La fumagilline, médicament antiparasitaire, avait disparu du marché, car trop coûteux. La pharmacie des Hospices Civils de Lyon (HCL) a sauvé 27 patients en un an en relançant sa fabrication.
"Au bout de deux semaine j'ai commencé à aller mieux. Et depuis 2021 je n'ai plus mal". L'histoire de Sofiane, 29 ans, a de quoi faire réfléchir.
Greffé d'un rein en mai 2017, le jeune homme fait partie des patients immuno-déprimés et fragiles. 5 ans après son opération, les premiers symptômes apparaissent : des maux de ventre et des dérèglements intestinaux puis une importante déshydratation. "A l'examen ils ont vu un parasite", raconte-t-il. Il s'agit en fait d'un champignon de la famille des microsporidies, potentiellement mortel dans un tel cas.
Pour en venir à bout, un seul remède efficace: la fumagilline, antiparasitaire utilisée depuis les années 1950. Mais à la pharmacie centrale des hôpitaux lyonnais, les stocks sont épuisés, la production de ce médicament ayant cessé en 2019 au niveau mondial, en raison notamment de son coût très élevé.
Toxique et instable, la molécule, obtenue par fermentation d'une levure, nécessite des mesures de protection importantes en laboratoire et une conservation à une température de moins 80 degrés.
"Il n'était pas commercialisé du coup ça a mis du temps pour l'avoir" confirme Sofiane.
Une poudre rare trouvée en Hongrie
En réalité c'est la détermination des services de recherche, des médecins et des pharmaciens hospitaliers qui a fait ressurgir ce médicament.
S'il a fallu du temps c'est parce que Fripharm, plate-forme de fabrication, de recherche et d'innovation des HCL a fait revenir de Hongrie, 300 grammes de matière active servant à produire le médicament, utilisé aussi contre un parasite des abeilles.
Le trésor, une fois acheminé à Lyon, a été traité pour en tirer une suspension buvable pour Sofiane, qui guérit en 15 jours en août 2021. Depuis, 26 autres patients de Lyon, Paris, Grenoble, Clermont-Ferrand, Rennes, Nantes et Bordeaux, ont pu être soignés ainsi.
Le Dr Camille Merienne, pharmacien dans l'unité de recherche Fripharm raconte que les équipes se sont démenées pour trouver cette poudre devant les cas "de quelques patients désespérés"
"C'est une molécule qui pourrait représenter un intérêt pour les groupes pharmaceutiques." affirme-t-il.
L'urgence : relancer la production
"Ce qu'il nous faut c'est pérenniser les moyens d'approvisionnement et nous cherchons un chimiste et un industriel motivés pour relancer la fabrication de cette molécule. Le coût est énorme et il va falloir des levées de fonds. Mais Avec le retour de ce parasite c'est la seule molécule qui peut le traiter, les patients qui n'arriverait pas à y accéder pourraient voir leur pronostic vital engagé"
Mais les 300 grammes récupérés en Hongrie ne sont pas éternels, alors que la pénurie de fumagilline est mondiale, souligne le professeur Fabrice Pirot, coordonnateur de la plate-forme hospitalo-universitaire.
L'équipe s'est mise en quête d'une start-up pour pérenniser la production du médicament. Plusieurs candidats se sont manifestés en France pour fabriquer un lot pilote mais le coût de lancement, environ un million d'euros, nécessite une aide extérieure, publique ou privée.
"Sans ce remède, les patients immunodéprimés, dont l'ensemble des patients greffés, victimes de microsporidies, n'ont presque aucune chance de s'en sortir (...) Il est impensable de ne pas sauver des patients alors que nous savons comment faire", martèle la docteure Meja Rabodonirina, biologiste consultée initialement sur le cas de l'adolescent.