Cette jeune femme accompagne des élèves en situation de handicap depuis dix ans. Malgré son ancienneté, elle est toujours en CDD et gagne 800 euros net par mois pour 26 heures travaillées chaque semaine.
"Là, je ne comprends pas pourquoi il te manque le feuillet numéro 17, il faudra penser à le ramener si tu l'as oublié à la maison", glisse amicalement Flavie à Gabriel, lycéen de terminale qu'elle suit depuis trois ans en tant qu'accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH).
Installée en classe à ses côtés, Flavie est à l'écoute des besoins du jeune homme qui éprouve régulièrement des difficultés à hiérarchiser son travail : "La majeure partie du temps, elle m'aide pour l'organisation parce que j'ai du mal à m'organiser. Et parfois c'est pour la compréhension des exercices, notamment des consignes. Quand elles sont claires, nettes et précises, c'est facile. Mais quand il y a un sous-entendu, je vais rien comprendre, et même répondre totalement à côté tout en étant persuadé d'avoir bien répondu", explique le lycéen.
"Il y a beaucoup d'élèves qui souffrent"
Avec le temps, une discrète complicité s'est tissée entre Flavie et Gabriel. Ils travaillent ensemble plusieurs heures par semaine et leurs efforts ont porté leurs fruits : "Nous, ça a collé plutôt facilement", raconte Gabriel, "donc ça paye au travail et les résultats sont très vite tombés." Pour l'accompagnante, la progression des jeunes se joue dès le premier contact, lorsque s'établit un espace de confiance : "Je les aide surtout à avoir confiance en eux, parce que c'est souvent des élèves qui arrivent du collège, de leur vie de primaire, de maternelle, qui ont beaucoup souffert pour la plupart. De l'échec scolaire, des moqueries..."
Avant de faire la rencontre de Flavie, le lycéen a effectivement été affecté par ses difficultés scolaires, lorsqu'il n'était pas encore accompagné : "Avant je n'avais pas d'AESH donc j'avais des résultats moyens, voire très moyens", confie-t-il, "Le collège c'était pas une très bonne étape pour moi. En trois ans il y a eu une énorme évolution, que ce soit dans ma vie privée, mais également au niveau du travail."
Il y a beaucoup d'élèves qui souffrent parce qu'ils n'ont pas l'accompagnement nécessaire. Il y a beaucoup de familles qui sont démunies à chaque rentrée parce que leurs enfants ne sont pas pris en charge comme ils auraient droit de l'être
Flavie Faure, accompagnante d'élèves en situation de handicap
"C'est la dixième fois que je signe un CDD"
Au total, Flavie Faure accompagne cinq élèves, tous lycéens dans le même établissement. Elle exerce cette profession depuis dix ans, mais elle n'a encore jamais signé de contrat à durée indéterminée : "C'est la dixième fois que je signe un CDD", précise l'accompagnante, "je n'ai pas le statut de fonctionnaire. Quand je me pointe à la banque, on me dit "ah, vous êtes en CDD", ça reste précaire. On peut rencontrer beaucoup de difficultés, on peut être démuni face à des élèves qu'on ne peut pas gérer parce qu'on n'est pas forcément formés, quand il le faut, pour tel ou tel type de handicap. Je sais que beaucoup d'AESH souffrent. "
800 euros net par mois
En plus de ses contrats à durée déterminée sans cesse renouvelés, Flavie Faure touche une rémunération peu élevée : 800 euros net mensuels pour 26 heures de travail hebdomadaire imposé. Malgré ces conditions de travail précaires, elle se dit épanouie professionnellement, car elle exerce un métier qu'elle a choisi : "Dans mon affectation et dans mon quotidien je suis très contente de ce que j'ai", affirme l'accompagnante, "j'ai la chance d'être toujours au même endroit."
En plus de son lieu de travail, elle a pu s'orienter vers l'accompagnement du public de son choix, de jeunes lycéens :"J'ai été attirée tout de suite dans mes affectations vers cette tranche d'âge-là. Je trouve que ce sont des jeunes intéressants qui sont en plein devenir, qui vont bientôt travailler... Les élèves en situation de handicap de cet âge-là sont quand même rarement accompagnés. C'est plus courant dans les petites classes. Donc je trouvais ça intéressant d'être avec des jeunes de 16, 17, 18 ans."
Un grand nombre d'AESH ne partagent pas l'enthousiasme de Flavie Faure. Face à une précarisation grandissante de leur profession, 200 d'entre eux se sont mobilisés mardi 19 octobre devant le rectorat de l'Académie de Lyon. Ils demandent de meilleurs salaires et conditions de travail, mais aussi un véritable statut pour leur secteur.