriculteurs. Ces révisions législatives, réclamées par les 27 après les manifestations du monde paysan, ont été entérinées sans changement par les eurodéputés comme par les états.
La PAC actuelle couvre la période 2023-2027. La prochaine Commission européenne, qui sera constituée à l'automne après les élections du 9 juin 2024, devra proposer un nouveau cadre pour la politique agricole à partir de 2028.