Poucav, balnav, gâche, traboule... vous avez la sensation de découvrir un nouveau langage en arrivant à Lyon ? Pas de panique, on vous explique tout ce qu'il faut savoir sur le parler Lyonnais.
"Hier j’ai vu un pélo chercher une gâche pour sa vago". Vous ne comprenez pas ? C’est que vous n’êtes pas Lyonnais. Dans la capitale des Gaules, cette phrase est une simple banalité. Elle signifie : "hier, j’ai vu un homme chercher une place de parking pour sa voiture".
Gâche ? Pélo ? Vago ? D’où ça vient ? Pourquoi utilise-t-on ces termes uniquement à Lyon et aux alentours ?
Un héritage de l’argot parisien
"Pélo et vago, ça vient du Romani, une langue parlée par les Gitans ou les Tsiganes. Il y a eu pas mal d’emprunts dans les années 1950 - 1960 dans le parler parisien aux langues de ces communautés et ça fait partie de ce que l’on appelle l’argot", explique Mathieu Avanzi, créateur de l’application Français de nos régions. Le linguiste décortique les mots et expressions qu'utilisent les Français aux quatre coins de l'Hexagone.
Ça vient pour beaucoup de Paris parce que c’est là qu’il y a les grands médias et c’est là qu’il y avait la plupart des chanteurs à l’époque. Il y avait Renaud dans les années 1980, Pierre Perret également. Si vous écoutez une interview de Renaud dans les années 1980, vous allez entendre pas mal d’argot.
Mathieu AvanziDirecteur du Centre de dialectologie et d’étude du français régional à l’université de Neuchâtel en Suisse et créateur de l'application Français de nos régions.
La plupart de ces mots ont aujourd’hui disparu à Paris mais se sont maintenus dans certaines régions.
Dicav, balnav, rodav, ... des terminaisons à la lyonnaise
C’est ainsi qu’à Lyon et Grenoble, on entend encore beaucoup de mots se terminant par la syllabe –av. Il y a balnav, qui signifie mentir, ne pas dicav, pour ne pas aimer, rodav, pour remarquer. Piav signifie boire ou picoler et poucav, un mouchard.
Même le centre commercial de La Part Dieu, premier situé en centre-ville en Europe, se transforme dans la bouche des Lyonnais. "Viens, on va à la Pardav", peut-on ainsi entendre. "On a aussi une jeunesse qui innove et qui va maintenir des langages d’argot ou des langages de groupe pour renforcer leur identité", ajoute le spécialiste qui dirige le Centre de dialectologie et d’étude du français régional, à l’université de Neuchâtel, en Suisse. Il évoque notamment les populations installées dans les banlieues lyonnaises et grenobloises.
"Aujourd’hui, avec Internet, les centres se sont un peu déplacés. On voit pas mal d’expressions qui viennent de Marseille", explique Mathieu. Aujourd'hui l’argot, un langage à l’origine cryptique, se parle presque partout en France, avec différentes utilisations selon les régions.
Et là ou Bordeaux a son "gavé", Marseille son "tarpin", Lyon a son "cher", un adverbe de quantité. Il est ainsi normal d’entendre "c’est cher bon" ou "il fait cher beau" dans les rues de la ville.
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Des mots issus du franco-provençal
Une gâche ? Le terme n’est lui pas issu du Romani. Tout comme Gone, que l’on utilise souvent pour qualifier les habitants de Lyon, voire pour évoquer les supporters de l’Olympique Lyonnais, appelée les "Bad gones". Il s’agit pour ce dernier d’un enfant, de la même manière qu’on parle d’un "drôle" à Bordeaux ou un "ch’ti" dans le Nord. Ce mot fait partie du patois lyonnais : le franco-provençal.
"C’est la continuité du latin, la langue qui existait dans la Gaule Lugdunum avant que Lyon n’évolue et que ce dialecte commence à disparaître à partir du 16ème siècle", souligne Mathieu Avanzi. Le langage s’est maintenu jusqu'au 20ème siècle, notamment dans les campagnes et a fini par être absorbé par le français.
Il est tout de même possible d’entendre certains résidus dans le langage lyonnais aujourd’hui. Connaissez-vous le terme bourron ? Il s’agit d’une petite boule, de généralement de poussières ou de papier. Autre exemple, à Lyon, on ne dit pas "grumeau" mais caton.
Et un canut, ça vous dit quelque chose ? Le terme fait référence aux ouvriers de la soie installés sur la colline de la Croix-Rousse à Lyon au 19ème siècle. Il y a en a plein d’autres. Dans les rues du Vieux Lyon, vous pourrez observer des restaurants appelés bouchons et proposant une cuisine traditionnelle lyonnaise. Vous pourrez également apercevoir des traboules, ces passages pour les piétons qui traversent les cours d’immeuble. Faites attention à ne pas débarouler en empruntant les escaliers qui peuvent y mener. Débarouler, vous ne connaissez pas ? Le mot signifie "dégringoler en roulant".
Les Lyonnais utilisent également énormément le "y" comme un pronom remplacant le "le" impersonnel. Un exemple : "je vais y faire" ou "mets-y là".
Tancarville, étendoir ou étendage ?
Une question subsiste encore aujourd’hui. Pourquoi dit-on "étendage" pour qualifier la structure métallique nous permettent d’étendre le linge, là ou d’autres régions appellent ça un "étendoir" ou encore un "tancarville" ?
C’est simple : "On est parti du verbe étendre et à partir de ce verbe, on a créé un nom, avec des suffixes et des préfixes susceptibles de changer". Ainsi, est née une concurrence entre les différents termes. Et pas question de dire qui a tort, qui a raison, les trois mots existent. Cependant, seul "étendoir" figure dans les dictionnaires, n'étant pas considéré comme une variante régionale.
Alors, parler le Lyonnais, ce n'est pas cher bien ?