Alain Mérieux : "Jacques Chirac nous a appris à aimer la France et les Français"

Le patron français Alain Mérieux fut l’un des amis proche de Jacques Chirac. Invité du journal de France 3 Rhône-Alpes, le 29 septembre, il a accepté de parler de cette amitié et des liens qui l’unissait à l'ancien Président de la République.

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Dans les années 70, la réussite de l’institut pharmaceutique Mérieux bat son plein. Le mardi 9 décembre 1974, un groupe d’hommes enlève ainsi le fils d’Alain et Chantal Mérieux, Christophe, âgé de 9 ans, sur le chemin de l’école. Très rapidement, Jacques Chirac, le Premier ministre de l’époque, est alerté de l’enlèvement. Alors que Michel Poniatowski, le ministère de l’Intérieur, refuse de céder aux ravisseurs, Jacques Chirac n’empêchera pas Alain Mérieux de verser la rançon. Christophe sera libéré le lendemain. De là naîtra une amitié forte entre les deux hommes.


Yannick Kusy : Pour vous, c’est « un devoir » d’évoquer votre ami Jacques Chirac ?
Alain Mérieux : Oui. J’ai à son égard une amitié profonde, un grand respect et une reconnaissance. Une reconnaissance profonde parce que, dans les moments les plus difficiles que j’ai connus, en particulier en décembre 1975, l’enlèvement de mon fils Christophe. J’avais beaucoup de problèmes avec le ministre de l’Intérieur. Le premier ministre, que je ne connaissais pas, est intervenu. C’était Jacques Chirac et je peux vous dire que je n’oublierai jamais son attitude, en particulier le soir où Christophe nous a été rendu. Je n’oublierai pas ce coup de téléphone de quelqu’un que je ne connaissais pas, mais qui débordait, je dirais, d’affectif, et de cœur. Et, depuis ce temps-là, c’est une amitié totale et, de ma part, un attachement viscéral, à l’homme politique à l’homme… tel qu’il était, dans l’intimité. Il est parvenu à m’entraîner en politique, ce qui n’était quand même pas évident.

Une amitié teintée d’admiration, si j’ai bien compris…
Beaucoup d’admiration pour son courage, sa vision… en particulier dans un certain nombre de pays où je vais professionnellement. Que ce soit en Asie, où il était très respecté pour sa connaissance de la culture et l’histoire de ces pays…  au Moyen-Orient. On se souvient de son choix de ne pas emporter la France dans une guerre en Irak. Une grande décision qui honore notre pays. C’est la même chose en Afrique. Il est intervenu à maintes reprises, et particulièrement, dans mon métier. Je me souviens de l’appel de Lomé, contre les faux médicaments. Jacques Chirac a toujours joué la carte de la transparence. Dans ces pays, il était adoré, adulé, je peux en témoigner. Même à Alger, je me souviens de la visite avec Bouteflika, lorsque le président Chirac est sorti de la voiture pour aller serrer les mains des foules. Il avait ce charisme extraordinaire.

Jacques Chirac nous a appris à transgresser, traverser les frontières sociales pour se battre.

Vous avez un autre point en commun : la fibre sociale. Vous avez lancé votre fondation il y a quelques mois. Jacques Chirac avait dénoncé la fracture dans notre pays.
Nous étions tous -et je le suis encore- convaincus que la fracture sociale est un drame pour notre pays, que les différences trop croissantes, et l’absence d’ouverture sur les autres sont un fait grave. Jacques Chirac nous a appris à transgresser, traverser les frontières sociales pour se battre. Je reconnais que la plus belle campagne que j’ai faite de ma vie, c’était en 1995, lorsqu’il m’avait demandé d’être président du comité de campagne Rhône-Alpes. En décembre 1992, cela allait tellement mal, que ma femme m’a appelé aux Etats-Unis pour me dire « Reviens. Si tu n’es pas là, toi aussi, tout le monde dira que c’est foutu. » On alors fait une première réunion à Eurexpo. Nous n’étions même pas 200 dans la salle. Trois mois plus tard, nous étions 10 000. On s’est battu corps et âmes.

A ce moment-là, il était déterminé, sûr de reprendre la main ?
Je ne sais pas s’il était sûr. Mais il nous a donné une sacrée niaque, une sacrée pêche. Je n’oublierai jamais les soirées passées ensemble avec Philippe Seguin et lui.

C’est une amitié qui n’avait rien à voir avec la politique.

Vous l’avez revu il y a an. Il s’intéressait encore aux affaires ? La conversation était-elle toujours politique ?
Non, nos relations, depuis qu’il n’était plus président, ont été celles de l’amitié. De la reconnaissance pour Jacques et Bernadette. Ils ont tous les deux été pour nous, dans des moments très difficiles vécus par mes fils, très présents, physiquement. C’est une amitié qui n’avait rien à voir avec la politique. Je l’ai revu dans un état évidemment beaucoup moins « superbe » que pendant la campagne. Il y a un an, il m’a reconnu, on a parlé… de l’Algérie qu’il avait en mémoire. Et puis voilà. La dernière fois que j’ai voulu le voir… Claude, sa fille, m’a dit que ce n’était pas le moment d’y aller…

Si vous deviez caractériser Jacques Chirac avec un seul mot ?
Le courage. Aimer la France. Aimer les français. Il nous l’a appris. On peut voir aujourd’hui que la France et les français ont compris ce message et lui sont reconnaissants.

 
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