Le sujet de l’avenir du siège d’Interpol, organisation mondiale de la police, est à nouveau dans l’actualité. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin redoute que l’organisation, qui manque de place à Lyon, ne quitte la France. Il demande aux élus locaux de s’engager pour financer un projet d’agrandissement du site actuel. Le maire de Lyon lui réclame "un dossier sérieux".
Depuis 1989, Interpol, siège de l’organisation mondiale de police, est installé quai Charles-de-Gaulle, à Lyon, sur un terrain appartenant à la ville. Il emploie quelques 250 agents. En novembre 2019, son secrétaire général Jürgen Stock, secrétaire général, annonçait un projet de rénovation et d’extension. Il faut en effet trouver de l’espace pour l’ensemble du personnel, qui est passé à 700 au total.
Ce mardi 2 novembre, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’empare, à nouveau, de ce dossier, qu’il avait déjà évoqué début octobre lors de sa visite à Lyon.
Le ministre veut une réponse rapide
Dans un courrier adressé au maire EELV de Lyon Grégory Doucet, au président EELV de la Métropole de Lyon Bruno Bernard et au président LR de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, il demande à ses trois destinataires de s’engager formellement sur le financement de ce projet.
Un courrier également transmis à la presse écrite régionale, qui en a publié des extraits : « Face aux difficultés à officialiser l’engagement français, plusieurs pays, en particulier les Émirats arabes unis, se sont positionnés pour financer et accueillir la direction exécutive des services de police, cœur des activités de l’organisation. Ce transfert ne laisserait à Lyon dans un premier temps qu’une coquille symbolique, précédant de peu un départ inéluctable du siège », y explique le ministre.
D’après le quotidien le Progrès, Gérald Darmanin précise dans cette lettre qu’il demande aux trois élus une réponse avant l’assemblée générale d’Interpol, qui débute le 23 novembre, à Istanbul, en Turquie.
Grégory Doucet répond à Gérald Darmanin
Contacté par nos soins, le Maire de Lyon, Grégory Doucet, a profité de son trajet vers l’Allemagne, où il se rend en délégation actuellement, pour rappeler sa position sur le sujet. En préambule, il précise que le dossier Interpol n’a pas été évoqué lors de sa rencontre avec Gérald Darmanin. « Il s’est exprimé dessus devant des journalistes, sans qu’on ait échangé tous les deux. »
Tout cela ne semble pas très sérieux
Sur le fond de cette affaire, Grégory Doucet tient d’abord à rappeler que « le soutien à Interpol relève, d’abord, d’une compétence de l‘Etat et du gouvernement. Quand, d’un côté le ministre appelle au secours les collectivités locales pour financer Interpol alors, que, quelques jours plus tôt il m’explique que le gouvernement dispose de fonds pour financer la vidéo-surveillance, ça veut dire quoi ? Qu’il prend d’un côté pour reprendre de l’autre ? Quelle est cette façon de gérer l’argent public ? » interroge le maire écologiste, qui ajoute « tout cela ne semble pas très sérieux ».
A son tour, Grégory Doucet renvoie le dossier... au ministre : « Interpol attend une réponse de l’Etat français, qui est son interlocuteur. » Il rappelle que la Ville de Lyon remplit sa part du contrat vis-à-vis d’Interpol afin qu’elle puisse exister à Lyon. « Je m’en réjouis. Interpol est une des plus belles agences internationales, qui fait de la ville un acteur majeur sur le plan mondial. »
Il me faut un dossier. Moi, je n’ai rien reçu. Publier un courrier envoyé aux élus dans les journaux n’est pas une façon de travailler
Concernant une éventuelle contribution de la Ville au financement d’un développement du siège basé à Lyon, le maire n’y oppose pas de refus, mais demande, d'abord, des précisions. « Il me faut un dossier. Moi, je n’ai rien reçu. Publier un courrier envoyé aux élus dans les journaux n’est pas une façon de travailler. Tout cela n’est pas très sérieux. Vous connaissez, vous, un investisseur privé qui mettrait de l’argent dans un projet sans avoir connaissance de la nature de l’investissement ? Moi, je n’en connais pas. Et quand il s’agit d’argent public, on se doit à encore plus de rigueur.»
Sur le plan politique, Grégory Doucet ne manque pas de rappeler qu’il a déjà émis « des inquiétudes concernant la candidature du général Ahmed Naser Al-Raisi à la présidence d’Interpol ». Ce dernier est accusé d’actes de répression et torture envers des opposants politiques au régime émirien. « Ce n’est pas rien. Cela fait peser sur l’agence un risque d’atteinte à son honneur et sa probité. L’Etat français doit prendre ses responsabilités et s’assurer que cela n’arrive pas. »
La Région "prête à participer à l'effort collectif"
En novembre 2019, l’ancien maire de Lyon Gérard Collomb aurait évoqué une participation de la Ville à hauteur de 40 millions d'euros. Interrogé sur cet engagement, le maire actuel répond par une boutade : « Même en faisant de l’archéologie, on n'a pas trouvé d’engagement financier écrit de la Ville de Lyon sur le sujet. »
Interrogés par Le Progrès, les services de la Région Auvergne-Rhône-Alpes ont, de leur côté, répondu que la collectivité se dit prête « à participer à l’effort collectif » et à « s’engager dans les mêmes proportions que la Ville de Lyon et la Métropole de Lyon ».