Une participation en forte hausse, une poussée inédite du Rassemblement National, la gauche qui résiste, le recul de la macronie... Ce qu'il faut retenir du 1er tour de ces élections législatives anticipées dans le Rhône et ses 14 circonscriptions. Le jeu des désistements dans ce département où les triangulaires sont majoritaires sera crucial.
À l’issue du 1er tour des élections législatives dans le Rhône, le résultat des urnes donnait neuf triangulaires potentielles, une quadrangulaire, trois duels et une candidate réélue dès dimanche soir. Combien de triangulaires auront lieu dans le département à l'occasion du 2e tour le 7 juillet prochain ?
Dans le département du Rhône, seule l'écologiste Marie-Charlotte Garin a été réélue dimanche 30 juin au soir. Elle confirme son implantation dans cette circonscription lyonnaise et urbaine. Elle avait été élue facilement en 2022 avec près de 10 points d'avance sur la candidate macroniste.
Vague Rassemblement National
Le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella enregistre une nette poussée dans le département avec une présence au second tour dans 11 des 14 circonscriptions. Seules Villeurbanne (6e circonscription), les 2e et 3e de Lyon échappent au RN. En 2022, le RN ne s'était qualifié dans aucune circonscription pour le 2e tour des élections législatives.
Sans surprise, le RN s'impose notamment dans les secteurs à la périphérie de Lyon, les secteurs "rurbains", à cheval entre villes et campagnes ou dans les zones rurales. Dans les 8e, 9e, 10e, 11e et 13e circonscriptions, le parti d'extrême droite dépasse allègrement les 30%.
Le RN arrive en tête du 1er tour dans les 8e et 13e circonscriptions. Dans les 9e et 11e circonscriptions, ce sont des candidats issus du rapprochement Ciotti - Bardella qui caracolent en tête. Arrivés en 2e ou en 3e position, des candidats RN sont en capacités de se maintenir au second tour dans 7 circonscriptions du Rhône. Pourtant, à l'exception de Tiffany Joncour, patronne des RN du Rhône, le parti avait fait le pari de nouvelles têtes.
Le 7 juillet, le Rassemblement national espère l'emporter au moins dans la 13e circonscription où Tiffany Joncour est arrivée en tête avec 36,35% des suffrages (22417 bulletins). Dans cette circonscription de l'Est lyonnais, c'est un duel RN/LFI qui aura lieu après le désistement de Sarah Tanzilli. Les 10% des suffrages du candidat des Républicains, Philippe Meunier, pourraient jouer les arbitres.
Dans la 11e, le candidat investi par Les Républicains - Ciotti/ RN est arrivé largement en tête avec 36% des suffrages, à près de 10 points devant le député sortant Jean-Luc Fugit.
C'est dans la 8e circonscription, théâtre d'une probable quadrangulaire, que le RN a réalisé son meilleur score départemental en nombre de voix : 25 808 bulletins sont allés à Jonathan Gerry (33,46%), un inconnu de 38 ans, fonctionnaire de police, qui fait mieux que Tiffany Joncour créditée de 22417 bulletins (36,35%).
Dans Lyon, une ville où le RN est traditionnellement en difficulté, ses candidats se sont également invités au second tour dans les 1ere et 4e circonscriptions, en talonnant les députés sortants macronistes.
L'effondrement de la macronie ?
À Lyon, les députés sortants de la macronie vont-ils payer le prix fort de la dissolution de l'Assemblée nationale ? En 2017, la vague République en Marche avait gagné 12 des 14 circonscriptions du Rhône. Cinq ans plus tard, en 2022, la majorité présidentielle avait conservé sept circonscriptions dans le département. Au soir de la dissolution, le parti de la majorité présidentielle (Renaissance, MoDem, Horizons, Agir) comptait 8 députés. Il recule encore à l'issue de ce premier tour des législatives anticipées. La macronie pourrait ne conserver que quatre députés à l'issue du 2e tour. Mais ils ne sont que deux candidats de la macronie à être arrivé en tête sur les 14 circonscriptions.
Dans la 1ère circonscription, le député sortant Thomas Rudigoz se retrouve en ballottage très défavorable, à plus de 12 points derrière la candidate LFI Anaïs Belouassa-Cherifi. Dans cette circonscription, le RN se maintient au 2e tour. En 2022, Thomas Rudigoz avait difficilement conservé son mandat de député Renaissance face à l'insoumise Aurélie Gries.
La députée sortante Anne Brugnera, qui avait décroché la 4e circonscription en 2017, se retrouve en ballottage défavorable. À l’instar d'Alexandre Vincendet, député sortant de la 7e, ancien LR qui a rejoint le parti Horizons. Anne Brugnera a indiqué qu'elle n'entendait pas se désister dans sa circonscription lyonnaise où le RN est arrivé en 3e position avec près de 18% des voix. "Il n’y a pas de menace RN dans la 4e circonscription. Ceux qui agitent cette peur mentent sciemment aux électeurs. La candidate du NFP n’a pas de réserve de voix (...) La question posée aux électeurs de la 4e circonscription est de savoir s’ils souhaitent être représentés par une députée alliée à la France Insoumise ou une députée républicaine, raisonnable et expérimentée. Le résultat de dimanche n’est donc pas écrit", écrit la députée sortante dans un communiqué. L'ancienne socialiste Anne Brugnera, passée dans le camp macroniste, sera donc opposée à la socialiste Sandrine Runel.
Dans la 13e circonscription, la députée sortante Sarah Tanzilli s'est retirée pour faire barrage au RN qui est arrivé en tête. Dès dimanche, elle a appelé à voter pour Victor Prandt, le candidat du Nouveau Front populaire qui est arrivé en 2e position avec 26,23% des voix derrière Tiffany Joncour largement en tête (36,35%). Elle s'efface devant son adversaire de 2022.
Contrairement au candidat Modem soutenu par le parti présidentiel, Cyrille Isaac-Sibille. Le député sortant est en ballottage défavorable à l'issue du 1er tour. Il est arrivé derrière la candidate écologiste Lucie Gaillot Durand et pourtant décidé de maintenir sa candidature. La 12e circonscription verra donc une triangulaire au 2e tour, la candidate RN Clémence Luisier étant qualifiée pour le 7 juillet. Dans cette circonscription, marquée par le scandale sanitaire des PFAS, les trois candidats sont dans un mouchoir de poche. Lucie Gaillot Durand, la candidate écologiste arrivée en tête avec 30,02% des voix, a demandé à Cyrille Isaac-Sibille de se retirer pour favoriser un duel avec le RN.
Blandine Brocard, députée sortante Modem de la 5e circonscription, est en position favorable avec plus de 32% de suffrages. Va-t-elle bénéficier du retrait du candidat PS Fabrice Matteucci, talonné par la candidate RN Sasha Bitoum. Moins de 800 voix les séparent.
Il résiste notamment dans les territoires plus urbains de la circonscription qui s'étend de la métropole de Lyon, aux frontières de la Loire via les Monts du Lyonnais. Le député sortant Thomas Gassilloud (Agir), arrivé en tête dans la 10e circonscription mais est devancé dans son fief de Saint-Symphorien-sur-Coise. Il va aussi bénéficier du désistement de la socialiste du Front Populaire Florence Perrin, pour faire barrage à la candidate RN Cécile Patout, arrivée en 2e position avec un millier de voix en moins.
"Ça me coûte beaucoup mais on va continuer à se battre. J'appelle surtout pour le 7 juillet à faire barrage au Rassemblement National et à voter républicain", a indiqué dès dimanche soir Florence Perrin. Un désistement qui a provoqué la colère de la candidate RN. "Je suis extrêmement qu'elle se couche pour laisser une autoroute à Macron dans la personne de Thomas Gassilloud. Je vois un immense abandon de ceux qui ont vu leur CSG être augmentée sur leur retraite, de ceux qui peinent à joindre les deux bouts et surtout les agriculteurs. Elle se présentait comme la voix du petit peuple et elle laisse la voie libre à Thomas Gassilloud", a tempêté la candidate RN.
Le député sortant Jean-Luc Fugit (11e) a été distancé par le candidat du RN et des Républicains d'Eric Ciotti, Alexandre Humbert Dupalais. Il devrait cependant bénéficier des voix de la gauche dans l'hypothèse d'un retrait du candidat communiste du Nouveau Front Populairen Abdel Yousfi qui a obtenu 22,87% des voix.
Dans la très convoitée 2e circonscription, Loïc Terrenes, candidat Renaissance, tentera une nouvelle fois d'emporter le siège de député. Mais le candidat de la macronie semble mal parti, même si en deux ans, il a gagné près de 2000 bulletins. Son adversaire fait largement mieux que l'ex député Hubert Julien-Laferrière qui avait emporté la circonscription au 2e tour avec 34,82% des suffrages. La 2e circonscription semble confirmer un peu plus son ancrage écologiste.
Lyon, "capitale de la Résistance"
La gauche et les écologistes s'imposent dans les quatre circonscriptions lyonnaises.
Ainsi, Marie-Charlotte Garin, députée sortante EELV, est la seule candidate du Rhône à avoir été réélue dès le premier tour. Elle a obtenu 51,51% des suffrages. Neuf autres candidats étaient en lice dans cette circonscription lyonnaise.
La députée réélue a appelé à la mobilisation contre le RN dès dimanche soir : "Il est l'heure de se mobiliser (...) Entre un pouvoir autoritaire d'extrême droite et un pouvoir avec qui je ne suis pas d'accord mais avec qui je peux discuter, mon choix est vite fait", a déclaré la parlementaire lyonnaise.
Dans la 2e circonscription, laissée libre par l'écologiste Hubert Julien-Laferrière, le candidat écologiste Boris Tavernier, issu de la société civile, a raté la victoire au premier tour de peu. Il a été crédité de 49,95% des voix, devant le candidat de la majorité présidentielle, Loïc Terrenes, le devançant de près de 25 points.
Dans les deux autres circonscriptions lyonnaises, les candidates du Nouveau Front populaire sont arrivées en tête : la LFI Anaïs Belouassa-Chérifi dans la 1ère et la socialiste Sandrine Runel dans la 4e. Toutes deux devant les députés sortants issus de la macronie : Thomas Rudigoz et Anne Brugnera.
Dans la Métropole de Lyon, d'autres candidats du Nouveau Front populaire sont en ballottage favorable. Le député sortant Idir Boumertit (LFI) dans la 14e a failli s'imposer dès le premier tour (48,78%).
Dans la 7e circonscription, une triangulaire va se jouer le 7 juillet : Abdelkader Lahmar (LFI) est en ballottage favorable face au député sortant Alexandre Vincendet (Horizons). Le RN Cédric Pignal est également qualifié (21,3%) mais il n'a aucune réserve de voix.
Fait insolite : à Villeurbanne, dans la 6e circonscription, c'est un duel à gauche qui aura lieu au deuxième tour. Gabriel Amard, le député LFI sortant, est arrivé en tête avec 46,29% des suffrages. Loin derrière, c'est l'ancien député-maire socialiste Jean-Paul Bret qui s'est qualifié pour le 2e tour avec 19,94% des voix. De justesse face à la candidate RN. Le RN représenté par Délia Agus a été disqualifié mais a tout de même été crédité de 18,94% des suffrages. Moins de 600 voix les séparaient. L'ancien maire est parti en croisade contre l'élu Insoumis qui a le soutien de Renaissance.
L'effacement des Républicains
Les deux députés sortants LR du Rhône se retrouvent en ballottage défavorable à l'issue du 1er tour. La députée sortante Nathalie Serre, qui avait gagné de très peu en 2022 face à la majorité présidentielle, se retrouve en quatrième position dans l'unique quadrangulaire du Rhône. En effet, dans la 8e circonscription, quatre candidats sont en position de se maintenir à l'issue du 1er tour : le RN Jonathan Gerry (33,46%), la PS Anne Raymbaut (22,75%), le Modem Dominique Despras (21,18%) et la LR sortante Nathalie Serre (20,66%).
L'autre député sortant LR du Rhône, Alexandre Portier est également en difficulté dans la 9e circonscription du Rhône, celle du Beaujolais. Il est en ballottage très défavorable, derrière Patrick Louis, qui se revendique "partisan de l’union des droites", avec 10 points d'écart. Le candidat, ancien milloniste, n'est pas un inconnu dans le Beaujolais.
Le candidat du Nouveau Front Populaire, Jean-Henri Soumireu-Lartigue, en troisième position, a recueilli 23,25% des voix. Ce dernier a annoncé son retrait ce lundi matin. Les quelque 10 000 voix du candidat Renaissance pourraient également faire pencher la balance lors du 2e tour.
Participation en nette hausse
Dans le Rhône, le fait nouveau est aussi une participation en hausse : elle a dépassé les 70% dans dix circonscriptions. C'est même une mobilisation historique. Une participation à la mesure de la participation régionale (70,7%). C'est dans la 4e du Rhône qu'elle a culminé avec 77,4%. C'est dans la 14e (Vénissieux, Corbas, Feyzin, Saint-Fons, et une partie de Saint-Priest) qu'on a le moins voté avec 59,8% de participation. Dans la 7e circonscription, celle de Vaulx-en-Velin, qui traditionnellement enregistre des records d'abstention, 61,14% des électeurs se sont rendus aux urnes dimanche 30 juin.