Plusieurs sites du géant hexagonal du jeu vidéo se mobilisent pour une grève de trois jours, notamment pour des raisons liées à la suppression d'un jour sur trois de télétravail par semaine. Un fort mécontentement qui intervient alors que l'entreprise traverse une passe difficile avec des ventes en berne et le report d'un jeu majeur, sur fond de rumeurs de rachat de l'entreprise.
Fini de jouer chez Ubisoft : des salariés se mobilisent pour une grève de trois jours, la deuxième cette année, alors que le géant français du jeu vidéo rencontre des difficultés, des ventes en berne et le report d'un jeu majeur. Tout cela accompagné de rumeurs de rachat de l'entreprise.
À Villeurbanne, ils sont une dizaine à avoir levé le pied. Parmi eux, Corentin Lavergne, représentant du Syndicat des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo (STJV). Pour les grévistes, c'est la négociation sur les jours de télétravail (TT) qui a mis le feu aux poudres.
"Des gens ont été embauchés sur la promesse de trois jours de télétravail, pas deux"
La Direction propose deux jours par semaine contre trois jusqu'à présent, explique ce trentenaire aux cheveux longs. Cela pose de gros problèmes à pas mal d'entre-nous qui avaient profité des jours en TT pour habiter loin de Lyon, loin du site. Aujourd'hui, leur demander de renoncer à une journée est très difficile à envisager, alors qu'on nous a permis d'envisager une vie autour du TT
Corentin LavergneReprésentant du Syndicat des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo (STJV)
Pour les grévistes, le plus dur à avaler est que selon eux "il n' y a pas d'argument véritable". La direction évoque un problème synergie et de collectif de travail. Elle affirme que "la créativité est stimulée par les interactions interpersonnelles, les conversations informelles et la collaboration autour d'une même table", tout en promettant de ne pas revenir "à un modèle 100% présentiel".
Les salariés répondent par la nécessité de "laisser les équipes décider des moments où elles doivent se rencontrer pour avancer sur les projets". En février déjà, Ubisoft avait connu un mouvement de grève lié à des hausses de salaire et l'intéressement refusés par les dirigeants.
"Des gens ont été embauchés sur la promesse de trois jours de télétravail, pas deux, fait valoir Clément Montigny, responsable du STJV à Montpellier. Ça remet en cause toute l'organisation de leur vie. Potentiellement, ces gens-là doivent envisager de quitter l'entreprise, ce qui est inacceptable".
De son côté, l'entreprise dit examiner "comment affiner (son modèle) pour mieux équilibrer les avantages du travail à distance et au bureau". Après une première rencontre avec les syndicats mardi dernier, il était convenu que les cas seraient abordés individuellement : "ceux qui en ont besoin auront le temps de s'adapter à ce changement et nos chefs d'équipe locaux détermineront quand des exceptions sont justifiées", a assuré la direction.
Efforts salariaux
D'autres piquets de grève sont attendus à compter de ce mardi devant les différents studios de l'éditeur de jeux en France, notamment à Paris et Annecy. Les syndicats demandent également à la direction "un vrai effort salarial", rappelant que la première grève d'ampleur avait mobilisé plus de 700 salariés en février, sur les 4 000 que compte l'entreprise en France - soit l'une des plus importantes mobilisations du secteur.
Cette grève tombe mal pour le fleuron français des jeux vidéo, qui enchaîne les déconvenues depuis plusieurs mois."Ubisoft souffre d'un enchaînement de sorties (de jeux) qui n'atteignent pas le succès escompté", estime Oscar Lemaire, du site spécialisé Ludostrie, citant notamment "Skull and Bones" et le nouvel épisode de "Prince of Persia".
Fin septembre, son PDG, Yves Guillemot, a aussi admis que les premières ventes de "Star Wars Outlaws", sorti fin août, étaient "plus faibles que prévu", forçant Ubisoft à revoir en baisse ses objectifs financiers et à repousser de trois mois la sortie du prochain volet de sa série phare, "Assassin's Creed", pour laisser le temps à ses équipes de le peaufiner.
Une mauvaise passe sanctionnée sur les marchés financiers : l'action Ubisoft s'est effondrée de plus de 40% depuis le début de l'année, atteignant en septembre son plus bas niveau en 10 ans. Début octobre, l'agence Bloomberg faisait également état d'un potentiel rachat d'actions par le géant chinois de la tech Tencent, qui possède déjà près de 10% de l'entreprise, et la famille Guillemot, actionnaire principal du groupe, pour sortir le groupe de la Bourse.