Réactions d'habitants de la Duchère à la fusillade qui a éclaté lundi 25 octobre. Ce quartier de Lyon faisait l'objet d'une surveillance accrue des autorités depuis quelques jours d'après plusieurs témoignages.
Après la fusillade qui a éclaté entre la police et un ou plusieurs tireurs à la Duchère à Lyon, les habitants se retrouvent au cœur d'un échange de tirs d'une autre nature : accusations politiques et polémiques sur la sécurité prennent de l'ampleur pour savoir si le quartier est assez surveillé.
Pour Baptiste Vavro, habitant du quartier et acteur impliqué dans la vie économique locale, ces polémiques ont tendance à forcer le trait sur la situation à la Duchère.
"Le trafic diminue, le lieu de la fusillade c'est un des derniers points de trafic qu'il reste. Quand il y a un souci à la Duchère tout est amplifié tout de suite. Nous, on est beaucoup plus tranquilles ces derniers temps".
Les hélicoptères de la police tournaient depuis plusieurs jours. La veille de l'incident, ils sont resté 15 minutes en statique au dessus de la barre. C'est sûr ils se préparaient à faire tomber une partie du trafic sur cette barre."
D'après les forces de police, il resterait quatre points de deals sur le quartier et celui de l'avenue Sakharov était le plus important.
"L'insécurité à la Duchère, c'est ridicule par rapport à d'autres secteurs où ça deale 24h/24." juge B. Vavro. "Il y a déjà de la vidéo surveillance et les barres où se concentrait le trafic sont tombées."
Antoine Delcoque, lui, a 25 ans. Il vient du Nord Pas de Calais et a choisi d'habiter à La Duchère car les loyers sont moins élevés. Le jeune actif décrit une vie de quartier où le trafic de drogue n'est pas omniprésent. " C'est pas omniprésent c'est très localisé et on n'a jamais eu de problème, ni même été accostés pour nous vendre de la drogue. Même ma copine qui a 22 ans, passe devant sans avoir de problème ou de crainte pour rentrer."
"Des solutions sparadrap de gens qui n'ont aucun projet de société"
Karim Mahmoud Vintam, fondateur de l'association Les cités d'Or qui intervient notamment auprès de la jeunesse à la Duchère, dresse un constat plus mitigé :
"Je ne dis pas que rien n'est fait mais je n'ai pas pour autant l'impression que la situation s'améliore. Il y a un vrai décrochage de la part d'une infime minorité de jeunes et on ne sait plus comment faire pour les atteindre."
Face à la polémique qui oppose le maire de Lyon et le ministre de l'Intérieur concernant l'installation de caméras de vidéosurveillance, il ne cache pas son agacement.
"On traite le problème à la marge, on pose des rustines. Ces histoires de caméras de vidéosurveillance, ça ne ne rime à rien, c'est de la poudre aux yeux. Ce sont des solutions sparadrap de gens qui n'ont aucun projet de société !"
"On pointe très vite la petite délinquance mais la question de l'impunité ne concerne pas que les quartiers populaires. Pourtant quand ça se passe à la Duchère ça fait réagir jusqu'au plus haut niveau de l'Etat."
Pour le représentant d'une structure associative locale (il ne souhaite pas être cité) " Quand on vient travailler à la Duchère, on ne se sent pas en insécurité. Mais apprendre qu'on tire à balles réelles c'est inquiétant pour tout le monde et on sait que, pour nous, ça va être très long à rattraper. Il va falloir réparer le lien avec les jeunes car ça déstabilise tout le monde."
Tous ont en tête les évènements du printemps dernier. Un adolescent de 13 ans était dans le coma après un accident de la circulation. Selon plusieurs témoins la police était impliquée, une version démentie par les autorités. L' affaire avait donné lieu a plusieurs nuits d'échauffourées dans plusieurs quartiers de l'agglomération lyonnaise.
Les mutations de la Duchère
La Duchère est un quartier prioritaire qui a vu sa physionomie se métamorphoser ces quinze dernières années. Un programme de rénovation urbaine parmi le plus emblématiques de France a redessiné les contours de ce secteur autrefois très enclavé.
Mais La Duchère reste un des vingt quartiers prioritaires de la politique de la ville dans le Rhône. 8 311 habitants y vivent et le taux de pauvreté est de 39,4%.
"La Duchère est passée en 10 ans d’une cité HLM des années 1960 à un écoquartier de premier plan à Lyon" telle était l'ambition politique du projet de réhabilitation du quartier. Force est de constater en effet qu'une grande partie du quartier a changé mais la deuxième phase de réhabilitation commence juste. 98 millions d’euros d’investissement public sont prévus avec 677 logements à requalifier et 601 à démolir dans les secteurs qui concentrent aujourd'hui les derniers points de trafic de drogue.