Depuis trois ans, des parents d'élève de l'école Jean-Pierre Veyet se mobilisent pour offrir un toit à des familles sans-abri. À l'image de cette école, 17 établissements de la Métropole de Lyon mettent en place la même initiative. L'hébergement d'urgence relève pourtant des compétences de l'Etat.
Vers 18 heures, chaque jour, une famille albanaise passe la porte de l'école Jean-Pierre Veyet, à Lyon, pour y retrouver refuge. Depuis quelques semaines, elle dort dans l'établissement, où les enfants sont scolarisés.
"J'ai peur de dehors sous ma tente"
Un collectif d’une vingtaine de parents d’élèves se mobilise, depuis trois ans, avec l'accord du directeur et de la mairie, pour héberger des familles sans-abri. Cette solution est temporaire, la peur de la rue reste donc omniprésente : "Si l’école ne peut plus m’aider, ni m’héberger pour X raisons, j'ai peur de retourner dehors sous une tente avec les gens qui boivent, qui fument, qui passent à côté de moi. Il peut m’arriver tout et n’importe quoi, je pense surtout à mes enfants", confie Naze. Chaque soir, du lundi au jeudi, les parents d'élèves font des roulements pour accompagner et aider la famille. Le week-end, grâce aux goûters solidaires organisés par l'école et à une cagnotte en ligne, la famille dort à l'hôtel.
Les parents d’élèves regrettent de devoir compenser les manquements des pouvoirs publics : "On aimerait bien qu’il y ait une mise à l’abri, que ça soit la préfecture, la mairie, la métropole, la préfecture, la MVS, le CCAS, peu importe, mais il y a des locaux vides, il y a forcément de l’argent quelque part, il y a moyen de payer quelques nuits d’hôtel", suggère Virginie Bordeaux, membre du collectif de solidarité de l'école. "Nous, on a fait appel à des associations qui proposent de l’hébergement citoyen ou des nuits suspendues. Pourquoi les autorités n’organisent pas ça. Il y en a des logements de fonction qui ne sont pas occupés, le commissariat, on ne sait pas ce qu’il devient donc il y a tous ces bureaux inoccupés la nuit qui pourraient servir".
"On lutte pour que ce système ne soit pas institutionnalisé"
Dans la Métropole, 17 écoles se mobilisent. La Ville accompagne ces initiatives, à la condition qu’un parent ou qu’un enseignant dorme avec les familles. Elle accuse l’Etat de ne pas assumer ses responsabilités, et même de s’appuyer sur l’action citoyenne : "On lutte pour que ce système ne devienne pas institutionnalisé, la préfecture considère que ces familles sont mises en sécurité dans les écoles", déclare Sophia Popoff, adjointe à la mairie chargée de l'hébergement d'urgence. "La Ville de Lyon met en place des actions en matière d’hébergement d’urgence parce qu’on dresse le constat que l’action de l’Etat sur notre territoire n’est pas à la hauteur des besoins".
Actuellement, plus de 300 enfants sont sans-abri dans la Métropole. La préfecture n’arrive pas à répondre à tous les besoins d’hébergement d’urgence. En 2023, le budget de l‘Etat consacré à l’hébergement s’est élevé à 105 millions d’euros (...) soit une hausse de 57% en 5 ans. Aujourd'hui, cette famille albanaise dort au chaud mais les parents d’élèves redoutent l’arrivée des vacances de Noël. Aucune solution d’hébergement n'a été trouvée. L’hiver, lui, arrive à grand pas.
Propos recueillis par Priscille Dugayffier