Fin de vie : "Il y a la théorie et la réalité", Paul* est atteint d'une tumeur cérébrale et milite pour le droit à une mort digne

Paul* (nom d'emprunt) est atteint d'une tumeur au cerveau. L'ancien pilote de ligne qui vit près de Lyon, entend bien décider de sa fin de vie. Un projet de loi pour une "aide à mourir" doit être examiné à l'Assemblée nationale à partir du mois de mai. Les orientations du texte ont été dévoilées par le président Macron, en mars.

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"Je sais ce que j'ai dans la tête. Je serais peut-être emporté par autre chose. Mais si ça dégénère, si je vais inexorablement vers la fin, je n'ai pas envie de me voir tomber dans une déchéance. Je milite pour le droit à mourir dans la dignité. J'applique les principes aéronautiques : anticipation", explique sans détour Paul.

Il n'avait pas de symptômes, ne souffrait pas. Il a découvert presque de manière fortuite qu'il était atteint d'une tumeur cérébrale voilà près de 10 ans. Elle a été détectée chez cet ancien pilote de ligne lors d'un examen de santé, alors qu'il souhaitait donner un nouvel élan à sa carrière. Après IRM, le diagnostic est sans appel pour le Lyonnais. Il a dû se résoudre à renoncer à voler.

Depuis l'annonce de sa maladie dégénérative, Paul* a bénéficié d'une chirurgie. Il se rend quotidiennement à des séances de radiothérapie pour maintenir la tumeur sous contrôle. Paul*va bien grâce à son protocole. Militant au sein de "l'association pour le Droit de mourir dans la Dignité" (ADMD), il entend bien rester maître de son destin jusqu'au bout.

 

Sensible, voire explosive, la question de la fin de vie divise depuis des décennies. Un projet de loi pourrait permettre de faire avancer le débat en France. Le texte doit être présenté ce mercredi 10 avril en Conseil des ministres. Il devra ensuite être soumis aux parlementaires. Après l'Assemblée nationale à partir du mois de mai, le projet de loi devrait arriver au Sénat après l'été. On parle même d’une possible adoption en 2025 ou en 2026. Les orientations du projet de loi ont été dévoilées en mars dernier par Emmanuel Macron. Le texte est très attendu par les défenseurs d'une évolution de la loi Claeys-Leonetti et notamment par l'ADMD. 

Que dit la loi française actuellement ? 

Assimilée à un homicide, l’euthanasie active est interdite en France. La législation sur la fin de vie a cependant bien évolué depuis les premiers pas sur les soins palliatifs. Pour rappel, c'est Lucien Neuwirth, député de la Loire et auteur de la loi légalisant la contraception en France, qui est à l'origine de la première législation moderne sur la fin de vie : sa proposition de loi, adoptée le 27 mai 1999, reconnaissait le droit à bénéficier de soins palliatifs pour être soulagé en fin de vie et organisait le développement d'unités de soins palliatifs.
Quelques années plus tard, en avril 2005, la loi Leonetti, du nom du médecin et député UMP Jean Leonetti, encadrait les conditions de la fin de vie et interdisait l'acharnement thérapeutique. Elle autorisait notamment un patient, lorsqu’il jugeait que le traitement qui lui est administré relevait d’une “obstination déraisonnable”, à le refuser. 

C'est aujourd'hui la loi Claeys-Leonetti, adoptée en 2016, qui encadre la fin de vie des malades incurables en France. Elle autorise une "sédation profonde et continue" jusqu'au décès pour des malades atteints d'une "affection grave et incurable", sans aller jusqu'à l'euthanasie active. L’euthanasie passive peut intervenir lorsque l’équipe médicale en charge du patient décide de ne pas prendre des mesures pour prolonger la vie.

Pour Paul*, derrière ce choix ultime, il y a surtout la peur de la "déchéance". "On parle de l'inconnu. Je ne sais pas comment c'est une fin de vie avec une tumeur cérébrale. Je n'ai pas cherché à savoir, pas même par curiosité. J'en déduis qu'on touche à l'unité centrale, au cerveau ! On touche ce qui nous fait agir, ce qui nous fait décider (...) Si un jour, je sens que ça déraille (...) je souhaite pouvoir décider de partir", explique-t-il.

Directives anticipées

La loi Claeys-Leonetti donne aussi la possibilité au patient de formuler des directives anticipées, afin d'éviter "la souffrance et une prolongation inutile de sa vie". Le patient a le droit de refuser un traitement et le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la personne. Ce sont des instructions écrites permettant d'indiquer à l'avance ses volontés sur les décisions médicales à prendre dans le cas où le patient arrive en fin de vie et n'est plus capable de s'exprimer (accident, maladie grave...). 

Pour Paul*, ce dispositif de "directives anticipées" est fondamental. "Je ne voudrais pas finir dans une situation où j'ai conscience que ça ne va plus et qu'on me maintienne inexorablement en vie. Au moins, c'est écrit noir sur blanc : je souhaite partir dans une mort douce et sans souffrances", explique Paul*. Pour lui, l'affaire Vincent Lambert a été un électrochoc.

Vers "une aide à mourir" ?

Lancée en décembre 2022, une convention citoyenne sur la fin de vie a eu lieu en France. Son but : faire évoluer le débat, à la fois sur la sédation, l’aide assistée au suicide et l’euthanasie active. Les 184 citoyens tirés au sort ont débattu pendant 27 jours, s'étaient prononcés majoritairement le 2 avril 2023 en faveur d’une “aide active à mourir”. 

Après une longue réflexion, Emmanuel Macron a annoncé en mars dernier une réforme sur la fin de vie. Mais le chef de l’État refuse de parler d’euthanasie ou de suicide assisté. Il s'agit d'"une aide à mourir". Elle pourrait permettre à des patients, sous certaines "conditions strictes", de recevoir une "substance létale". Ce texte permettrait ainsi aux patients majeurs atteints de maladies incurables, avec "pronostic vital engagé à court ou moyen terme", subissant des souffrances ne pouvant être soulagées et “capables d’un discernement plein et entier” de demander une aide à mourir. Le texte exclurait ainsi les personnes atteintes d'une maladie neurodégénérative comme Emmanuel Simon Son témoignage est donc essentiel pour faire avancer le débat. 

Concernant ce projet, les représentants des principales religions, notamment catholique, ainsi qu'une partie des soignants ont manifesté leurs désaccords avec les choix présidentiels. En revanche, l'opinion publique semble se montrer favorable. Selon un sondage Ifop-Fiducial pour Sud Radio réalisé après les arbitrages d'Emmanuel Macron, 82% des personnes interrogées se disent favorables au projet de loi sur le droit à mourir. . Le soutien est majoritaire quel que soit le bord politique des sondés.

Fin de vie : et ailleurs en Europe ?

Le débat sur la fin de vie est loin d’être une spécificité française. Dans les autres États membres de l’Union européenne, l’euthanasie est aussi une importante question de société. 

Plusieurs pays, comme les Pays-Bas et la Belgique, ont légalisé l’euthanasie active depuis plus de vingt ans. Concernant l'euthanasie active, les Pays-Bas sont même pionniers en la matière. C'est même le premier pays à avoir légalisé l’euthanasie, dès 2001. Elle est strictement encadrée. Depuis l’an dernier, en avril 2023, les Pays-Bas ont franchi une autre étape en élargissant l'aide à la fin de vie aux enfants de moins de 12 ans qui souffrent de maladies incurables induisant une mort prochaine inévitable.

La Belgique a suivi en septembre 2002. Le médecin doit s’assurer que le patient est doté de la capacité de discernement lors de sa demande et qu’il souffre d’une pathologie grave et incurable.

Au Luxembourg, l’euthanasie est autorisée depuis 2009. Celle-ci n’est permise que pour les majeurs dans une situation médicale sans issue.

Plus récemment, l’Espagne et le Portugal autorisent l’euthanasie, respectivement depuis 2021 et 2023. La loi portugaise permet notamment l’euthanasie lorsque “le suicide médicalement assisté est impossible en raison d’une incapacité physique du patient”.

Le poids des mots

L’euthanasie active désigne le fait d’abréger intentionnellement les souffrances d’une personne. Un médecin ou un tiers va par exemple injecter une substance entraînant directement la mort du patient.

L'euthanasie passive peut se faire à sa demande ou sur décision de l’équipe médicale afin de limiter l’acharnement thérapeutique. Elle se produit lorsque l’équipe médicale en charge du patient décide de ne pas prendre des mesures pour prolonger la vie. La mort peut survenir par l’administration de médicaments analgésiques ou après le débranchement d’un respirateur. 

"L'assistance au suicide, ou suicide médicalement assisté, consiste à donner les moyens à une personne de se suicider elle-même. Dans ce cas, la personne réalise elle-même son suicide en absorbant un produit létal qui lui a été préalablement délivré", selon la définition du Comité consultatif national d'éthique (CCNE).

*Paul est un nom d'emprunt.

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