TEMOIGNAGE. "Je suis au maximum de ma charge de travail à 35 ans", dans le Rhône, les médecins libéraux racontent

Ugo Campione et Florence Lapica, sont deux médecins libéraux installés dans la métropole de Lyon. Aujourd'hui, ils sont en grève. Surchargés, méprisés, ils s'opposent au projet de loi Rist, supprimant leur rôle pivot dans le parcours de soin des patients et regrettent une profession qui n'attire plus.

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"Si j'étais raisonnable, je devrais arrêter, car j'en ai trop". Trop de patients pour si peu de médecins, Ugo Campione en fait tous les jours l'amer constat. Installé à Saint-Genis-les-Ollières, à 15 kilomètres de Lyon, depuis trois ans, le médecin généraliste accueille quotidiennement une trentaine de patients. Il voit difficilement comment en recevoir davantage.

"Je travaille quatre jours et demi par semaine. J'arrive au cabinet à 7 h 30 le matin et je repars à 20 heures. Le moindre temps de pause est optimisé pour faire des tâches administratives parce que je n'ai pas le temps de les faire à un autre moment", explique le médecin, représentant syndical à l'UFML (Union Française pour une Médecine Libre), qui "même le midi, mange devant [son] ordinateur".

"On est assaillis de demandes"

Et en plus de répartir son temps entre les consultations programmées et les urgences au cabinet, Ugo Campione participe à la permanence des soins ambulatoires dans le 5ème arrondissement de Lyon. "J'ai choisi cette vie. Je m'attendais à ce qu'elle soit rythmée. Mais pas à ce point. Je suis au maximum de ma charge de travail à 35 ans", conclut-il, agacé par le discours du ministre de la Santé François Braun, qui réclame plus d'engagement des médecins libéraux. 

Tout comme lui, Florence Lapica, n'en revient pas. La médecin de 46 ans qui exerce dans le quartier populaire des Etats-Unis dans le 8ème arrondissement de Lyon, a l'impression que "les pouvoirs publics ne connaissent pas son activité"

"On est assaillis de demandes de nouveaux patients et de demandes en tout genre. On fait également le lien avec les hôpitaux, les prises en charges diverses, les patients à rappeler. Dans le train, j’ai vu des résultats arrivés qui n'étaient pas normaux. J'ai donc dû trouver une place pour un scanner à l'un de mes patients. On s’occupe de ça, tout le temps, et on a l’impression de ne pas être reconnu".

Florence Lapica

Médecin généraliste à Lyon 8, présidente du syndicat MG France en Auvergne Rhône-Alpes. 

Des médecins libéraux méprisés 

Pas de reconnaissance, voire un "mépris absolu" souligne Ugo Campione lorsqu'il évoque la revalorisation du tarif de la consultation à 26.50 €, soit 1.50 € de plus. Et puis, il y a ce volet du projet de loi Rist débattu en ce moment-même au Sénat, celui qui permet aux patients de se passer des médecins pour aller chez le kinésithérapeute et bien d'autres spécialistes. "C'est quand même paradoxal", exprime-t-il.

"En 2023, c’est compliqué d’être généraliste donc le gouvernement décide de faire évoluer son niveau d’études de bac + 9 à bac + 10 et la même année, il pond une loi qui permet aux infirmières de pouvoir initier des nouveaux traitements et de réaliser des diagnostics, tache normalement dévolue aux médecins. On se moque des patients." 

Ugo Campione

Médecin généraliste à Saint-Genis-les-Ollières, représentant syndical à l'UFML

Une déconstruction du parcours des soins du patient qui risque d'avoir des répercussions sur d'autres professions médicales, déjà elles aussi en tension. "Pour la première fois, je vois des patients opérés pour une prothèse du genou qui non seulement n’ont pas de places dans des établissements de rééducation, mais ne trouvent pas de kiné pour faire leurs séances à la maison", regrette Ugo Campione avant d'ajouter : "Même en périphérie de Lyon, il y a peut-être 40 % de mes prescriptions de kiné qui ne sont pas effectuées. C’est des situations catastrophiques surtout pour des patients âgés".

Difficile d'attirer de nouveaux professionnels 

Résultat, attirer des nouveaux médecins, titulaires ou remplaçants, devient presque impossible. "J’ai trois jours de formations en mars, mais toujours pas de remplaçant. Je vais devoir fermer le cabinet", explique le médecin de campagne qui constate que "même dans une zone surdotée [en médecins], il a l’impression d’éprouver des difficultés".

Les internes se méfient d'une profession décrite comme chronophage, surtout lorsque d'autres personnes l'opposent à la pratique salariale. "Les jeunes sont très destabilisés de voir le cadre du métier qui est remis en cause par ces différentes lois", résume Florence Lapica. 

Vers le dé-conventionnement ?

Certains médecins généralistes envisagent de rompre leur contrat avec l'assurance maladie. Ils étaient environ mille à assister aux assises du dé-conventionnement en mars 2022, peut-être plus en 2023 ? "Le problème, c'est que ça instaure une médecine à deux vitesses où seules les classes riches pourront à terme se soigner", déplore Ugo Campione.

Car sans prise en charge de l'assurance maladie et avec des charges sociales plus importantes, le tarif de la consultation risque d'augmenter considérablement pour les patients et "tous ne peuvent pas se le permettre".

Soutenus par leurs patients, les médecins généralistes ont entamé une série de grèves et de manifestations contre la loi Rist notamment. Aujourd'hui, leurs cabinets affichent fermés alors que la grande majorité des professionnels proteste dans les rues de Paris.

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