Accusé d’appartenance à une organisation terroriste par la Turquie, Tuna Altinel est resté bloqué pendant plus de deux ans dans son pays natal. Ce 11 juin 2021, le mathématicien est de retour à Lyon où il a été accueilli par son comité de soutien, le maire de Villeurbanne et Cédric Villani.
L’avion ramenant l'enseignant chercheur de l’université Claude Bernard s'est posé en début d’après-midi ce 11 juin 2021 sur le tarmac de Lyon Saint-Exupéry. Cela faisait deux ans et deux mois que Tuna Altinel attendait ce moment. "C'est une victoire" disait-il quelques heures plus tôt, depuis la salle d'embarquement de l'aéroport d'Istanbul. "Une victoire qui n'aurait pas été possible sans la mobilisation internationale et sans la solidarité dans mon pays d'origine et dans mon pays d'adoption", a-t-il insisté dès on arrivée à Lyon.
Tuna Altinel a été emprisonné 81 jours, privé de passeport, et retenu en Turquie par les autorités qui l'accusaient d’appartenance à une organisation terroriste. Son retour à Lyon est "un soulagement" pour tous ceux qui l'ont soutenu dans son combat pour retrouver une liberté totale.
Un immense soulagement. Une victoire méritée. #PassportForTuna @SoutienTuna pic.twitter.com/gvg9axm0B7
— Comité de soutien à Tuna Altınel (@SoutienTuna) June 11, 2021
"Bon retour parmi nous"
Dans le hall des arrivées de l'aéroport Lyon Saint-Exupéry, des membres de son comité de soutien tiennent chacun une lettre inscrite sur un panneau formant ce message "Bienvenue à Lyon Tuna". Beaucoup sont des collègues universitaires. Le président de Lyon 1, Frédéric Fleury, est aussi là pour accueillir le mathématicien, enseignant depuis 25 ans dans la capitale des Gaules.
"Aujourd’hui, vendredi 11 juin 2021, l’Université Lyon 1 est heureuse de pouvoir à nouveau accueillir au sein de sa communauté son collègue Tuna Altinel qui retrouve, enfin, la capacité d’assurer ses missions académiques. La communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche se réjouit qu’il puisse reprendre sa vie personnelle et professionnelle avec ses proches, ses collègues et ses étudiants. Nous lui souhaitons de tout cœur un bon retour parmi nous et auprès des siens, peut-on lire dans un communiqué de l'université.
Les premiers mots de remerciement de Tuna Altinel ont été adressés à la communauté de Lyon 1. L'université a en effet envoyé des avocats en Turquie pour le représenter, l'a soutenu constamment par des déclarations. "Et puis, le plus important, elle n'a pas coupé mon salaire. C'est très important parce que c'était l'objectif cruel de l'État qui m'a retenu pendant deux ans sans passeport : couper mes ressources de vie pour que je meurs, comme on dit en Turquie, de ma mort civile", a précisé Tuna Altinel.
"Je ne baisserai pas la voix"
Parti pour visiter ses proches lors des vacances de printemps en avril 2019, Tuna Altinel a été arrêté et emprisonné en Turquie. Le motif des poursuites : de la "propagande terroriste". Un mois avant ce départ en vacances, l'universitaire a simplement participé à Villeurbanne à une réunion publique organisée par une amicale kurde. Acquitté en janvier 2020 par la justice, il n'en est pas moins privé de sa liberté de circuler et de travailler. Tuna Altinel va devoir batailler encore plus d'un an avant de pouvoir récupérer son passeport et monter dans l'avion.
De retour à Lyon, Tuna Altinel n'envisage pas de retourner tout de suite en Turquie. Mais cela ne l'empêchera pas de parler de la vie dans son pays d'origine, comme il l'a toujours fait durant sa rétention en Turquie. "Si j'acceptais une telle limitation de ma liberté d'expression, ça veut dire que j'aurais cédé devant un État répressif dont l'objectif principal est effectivement de me faire taire" a expliqué l'enseignant chercheur.
Les conditions du retour à la liberté
"Je viens de passer les contrôles et je suis en salle d’embarquement, je ne m’attends pas à d’autres problèmes", confiait Tuna Altinel ce 11 juin 2021 au matin. A l'aéroport d'Istanbul, le mathématicien se montre encore un peu inquiet avant d'embarquer. Les autorités turques ont en effet fait appel de la décision de la justice administrative de lui restituer son passeport.
Tuna Altinel était devenu un des symboles de la répression contre les universitaires et les milieux pro-kurdes. Et il est convaincu que son retour est le résultat de la mobilisation internationale en sa faveur. "Il nous en faudra davantage car notre combat démocratique continue" a souligné celui qui va devoir se confiner pendant 10 jours en raison de la crise sanitaire Covid.