À l'occasion des 80 ans de la mort de Jean Moulin, le Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon lui consacre une exposition jusqu'au 26 mai 2024. Retour sur les 18 mois qu'il passe à Lyon, dans la clandestinité, et qui ont changé l’Histoire.
Stéphane Nivet, historien lyonnais, auteur de “Jean Moulin, l’inconnu de Lyon” nous a donné rendez-vous devant l’immeuble où a séjourné à Lyon, l’unificateur de la Résistance : Au 2 de la place Raspail, aujourd’hui Antoine Jutard.
Moulin arrive en zone sud en janvier 1942, missionné par le général de Gaulle pour unifier les trois grands mouvements de la Résistance. Il loue à Perrache puis l’adresse n’est plus sûre et Daniel Cordier, son secrétaire (qui n’apprendra qu’après-guerre qui était son patron) est chargé de lui trouver un autre appartement. À proximité de la presqu’île, l’immeuble a l’avantage d’avoir deux accès, comme tous les lieux que Jean Moulin fréquente, il faut s’assurer d’une échappatoire possible. L'historien précise “Le bail est au nom de Joseph Marchand, artisan décorateur, un métier parfait pour justifier ses multiples allées et venues et ne pas éveiller les soupçons de la propriétaire”.
En zone libre, Lyon est le terreau favorable à la présence des résistants. Difficile d’imaginer la réalité de la vie quotidienne de Jean Moulin : jongler avec de fausses identités, planifier des rendez-vous qui n’ont pas toujours lieu, organiser les réunions, les voyages pour coordonner les différents mouvements clandestins.
Jean Moulin se sentait traqué depuis 1940. Il se vivait comme un mort en sursis, au fond il avait fait le deuil de sa vie pour remplir sa mission, cela l’a libéré d’un certain nombre de contraintes, il était dans un sacrifice dont il connaissait l’issue et cela a renforcé son engagement et son intégrité
Stéphane Nivet, historien
Alors, il faut improviser au jour le jour. Des petites mains prêtent des boîtes aux lettres, décryptent des messages, des sympathisants mettent à disposition un appartement pour une réunion. À Villeurbanne, par exemple, dans le quartier des gratte-ciel, Jean Moulin rencontre le 5 mai 1942, pour la toute première fois, les trois dirigeants des principaux mouvements de Résistance : Combat, Franc-tireur et Libération sud.
Au cœur de Lyon, la pression s’intensifie et à partir de novembre 1942, les occupants sont omniprésents. Stéphane Nivet raconte “Il faut imaginer la très grande proximité des lieux. La presqu’île est le cœur battant des réseaux de résistants. Le général Delestraint, chef de l’armée secrète, loge non loin de l’hôtel Terminus, siège de la police de Sureté allemande, dans la rue le danger est partout et s’intensifie avec des arrestations massives.
Rue Victor Hugo, un bâtiment avec trois issues abrite l’État-major de l’Armée Secrète, Jean Moulin y a également un bureau. Partout s’assurer de la plus extrême discrétion, dans la lumière d’une rue fréquentée ou dans un parc public, comme celui de la Tête d’Or, le seul à l’époque. Ici, le chef de la Résistance peut s’assurer aussi de complicités : Georges Bidault son bras droit, est professeur au lycée du parc, et le concierge de la tête d’or cache dans les serres huit tonnes d’armes. Selon l'historien, "Jean Moulin a beaucoup fréquenté les allées, donné des rendez-vous successifs. Au milieu des familles lyonnaises et des troupes de l’occupant, quelle meilleure couverture que l’anonymat d’un parc public, la visibilité protège".
À l’abri des soupçons, il y rencontre Raymond Aubrac et sa femme, la veille de la réunion à Caluire, dans la banlieue lyonnaise. Il faut trouver un successeur au Général Delestraint, arrêté à Paris. Le 21 juin 1943, Jean Moulin, comme ses compagnons, est arrêté par La Gestapo. Il est torturé et meurt le 8 juillet lors de son transfert vers l’Allemagne.
À Lyon, le Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation présente "Jean Moulin, les voies de la liberté" jusqu'au 26 mai 2024.