Témoignage. "J'ai eu peur plus d'une fois, mais il ne fallait pas le faire voir" : Jacqueline Bayle, 99 ans, bientôt Juste parmi les nations

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Jacqueline Bayle, lors de la réception de son titre de Juste parmi les Nations, le 11 mai 2023.
Jacqueline Bayle a aidé plus d'une centaine d'enfants lors de la Seconde guerre mondiale au château de Montintin. Plus de 80 ans après, elle a reçu la médaille de Juste parmi les nations en mai 2023. ©Antoine Jegat et Valérie Agut / France Télévisions

Lors de la Seconde guerre mondiale, Jacqueline Bayle a participé au sauvetage d'une centaine d'enfants juifs, menacés par les nazis, au château de Montintin en Haute-Vienne. Pour cet acte héroïque, elle recevra la médaille de Juste parmi les nations le 11 mai 2023, à l'âge de 99 ans.

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"Tout le monde m’appelait pour aider. Je pensais que tout le monde m’aimait bien. Quand ils avaient besoin de quelque chose, c’était toujours Jacqueline qui était là."

Une centaine d'enfants juifs recueillis  

À 17 ans, Jacqueline Bayle était employée au château de Montintin dans la commune de Château-Chervix en Haute-Vienne. Situé en Haute-Vienne, le site a été un haut lieu d'hospitalité pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est ici qu'une centaine d'enfants juifs, menacés par les nazis, ont été recueillis.  La jeune femme a participé au sauvetage de ces enfants qui n'étaient plus en sécurité nulle part après l'été 42. 

Ce sauvetage fut organisé par L'Œuvre de secours aux enfants (OSE), une organisation juive qui, pressentant le danger, décida dès 1939 de louer des maisons reculées en Limousin afin d'offrir un abri à ces enfants de la guerre. 

Entre 1940 et 1942, Montintin est un havre de paix, loin des affres de la guerre. Encadrés par une vingtaine d'adultes, les enfants apprennent le français et poursuivent leur scolarité. Les plus âgés sont orientés vers des ateliers de cordonnerie ou de menuiserie. 

L'histoire des enfants juifs du château de Montintin, en Haute-Vienne, reste peu connue du grand public. ©France Télévisions

Un acte héroïque 

Jacqueline n’avait que 17 ans lorsqu’elle rentra à Montintin comme aide lingère. Mais sa mission d'aide dépassait très largement la tâche ménagère et le jeune femme accompagnait les enfants dans leur quotidien. 

À partir de l'été 1942, les rafles s’organisent. Les enfants sont évacués dans les villages environnants. Jacqueline cachera, en 1944, chez elle, la famille juive du directeur de Montintin, le docteur Raymond Lévy. Elle n'hésitera pas à tenir tête aux miliciens français.

Il fallait faire attention et ne pas trop parler. J'en ai renvoyé beaucoup sur les roses. J'ai eu peur plus d'une fois, mais il ne fallait pas le faire voir.

Jacqueline Bayle

L'histoire d'amour dans la grande Histoire

Marie-France Wolff, devenue Bayle, nous raconte l'histoire de son père : il faisait partie des enfants de Montintin. "Je sais le bien qu'elle a fait à ces enfants. Mon père s'en est toujours rappelé jusqu'à son prénom, comment elle était... 30 ans après, il a voulu la retrouver", témoigne-t-elle, les yeux embués de larmes.

En effet, des années plus tard, l'enfant est devenu un père de famille et il décide, pendant les vacances d'été, de retrouver celle qui l'avait aidé. Il fait escale en Haute-Vienne et frappe à la porte des maisons de Château-Chervix. Il retrouve Jacqueline. Et un lien indestructible va se nouer entre les deux familles puisque Marie-France, sa fille, tombera amoureuse du fils de Jacqueline. Les deux enfants vont se marier en 1974. 

Médaillée le 11 mai 2023 prochain

Son engagement héroïque, bientôt récompensé par la médaille des Justes, a été accompli à l’époque sans trop se poser de questions par une jeune femme naturellement courageuse. "On ne peut que saluer son courage", explique Dominique Albin, adjointe au maire de Saint-Germain-les-Belles en charge des affaires scolaires.

Mais Jacqueline ajoute : "Je n'ai pas sauvé le monde, voyons ! J'ai d'abord sauvé ma peau. Parce que pour sauver les autres, il fallait faire attention à soi."

Jacqueline n’a jamais recherché les honneurs, toujours restée discrète sur son passé. C'est peut-être pour cette raison qu'elle n'avait pas été reconnue jusqu'alors. Un oubli  bientôt corrigée puisqu'à presque cent ans, elle s’apprête pourtant à laisser son nom dans la grande Histoire. Ce sera le 11 mai prochain au collège de Saint-Germain-les-Belles. 

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