Le statut du loup fait l'objet d'un examen ce mardi 3 décembre 2024 à Strasbourg par les pays signataires de la Convention de Berne. Du fait de l'augmentation de leur nombre et des dégâts sur les troupeaux d'élevage, les loups ne seront désormais plus "strictement protégés". C'est ce que dénoncent des associations et ONG.
L'avenir du loup est-il menacé en Europe ? C'est ce que dénoncent de nombreuses ONG, alors qu’une cinquantaine de pays se sont mis d'accord mardi 3 décembre 2024 à Strasbourg pour abaisser la protection du loup en Europe.
Déclassement de la protection du loup : cette "décision était attendue, malheureusement", réagit l'Union internationale de conservation de la naturehttps://t.co/DX18YoHDkj
— franceinfo (@franceinfo) December 3, 2024
Sous la pression des éleveurs, nombre de pays européens ont penché pour faciliter l'abattage du canidé, dont le nombre a augmenté rapidement ces dernières années. Le comité permanent de la Convention de Berne, dont le but est d'assurer la protection de la faune,a décidé de rétrograder l'espèce de "strictement protégée" à "protégée", selon une proposition d'amendement soumise fin septembre par l'Union européenne.
"Quand on replace ça dans un contexte un peu plus général, il faut voir que la France a signé un accord de libre-échange en 2023 avec la Nouvelle-Zélande, explique Patrick Leyrissoux, vice-président de l'association Férus. Les grands perdants sont les éleveurs ovins et bovins parce qu'il y a des tonnes de carcasses congelées qui seront importées de Nouvelle-Zélande. Donc ça fait une grosse concurrence à l'élevage européen. Et comme par hasard, il y a eu un vote au niveau du Parlement européen, principalement soutenu par le PPE, les partis de droite qui sont pour le libre-échange, pour déclasser le statut du loup".
Un rideau de fumée ?
"Courant 2023, Ursula von der Leyen a signé, de même qu'Emmanuel Macron, pour le déclassement du loup, poursuit-il. Donc on a les mêmes personnes qui votent pour le libre-échange qui cause un vrai problème à l'élevage et de l'autre côté, peut-être pour faire un rideau de fumée et dire "On vous aide, on va faire passer la pilule", on va demander que le statut du loup soit déclassé". Patrick Leyrissoux dénonce une hypocrisie dont le loup fait les frais. C'est selon lui le bouc émissaire qui cache des accords défavorables aux éleveurs européens.
De nombreux éleveurs français dénoncent des attaques sur leurs bêtes ainsi qu'une inaction de l'Etat concernant l'autorisation de tirs de défense. Le loup serait devenu l'un des problèmes majeurs auxquels doivent faire face les éleveurs ovins principalement.
Patrick Leyrissoux ne partage pas cette analyse. "Quand on regarde les chiffres de la Dréale Auvergne-Rhône Alpes, là où est le préfet Loup, il y a une comparaison des courbes de l'élevage dans les Alpes et ailleurs en France. C'est dans les Alpes qu'on trouve la plus forte population de loups. Or, c'est là que l'élevage se porte le mieux". Pour le vice-président de Férus, le problème économique des éleveurs ne vient pas des loups.
Des dérogations nombreuses en France
Si les pays signataires de la Convention de Berne déclassifient le loup, cela permettrait de généraliser la possibilité de tirer et de tuer des loups, selon des règles qui devront être déterminées au plan national. Des loups peuvent être tués dans des conditions très précises pour protéger des troupeaux, une disposition déjà mise en œuvre en France via des dérogations.
"Si un loup pose des problèmes, il peut être actuellement abattu par décision préfectorale, mentionne Patrick Leyrissoux. Il se trouve que ça reste un régime d'exception mais en France, le régime d'exception est devenu la règle. Il y a 2800 arrêtés de tirs pour 1.000 loups. Heureusement, c'est plafonné, sinon il n'y aurait plus de loups en France".
"Mais si on prend strictement les textes européens (...), la France est en infraction. Clairement. Donc je pense que c'est pour ça que le gouvernement pousse pour que le loup soit rétrogradé. C'est pour être un peu plus dans les clous par rapport à ce qui se fait concrètement". Férus constate qu'en France le loup n'est pas dans "un état de conservation favorable". Or, c'est une obligation pour chaque Etat quel que soit le vote du Conseil de l'Europe. Des garde-fous existent donc et Férus compte bien les faire respecter, dans la mesure où le loup reste classé comme "vulnérable" en France.
Baisse de 9% par an
Dans une lettre adressée fin novembre au secrétaire de la Convention, Mikaël Poutiers, plusieurs ONG pointent une proposition "largement considérée comme illégale, manquant de justification scientifique et violant les principes de participation démocratique". "En affaiblissant l'espèce qui est le sommet du système écologique européen, on risque de fragiliser l'ensemble de la santé, déjà assez peu robuste, de l'écosystème", appuie Yann Laurans du WWF.
L'estimation du nombre de loups en France en 2023 est établie à 1.003 individus, en baisse de 9% sur un an. Environ 20% de la population est abattue chaque année. Lors d'une visite au sommet de l'élevage début octobre, le premier ministre français Michel Barnier avait estimé que la nouvelle évaluation officielle du nombre de loups en France, attendue d'ici fin 2024, pourrait représenter un potentiel "moment clé" pour augmenter les abattages.
Si l'amendement à la Convention de Berne est adopté, il faut que la directive "habitat" soit signée au niveau de l'Europe à l'unanimité. Donc la mesure, quelle qu'elle soit, n'entrera pas en vigueur dans les pays ayant voté en sa faveur dans l'immédiat. La Convention de Berne est composée des 46 Etats membres du Conseil de l'Europe, ainsi que de quatre Etats africains : le Burkina Faso, le Maroc, le Sénégal et la Tunisie.
Christine Ravier avec l'AFP