Le ras-le-bol des kinés : "Ça fait 10 ans que le prix des soins n'a pas augmenté"

Après l'échec des négociation avec la Caisse nationale d'assurance maladie, des kinésithérapeutes de la région se mettent en grève administrative. Objectif : faire pression sur l'Assurance maladie, pour rouvrir la négociation sur la revalorisation du prix de la consultation.

Depuis une semaine, dans son cabinet à Ceyzériat dans l'Ain, Chris Maroun est repassé aux feuilles de soins en papier pour certains patients. "C'est une idée des syndicats pour montrer aux patients ce que coûte réellement une séance de kiné et pour interpeller la Caisse d'assurance maladie.", explique le jeune kinésithérapeute. Comme les syndicats de la profession, il réclame d'être mieux payé pour son travail.

16 €13 la séance

Après les médecins généralistes, les kinés montent au créneau, pour réclamer l'augmentation du prix de l'acte. Les syndicats et la Caisse d'assurance maladie (CNAM) n'ont pas réussi à se mettre d'accord en début d'année. Seul un des trois syndicats représentatifs de la profession a signé l'avenant de la CNAM, qui proposait une revalorisation de 1 € 93, d'ici 2025.

Faute d'accord, les négociations sont closes. Sur la page facebook du collectif "Négociations kiné : tous concernés !", la profession s'organise et réclame la réouverture des discussions, avec pour principale demande : une revalorisation plus importante et plus rapide de la consultation.  

Aujourd'hui, la demi-heure de kiné, pour les soins de base, est facturée 16 € 13. Les professionnels réclament une revalorisation à 20 €, pour les séances de base, et à 25 €, pour les soins plus complexes. 

Le poids de l'administratif

"16 euros 13 la demi-heure ça peut sembler beaucoup, mais c'est un chiffre brut, détaille Chris Maroun, qui travaille avec deux autres kinés dans une maison de santé. Ça fait 10 ans, que le prix des soins n'a pas augmenté. On a entre 50 et 60 % de charges, et elles ont explosé".

Le praticien explique qu'en plus des 40 à 45 heures passées avec ses patients chaque semaine, il consacre une heure quotidiennement à l'administratif. "J'ai dit oui à un rendez-vous à 19 heures lundi, pour permettre au patient d'avoir sa séance. Ça ne veut pas dire qu'à 19 h 30, je rentrerai chez moi, il faudra que je m'occupe des papiers."

"Que ce serait-il passé si j'avais fait un burn-out ?"

Il y a un an, Agathe Bertrand a décidé de fermer son cabinet. "J'étais entre 47 et 50 heures, juste pour la partie avec les patients, j'étais en épuisement professionnel, explique-t-elle. Je mangeais un sandwich en voiture entre deux rendez-vous, j'ai eu très peur pour ma santé. Je suis toute seule avec mes enfants, que se serait-il passé si j'avais fait un burn-out ?" 

Trop d'heures, trop de charges et un manque de reconnaissance, cette kiné spécialisée en pédiatrie a pensé changer de métier "Je ne suis pas mieux rémunérée, malgré mes formations pour être spécialiste." 

"Quand on vous adresse un enfant et que vous découvrez une situation de handicap, le temps que vous consacrez à alerter les autres médecins, ce n'est pas du travail rémunéré." 

Agathe Bertrand, kinésithérapeute Saint-Romain-en-Gal (Rhône)

À Valence, après 10 ans dans la profession, Frédéric Goncalves a décidé de se syndiquer pour la première fois. La revalorisation de l'acte médical est centrale pour lui, face à l'explosion des coûts de son cabinet (eau, électricité, rémunération du comptable...). " Je vois une centaine de patients par semaine, on ne prend qu'une demi-heure pour manger. Je ne veux pas en faire plus."

"On ne veut pas s'enrichir, mais assurer une qualité de soins. On ne doit pas choisir de faire du volume au détriment de la qualité."

Frédéric Goncalves, Kinésithérapeute à Valence

Attirer les jeunes

Brigitte Montagne exerce comme kinésithérapeute depuis 1989 à Saint-Etienne. Au fur et à mesure des années, elle a vu ses conditions se détériorer. "En 34 ans, le prix de la séance n'a quasiment pas augmenté, mais le coût de la vie, si !" La solution pour cette kiné ligérienne : avoir laissé son cabinet, pour aller travailler chez un confrère, et une demi-journée d'ostéopathie pour varier son activité. "La séance est payée 55 €, rien à voir avec les 16 € 13 de mes séances de kiné". Les kinésithérapeutes, ne sont en effet pas autorisés à faire des dépassements d'honoraires

"Je me bats pour les jeunes, moi, je m'arrête dans 6 ans. Mais si on veut être soignés quand on sera vieux, il faut leur donner envie de faire ce métier."

Brigitte Montagne, kinésithérapeute à Saint-Etienne

"C'était un métier très attractif, il le sera de moins en moins pour les jeunes.", s'exaspère la professionnelle. Des jeunes qui pourraient aussi être rebutés par la proposition faite par la Caisse nationale d'assurance maladie, en contrepartie de l'augmentation du prix de la séance: l'obligation de travailler deux ans en hôpital ou en zone en tension, à la sortie de l'école.

2 € 50 par déplacement 

Autre revendication des professionnels : la revalorisation des frais de déplacement, pour les interventions à domicile. Les déplacements sont aujourd'hui payés 2 € 50, 4  € pour les pathologies plus lourdes, insuffisant pour Yannick Ponsero, qui fait du soin à domicile à Aix-les-Bains.

"Quand on commencé en 2015 avec ma femme, on pouvait facturer une indemnité kilométrique dès qu'on était à plus de 2 kilomètres de notre cabiner. Maintenant, il faut être à plus de 2 kilomètres, d'un cabinet de kiné, détaille le professionnel de santé. J'ai une patiente qui ne peut pas bouger seule et le cabinet qui est au rez-de-chaussée de son immeuble, refuse de faire du soin à domicile."

Avec l'augmentation des charges, il explique avoir perdu 15 000 euros en 6 ans, " et ça, c'était avant la flambée du prix de l'essence"Le couple réfléchit aujourd'hui à partir travailler dans un autre pays, espérant ainsi de meilleures conditions d'exercice. 

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