Fin de la production de vanilline à Saint-Fons : près de 50 emplois menacés

Une page se tourne à Saint-Fons avec l'annonce de la fermeture d'un atelier de production de vanilline, dernier en France et en Europe. Il était le seul à produire l’arôme de synthèse utilisé dans l’industrie alimentaire, cosmétique et pharmaceutique. Près de 50 emplois de ce site industriel sont menacés de disparition. La CGT se mobilise ce mercredi 14 février.

C'est un produit phare de l'industrie chimique qui est fabriqué dans l’usine Syensqo (ex-Solvay) de Saint-Fons : la vanilline.  En rachetant Rhodia en 2011, le groupe belge est alors devenu le premier producteur mondial de vanilline. Une des nombreuses productions historiques de la vallée de la chimie. Mais l'atelier de vanilline doit fermer. Une casse de l'outil industriel dénoncée par la CGT qui a prévu une action devant l'usine ce mercredi 14 février. Le syndicat a organisé un rassemblement à partir de 11 heures.

Faire des économies

Près de 50 postes pourraient disparaître avec la fermeture de l'atelier de production de vanilline de Saint-Fons. L'usine Syensqo qui emploie aujourd'hui 250 personnes est le dernier site français de production de vanilline. La fermeture de cet atelier très spécifique a été décidée fin janvier. Selon la CGT, une réorganisation à l’échelle internationale menace ainsi presque 50 emplois sur le seul site de la vallée de la chimie.

Pour le syndicat, l'arrivée sur le marché mondial de concurrents chinois qui ont réduit les prix de la vanilline, n'est pas non plus étrangère à cette volonté de faire des économies. Pour la CGT, qui dit comprendre la situation, le groupe est en mesure de pallier temporairement cette baisse de compétitivité financière. "Ils ont largement les moyens de maintenir tous les emplois et cet atelier. C'est un choix, c'est le profit avant tout (...) Ils veulent faire 27 millions d'euros d'économies, c'est ça la réalité. Ils en veulent toujours plus", déplore Olivier Minoux, délégué syndical CGT chez Syensqo, qui pointe du doigt "le système capitaliste".

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Une cinquantaine d'emplois menacés dans la vallée de la Chimie. Réaction de Olivier Minoux,Délégué syndical CGT, Société Syensqo - 14/2/24 ©France Télévisions

Chaîne de production...

Derrière cette décision de fermeture et de réorganisation, il y a cependant une logique d'économies qui ne tient pas compte de la logique industrielle, dénonce le syndicat. "Pour aboutir à la vanilline fabriquée dans cet atelier, on va d'abord fabriquer du gaïacol dans un autre atelier de l'usine. On le fabrique avec du catéchol qui vient d'une autre partie de l'usine aussi. On a une chaîne complètement intégrée sur l'usine et aujourd'hui cette chaîne, on en casse un morceau : la vanilline !", détaille Julien Hatchadourian, conducteur d'appareil et délégué CGT du CSE.

"Ce catéchol, au lieu de l'envoyer au bout d'un tuyau de 200 mètres, on va l'envoyer à l'autre bout de l'Atlantique, sur le site de Bâton-Rouge, aux États-Unis", déplore ce dernier.
Si à Saint-Fons, l'atelier d'arôme de vanille doit fermer, aux États-Unis, c'est un atelier d'hydroquinone qui doit fermer, menaçant aussi plusieurs dizaines d'emplois. Au total, une centaine d'emplois appelés à disparaître, selon la CGT. Julien Hatchadourian précise : "là-bas, ils ont la même chaîne de fabrication et on en casse un morceau. Eux, on leur casse le début de la chaîne. Nous, on nous casse la fin de la chaîne !".

... Et réactions en chaîne

Conséquence de la fermeture de l'atelier de vanilline : une véritable réaction en chaîne décrite par Julien Hatchadourian. Pour lui, cette fermeture n'est pas sans conséquences dans la vallée de la chimie. "Pour fabriquer du catéchol, il faut du phénol et ce dernier est fabriqué à Péage-de-Roussillon. Pour fabriquer du phénol, on utilise du propylène qui lui-même provient de la raffinerie de Feyzin ! On a une chaîne très intégrée sur tout un territoire", ajoute le conducteur d'appareil et représentant du personnel.

Cette réorganisation industrielle de la chaîne de production est d'autant plus difficile à comprendre que l'une des substances chimiques présente une contrainte : "le catéchol gèle à température ambiante, pour le manipuler à l'état liquide, on est obligé de le chauffer, chauffer les conduites dans lequel il passe, les citernes dans lesquelles on le stocke (...) Là, on va remplir des containers. Ils vont arriver au bout de plusieurs jours à Bâton-Rouge. Ça va être des glaçons !", assure Julien Hatchadourian qui déplore l'absence de solution technique industrielle "pour régler ce problème". Sans compter un transit de produits chimiques qui s'inscrit à contrecourant de la logique environnementale. Pourtant, en janvier 2023, Solvay avait annoncé la fabrication à Saint-Fons de la première vanilline du marché certifiée selon la méthode du mass balance. Une réponse aux consommateurs et marques demandant "une meilleure durabilité, davantage de matières renouvelables et une empreinte carbone réduite pour leurs produits", écrivait alors le groupe belge dans un communiqué.

Contactée, l'entreprise Syensqo (ex-Solvay) de Saint-Fons n'a pas encore répondu à nos sollicitations.

L'arôme le plus utilisé au monde

La vanilline est un aldéhyde que l'on trouve dans les gousses de vanille, elle représente environ 2% de la gousse. Cependant, la vanilline est le plus souvent synthétisée par procédé chimique, beaucoup moins cher. C’est dans la deuxième moitié du 19ᵉ siècle que la vanilline a été synthétisée pour la première fois. Mise au point par deux chimistes allemands, la formule exacte de la vanilline est C8H8O3. Le processus industriel va permettre une large diffusion et une démocratisation de l'arôme de vanille.

La vanilline a une odeur similaire à la vanille avec un goût sucré. La molécule de vanilline issue de la gousse de vanille est exactement la même molécule que celle fabriquée industriellement. Cette substance est utilisée par les industries agroalimentaires, par le secteur pharmaceutique, mais aussi par la parfumerie et les entreprises cosmétiques. 

La réponse de la direction de Syensqo (20 février 2024)

"Sur le site de Saint-Fons, 35 postes sont concernés par ce projet de réorganisation. Syensqo met actuellement tout en œuvre pour trouver des solutions pour les collaborateurs qui seraient impactés, notamment via des mesures de reclassement en interne ou en externe", tient à souligner la direction sur la question des emplois menacés à Saint-Fons.

Par ailleurs, toujours dans une réponse écrite, la direction justifie la réorganisation annoncée : "Compte tenu de la dynamique actuelle du marché et après une évaluation approfondie de ses actifs à l’échelle mondiale, Syensqo a pris la décision de revoir les lignes de production de son Unité Aroma Performance. Dans ce contexte, Syensqo prévoit de revoir sa production industrielle sur ses sites de Saint Fons, en France, et de Bâton Rouge, en Louisiane, aux États-Unis. Le projet doit permettre à cette activité de rester compétitive sur le long terme."

Concernant le détail de l'organisation, la direction indique qu'à partir du mois de mai 2024, "le site de production de Saint-Fons concentrera ses efforts sur la production d'hydroquinon (un intermédiaire pour le caoutchouc, les colorants et les industries agrochimiques et pharmaceutiques) et de vanilline naturelle qui répond aux nouvelles exigences des consommateurs qui souhaitent des produits alimentaires plus sains et plus naturels". Concernant le site de Bâton-Rouge, il "se concentrerait sur la production de vanilline synthétique", précise également l'entreprise.

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