Lors de la Seconde Guerre mondiale, Jacqueline Bayle a participé au sauvetage d'une centaine d'enfants juifs au château de Montintin, en Haute-Vienne. Un acte pour lequel elle a reçu la médaille de Juste parmi les Nations en 2023. Elle est décédée ce samedi 7 décembre à l'âge de 100 ans.
Elle venait de fêter ses 100 ans, le 20 août dernier. Jacqueline Bayle s'est éteinte ce samedi 7 décembre, à l'EHPAD de Saint-Germain-les-Belles, en Haute-Vienne, où elle résidait depuis 2019.
"Elle est partie sans souffrance, une mort de vieillesse", indique Marie-France Bayle, sa belle-fille. Selon cette dernière, Jacqueline Bayle a attendu de célébrer ses 100 ans pour enfin, "se laisser partir", comme une forme de délivrance pour celle qui avait déjà perdu ses deux enfants. "Je pense qu'elle avait peur de me voir partir à mon tour, avant elle. Nous entretenions des liens très forts, il ne s'agissait pas d'une belle-mère et de sa belle-fille, c'était bien plus".
L'accueil et la protection d'enfants juifs pendant la guerre
Jacqueline Bayle avait dix-huit ans en 1942 lorsque ses parents ont accueilli deux enfants juifs pour les cacher dans leur ferme de Châteaux-Chervix. En parallèle, Jacqueline était employée au château de Montintin dans la commune de Haute-Vienne. Le site a été un haut lieu d'hospitalité pendant la Seconde Guerre mondiale.
C'est ici qu'une centaine d'enfants juifs, menacés par les nazis, ont été recueillis. La jeune femme a participé au sauvetage de ces enfants qui n'étaient plus en sécurité nulle part après l'été 42.
Ce sauvetage fut organisé par L'Œuvre de secours aux enfants (OSE), une organisation juive qui, pressentant le danger, décida dès 1939 de louer des maisons reculées en Limousin afin d'offrir un abri à ces enfants de la guerre. Entre 1940 et 1942, Montintin est un havre de paix, loin des affres de la guerre. Encadrés par une vingtaine d'adultes, les enfants apprennent le français et poursuivent leur scolarité. Les plus âgés sont orientés vers des ateliers de cordonnerie ou de menuiserie.
Marie-France Bayle, née Wolff, était la fille de l'un des enfants de Montintin sauvés par Jacqueline : "mon père s'est toujours rappelé d'elle, comment elle était avec lui et les autres enfants. Trente ans après, il a voulu la retrouver". En effet, des années plus tard, l'enfant sauvé est devenu un père de famille et il décide, pendant les vacances d'été, de retrouver celle qui l'avait aidé. Il fait escale en Haute-Vienne et frappe à la porte de toutes les fermes près de Château-Chervix. Il retrouve Jacqueline Bayle. Un lien indestructible va se nouer entre les deux familles puisque Marie-France, sa fille, tombera amoureuse du fils de Jacqueline. Les deux enfants se marient en 1974.
Une vie de courage
À partir de l'été 1942, les rafles s’organisent. Les enfants sont évacués dans les villages environnants. Jacqueline cachera, en 1944, chez elle, la famille juive du directeur de Montintin, le docteur Raymond Lévy. Elle n'hésitera pas à tenir tête aux miliciens français.
Sa mission d'aide lingère au château de Montintin dépassait très largement la tâche ménagère et la jeune femme accompagnait les enfants dans leur quotidien. "Elle et mon père étaient très proches, car ils avaient quasiment le même âge, ils discutaient beaucoup ensemble", indique Marie-France Bayle.
Juste parmi les Nations
Son engagement héroïque, ainsi que celui de ses parents à titre posthume, ont été récompensés par la médaille des Justes, le 11 mai 2023, au collège de Saint-Germain-les-Belles.
Jacqueline Bayle laisse donc son nom dans la grande Histoire, pour avoir sauvé des enfants juifs réfugiés au château de Montintin.
"Je n'ai pas sauvé le monde, voyons ! J'ai d'abord sauvé ma peau. Parce que pour sauver les autres, il fallait faire attention à soi". Jacqueline n'a jamais recherché les honneurs, toujours restée discrète sur son passé. C'est peut-être pour cette raison qu'elle n'avait pas été reconnue jusqu'alors.
Sa belle-fille nous confie, ce lundi par téléphone, que le jour de sa récompense, Jacqueline a surtout été touchée par l'admiration que ses descendants avaient pour elle et son acte de résistance. : "Ses petits-enfants et arrière-petits-enfants ont salué son courage lors de différents discours ; ce sont ces mots qui l'ont émue, elle n'avait jamais réalisé à quel point ils admiraient ce qu'elle avait fait".
Une grande dame s'est éteinte ce samedi 7 décembre. Nous adressons toutes nos condoléances à sa famille.