La guerre entre le Hamas et Israël a des conséquences sur la programmation du festival de théâtre Sens Interdits à Lyon. Des comédiens palestiniens devaient participer à la représentation des Monologues de Gaza. Mais ils sont absents. Une partie de la pièce a dû être remaniée.
Un focus sur la Palestine. C'est ce que propose le festival international Sens Interdits qui se déroule à Lyon du 14 au 28 octobre 2023. Au programme notamment de ce vendredi 27 octobre : une représentation des Monologues de Gaza. Seulement voilà, la guerre que se livrent le Hamas et Israël perturbe quelque peu les plans des organisateurs.
"Toute prise de parole mettant en avant la cause des Palestiniens, c'est un risque de prison, un risque de fermeture administrative... Nous ne sommes pas là pour faire prendre des risques encore plus grands que ceux qu'ils assument déjà tous les jours", déclare Patrick Penot, le directeur du festival international.
Trop dangereux
À la veille de la première représentation, comédiens et metteur en scène sont en réunion de crise. Ce jeudi 26 octobre, ils ont eu la confirmation de l'absence d'une comédienne palestinienne avec laquelle ils avaient construit une dramaturgie. Il s'agit d'une personne du théâtre Ashtar, "qui était à l'origine du projet des Monologues de Gaza en 2010, qui devait être avec nous en vidéo, lire des textes en arabe et nous parler de la situation en Palestine pour le théâtre Ashtar, etc", explique Matthieu Loos, le metteur en scène. La comédienne devait intervenir depuis Jérusalem.
C'est impossible de rester en relation avec elle parce que c'est trop dangereux pour elle. Les Israéliens sont très, très vigilants sur ce que les Palestiniens disent au-dehors d'Israël. On préfère, par sécurité pour elle, ne plus l’avoir dans le spectacle publiquement.
Matthieu Loos, metteur en scène
Le défi pour toute l'équipe : trouver une solution d'urgence "pour que le spectacle continue à avoir du sens, que l'on continue à avoir des mots de Gaza qui puissent résonner en France. Et que ces mots puissent être aussi entendus en langue arabe."
Monologues de Gaza
En 2008-2009, l’opération militaire israélienne baptisée "Plomb durci" ravage Gaza pendant trois semaines, faisant plus de 1 400 morts palestiniens, parmi lesquels des civils, dont de nombreux enfants. Deux ans plus tard, le théâtre Ashtar a recueilli la parole de 33 adolescents ayant survécu à cette guerre. Ceux-ci témoignent de leur vécu à Gaza sous les bombes, et racontent leur enfance volée, le traumatisme et la colère qui les habitent depuis.
Le festival Sens Interdits en propose aujourd'hui une nouvelle lecture "en duplex entre de jeunes comédiens français et les jeunes auteurs gazaouis devenus adultes." Mais depuis quelques semaines, plus de nouvelles des Gazaouis.
"Nous avons choisi de faire entendre ces voix qui ne sont pas assez entendues. Nous allons continuer. Et nous allons faire extrêmement attention à toute l'évolution de cette situation qui est catastrophique. Ce sont des carnages absolus", déclare le directeur du festival, Patrick Penot.
Porter la parole est encore plus important aujourd'hui, compte tenu de la situation internationale. Les Monologues de Gaza sont plus que jamais ancrés dans le présent. Une autre comédienne tunisienne portera, en arabe, la voix des absents.
Nous, nous nous battons pour faire entendre des voix d'artistes qui toutes font entendre l'envie tout à fait légitime d'un peuple de vivre le plus normalement possible, quel qu'il soit, où qu'il soit.
Patrick Penot, directeur du festival international Sens Interdits
Cette année, le Festival Sens Interdits accorde une place particulière aux artistes palestiniens avec trois pièces jouées. Une programmation prévue de longue date, bien avant les dernières attaques, mais qu’il n’était pas question de modifier. Une question d'engagement.