Entretien exclusif - Lyon : sur la polémique Sanofi, O.Véran évoque "une phrase probablement sortie de son contexte"

Polémique Sanofi, confidentialité des fichiers Covid Contact, capacité à tester, dispositif de traçage des malades, prime aux soignants... le ministre des Solidarité et de la Santé, Olivier Véran, en déplacement à Lyon fait le point dans une interview exclusive sur ces différents thèmes. Entretien. 

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PAUL SATIS: Nous sommes à Lyon, dans les locaux de l’Agence Régionale de Santé, c’était la dernière étape d’une visite lyonnaise effectué ce matin. A quelques kilomètres d’ici, dans le quartier de Gerland, il y a le siège mondial de Sanofi-Pasteur qui est en pleine polémique. Le groupe a suscité l’émoi en disant qu’il servirait d’abord les Etats-Unis s’il trouve un vaccin. Comment est-ce que vous réagissez ? Est-ce que ça vous a choqué ?


OLIVIER VERAN : J’ai réagi en appelant dès hier soir (mercredi 13 mai), tard, très tard, le patron français de Sanofi pour lui demander des explications. Il m’a donné des explications. A savoir que c’est une phrase, probablement sortie de son contexte, dans un journal américain, qu’il était évident pour lui que les patients européens avaient vocation à bénéficier du vaccin dans les meilleures conditions...
 

P. SATIS: ... pas après les Américains ?


O.VERAN : Moi ce qui m’intéresse, c’est que l’on trouve un vaccin, et qu’on le trouve vite. Qui que ce soit qui le trouve, qu’on le trouve vite. Je peux vous garantir, une fois qu’on aurait trouvé un vaccin, on fera ce qu’il faut pour que les Français en bénéficient. Je pense que la phrase était malheureuse, peut-être sortie de son contexte, je ne sais pas... Mais j’ai vu qu’une communication avait été faite aujourd’hui pour éclaircir ça.
 

P.SATIS: Cela fait quatre jours que nous sommes déconfinés, quel est le premier bilan? On a vu beaucoup de regroupements dans les magasins, dans les lieux publics.  Le Conseil Constitutionnel a retoqué l’interdiction de se regrouper à plus de 10 dans des endroits privés  Est-on depuis le début du déconfinement dans une situation risquée au regard des comportements constatés depuis quelques jours ?


O.VERAN : On pouvait légitimement s’interroger sur les risques d’un effet rebond parce que les Français ont respecté le confinement pendant des semaines et que ça a été dur pour les Français. Je ne pointerai pas du doigt tel ou tel, et je ne pointerai pas  telle ou telle réaction.

Je considère que la base de la prévention c’est l’information. Il y a des règles qui doivent être respectées, sur les regroupements, sur les mobilités ET ensuite il y a de l’information.
Il faut que les gens comprennent  que ce que nous faisons c’est pour empêcher la nouvelle circulation du virus, pour empêcher une nouvelle flambée de l’épidémie qui nous contraindrait à recommencer avec des mesures de confinement... ce dont les Français ne veulent pas. On observe ça avec beaucoup d’attention, on est capable d’ajuster aussi, situation par situation, mais ce n’est pas facile. Encore une fois, (le confinement) a été une période très compliquée pour les Français. 




P.SATIS: Le Professeur Raoult dit que pour lui l’épidémie est quasiment terminée, est-ce que vous partagez cet optimisme ?


O.VERAN :Vous savez très bien que je ne fais pas dans le prévisionnisme et que, je ne suis pas un devin. Je suis scientifique mais je suis surtout un ministre des Solidarités et de la Santé. J’appuie mes décisions sur des recommandations d’autorités sanitaires, scientifiques, officielles qui sont chargées pour certaines de faire des prévisions, pour d’autres de la prospective, d’autres de l’observation en vie réelle, de l’épidémiologie… c’est elles que j’écoute sur ce sujet et je m’en suis entretenu avec le Professeur Raoult.
 
 

P. SATIS: Le Premier Ministre Edouard Philippe a promis 700 000 tests hebdomadaires. C’est ce qui permettrait de pouvoir surveiller la reprise de cette épidémie. Objectif atteint aujourd’hui ?


O.VERAN : On est capable de monter jusqu’au 700 000 tests. Tous les indicateurs nous le montrent. On a appelé les laboratoires, les Agences Régionales de Santé. On a vérifié que les écouvillons étaient là, que les réactifs étaient là, que les tests étaient là. On est capable de les faire. On a maintenant une application qui nous permet de connaître le nombre de tests réalisés et le nombre de tests positifs (l’information la plus importante) parmi les tests réalisés. On est capable de faire face à un certain nombre de malades au quotidien.

Si maintenant, il y avait moins de malades que ce qu’on craignait, cela veut dire qu’on serait amenés à faire moins de tests en pratique. Mais (...) si je constate que nous faisons moins de tests (car il y a moins de malades) et bien nous augmenterons, nous élargirons peut-être les indications de ces tests de manière à avaliser les 700 000 tests. 



P.SATIS: Ce sont les tests PCR mais il y a aussi les tests sérologiques. Depuis avant-hier, il y a beaucoup de files d’attente devant les laboratoires privés pour faire ces tests sérologiques (prises de sang ou goutte de sang). Problème: ces tests ne sont pas encore validés par le gouvernement; ils sont nombreux et à la fiabilité un peu douteuse. Est-ce-que ces citoyens ont raison d’aller faire ces tests?


O.VERAN : Vous avez tout dit : « fiabilité douteuse » et pas encore de validation. Il y a des tests qui sont validés. Des tests sérologiques qui ont la validation des Centres Nationaux de Recherche. Ils ont vérifié que les tests étaient fonctionnels. C'est-à-dire qu’ils sont à la fois spécifiques  et sensibles. Ces tests vous diront si vous avez eu la maladie ou non. Une fois ces tests en phase de production et d’industrialisation, en France comme dans le reste du monde, et quand nous en aurons en quantité, la Haute Autorité de Santé sera saisie pour qu’elle puisse nous dire que faire de ces tests. Il s’agit de savoir comment interpréter un test positif, savoir si c’est protecteur…




P.SATIS: Les gens cherchent à savoir s’ils sont immunisés …


O.VERAN : La notion d’immunisation tend vers cette information. Mais ce n’est pas encore totalement sûr. Il n’est pas encore totalement avéré qu’une personne ayant eu la maladie soit certaine de ne plus l’attraper. Il reste encore des vérifications à faire. C’est le temps scientifique. Ce n’est pas l’Etat ou le gouvernement. Ce sont les scientifiques qui doivent pouvoir valider cela. (...) Et ensuite, nous rendrons disponible des sérologies avec des indications et des remboursements en bonne et due forme.

 

P.SATIS : Pour l’instant ces tests (sérologiques) ne sont pas remboursés? Ça ne sert rien?


O.VERAN : Rembourser un test qui n’est ni validé techniquement, ni validé scientifiquement et qui ne correspond pas à une démarche thérapeutique validée par aucune autorité scientifique, c’est un peu compliqué.  Je ne dirais pas que cela ne sert à rien, mais c’est très précoce.




P.SATIS: A l’ARS, les enquêteurs sont chargés d’appeler les patients testés positifs d’après les informations qui remontent des médecins généralistes. C’est la nouvelle doctrine du gouvernement mise en place cette semaine. L’objectif est-il d’aller très vite une fois un cas positif détecté?


O.VERAN : Je suis malade, j’ai de la fièvre, je tousse, j’appelle mon médecin ou je vais le voir … Il évalue avec moi les risques d'une contamination au coronavirus. Il considère que j’ai un risque, il me dit de rester chez moi, il me prescrit un test que je vais faire dans un labo, dans un drive, parfois chez moi avec des équipes mobiles. 
Dans les 24 heures, le test doit être fait avec les résultats. Ces derniers arrivent sur les logiciels, les systèmes d’information, les ordinateurs des personnes de l’assurance maladie et de l’Agence Régionale de Santé. (Un dispositif) qui leur permet de me rappeler, de me prévenir, de me donner des consignes : rester chez moi, les médicaments dont je vais avoir besoin, me prescrire les masques, un arrêt de travail… etc.
Et (ces enquêteurs) vont surtout me demander qui j’aurais pu contaminer sans le savoir, deux jours avant la date d’apparition des premiers symptômes. C’est très important. On va pouvoir ainsi protéger les gens avec qui j’étais en contact – pour la plupart ce sont des proches, des collègues, des voisins, de la famille. (NB :Il s'agit de s'assurer que ces personnes contact n'aient pas contracté la maladie, avant l'apparition d'éventuels symptômes) C’est une chaîne de protection pour la population qui vise à casser les chaînes de contamination et à freiner la diffusion du virus.



P.SATIS: Imaginons un cas contact appelé par un agent de l’ARS ou de la CPAM, qu’on lui demande de se faire dépister ou de rester chez soi … est-ce coercitif ? Y a-t-il une obligation?


O.VERAN : Non ce n’est pas coercitif, par contre c’est très indiqué. Je fais confiance au bon sens des Français. Ils nous l’ont montré avec le confinement. Si je vous déclare malade et contagieux. Est-ce que vous allez sortir de chez vous, sans masque, aller serrer des mains et aller voir votre famille, votre entourage ou des amis alors que vous savez pertinemment que vous avez un risque de les contaminer ? Je ne crois pas. Nous avons toujours appuyé notre stratégie sur la confiance portée aux Français. Nous les informons et nous les accompagnons.



P.SATIS: Il y a des fichiers que les médecins transmettent aux Caisses Primaires d’assurance maladie. Est-ce que vous avez toutes les garanties – c’est une des grandes questions – sur le respect de la vie privée et du secret médical?


O.VERAN : Le fichier COVID Contact indique : votre nom, adresse, téléphone, mail, si vous êtes soignant (et c’est directement ARS qui s’occupe de votre dossier) ou non soignant. Sur une case est indiqué : PCR positif ou négatif.
(Les fiches n’indiquent) pas vos antécédents, vos traitements, avec qui vous avez mangé ou dans quel contexte vous avez pu contaminer un contact que vous déclareriez. Et plus encore, si vous m’appelez parce que je suis malade pour identifier des cas contacts, je vous les donne mais j’ai aussi le droit de vous dire « ne leur dites pas que c’est moi ». L’anonymat est aussi préservé. C’est un fichier qui est extrêmement sécurisé, très minimal dans les informations qu’il contient et qui permet de lutter contre les chaînes de contamination.

 

P.SATIS: Hier vous avez annoncé que les soignants toucheraient une prime de 1500 euros net d’impôt. Mais pas partout, dans 40 départements. En Auvergne Rhône-Alpes, quatre départements sont concernés (Rhône, Drôme, Loire et Haute-Savoie). Pourquoi pas partout ? Pourquoi tous les soignants français n’auraient pas le droit à cette prime ?


O.VERAN :Tous les soignants français ont le droit à une prime. Ils perçoivent une prime qui est moins élevée (500 euros). Mais TOUS les soignants français qui ont travaillé à l’hôpital durant la période toucheront une prime, qu'ils aient été au contact du Covid ou non.
Par contre, il y a des soignants ont été plus en contact de la maladie que d’autres, ils ont travaillé dans des unités Covid ou ont travaillé dans des hôpitaux situés dans des départements ayant connu la vague épidémique. Ils ont réorganisé les réanimations, ils ont fait un nombre d’heures supplémentaires phénoménal… Et donc, il y a une différence entre ceux qui ont été les plus exposés et ceux qui l’ont été moins. Mais tout le monde a une prime sans impôts, sans charges et sans taxes. De la même manière, tous ceux qui ont fait des heures supplémentaires ont une majoration de 50% de ces heures supplémentaires, à nouveau défiscalisées et désocialisées…



P.SATIS: Et une revalorisation salariale à terme pour un certain nombre de ces métiers de santé?


O.VERAN : Ce n’est absolument pas antinomique. Cela va avec une négociation avec l’ensemble des soignants sur l’avenir de l’hôpital, l’avenir des métiers, des rémunérations, des carrières.


 

P. SATIS: Le Conseil Scientifique doit rendre un avis sur les élections municipales pour qu’elles se tiennent avant la fin du mois de juin. A titre personnel, pensez-vous aujourd’hui qu’il serait préférable de tenir ce deuxième tour de l’élection municipale en juin?


O.VERAN : Ça va peut-être vous surprendre… à titre personnel je ne pense pas. Je considère qu’il faut appuyer nos décisions sur l’avis de ceux qui sont capables de faire des projections, des simulations, des observations et de nous dire si oui ou non cela peut présenter une dangerosité pour la population. Depuis le premier jour, j’ai toujours fait le choix de la santé et de la sécurité des Français et j’ai suivi les recommandations données par comités scientifiques et les agences indépendantes de l’Etat. J’attends d’avoir le résultat des saisines des différentes agences et des différents comités. Ensuite, je vous donnerai un avis qui ne sera pas personnel mais qui sera celui du ministre.


Voir la vidéo : l'interview d'Olivier Véran 

Rappel : Le ministre des Solidarité et de la Santé, Olivier Véran, est également conseiller régional en Auvergne Rhône-Alpes. 
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