En grève, les médecins généralistes s'opposent au projet de loi contre les déserts médicaux

Les cabinets médicaux seront fermés mardi 14 février. Alors que le Sénat examine le projet de loi RIST visant à lutter contre les déserts médicaux et à améliorer l'accès aux soins, les professionnels de santé se mettent en grève. Ils s'opposent au texte qui risque selon eux de désorganiser le parcours de soins des patients.

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"Manque de considération, surcharge de travail, discours démagogiques pointant les médecins comme responsables de la dégradation de l’accès au soin…", les médecins libéraux n’en peuvent plus de n’être "ni écoutés, ni considérés" résume dans un communiqué de presse Reagjir, syndicat des jeunes installés et des remplaçants. Ni les négociations, ni les débats parlementaires en cours n’arrivent à apaiser leur mal-être.

C’est pourquoi, la mobilisation s’impose. Le 14 février prochain, jour d'examen au Sénat du projet de loi RIST visant à "lutter contre les déserts médicaux et améliorer l’accès aux soins", les syndicats de médecins, d'internes et le Conseil de l'ordre des médecins se mettent en grève.

"La colère est assez phénoménale. Il n’y pas un syndicat médical qui n’a pas appelé à la grève", souligne Elise Fraih, depuis le centre des congrès de Lyon où elle participe, à l'occasion de 23ᵉ congrès des internes en médecine générale, à une table ronde évoquant les différents combats à mener avec les syndicats médicaux. La présidente de Reagjir, qui exerce sa profession de médecin généraliste en Alsace, nous explique les raisons de cette colère. 

Une remise en cause du rôle du médecin dans le parcours de soins 

En cause, un amendement susceptible de supprimer "notre rôle de pivot dans le parcours des soins", résume-t-elle. 

"Imaginez que vous avez mal au genou. Vous prenez la décision d’aller faire une IRM, un examen long et cher, de vous-même, sans passer par le médecin. Non, ça ne peut pas fonctionner pas comme ça. Nous, on est là pour réguler la demande de soins", déplore le médecin qui s’inquiète d’un risque de désorganisation du parcours de soins du patient.

Depuis 2004, la réforme du médecin traitant attribue au médecin généraliste le rôle de professionnel de premier recours avant adressage éventuel. Le projet de loi sur le point d'être débattu au Palais du Luxembourg instaure un accès direct des patients aux infirmiers en pratique avancée (IPA), aux kinésithérapeutes, aux orthophonistes et autres spécialistes.

Des faiblesses au-delà des déserts médicaux 

La soignante pointe plusieurs autres propositions mettant en péril sa profession. L'une d'entre elles vise à réguler l'installation des médecins et à limiter la durée de leur remplacement. S’installer sur un territoire, tant que d’autres ne sont pas partis, devient alors impossible hors des déserts médicaux. 

"Il est important de comprendre que des zones qui ne sont pas sous dotées sur le papier, ne sont pas pour autant surdotées. Au contraire. On a des zones comme Marseille ou Lyon où les médecins sont réquisitionnés pour de la permanence des soins ambulatoires."

Elise Fraih

Présidente de Reagjir et médecin généraliste en Alsace

Les disparités n'existent plus uniquement entre les espaces ruraux et urbains, mais également au sein même des grandes aires urbaines. Dans la métropole de Lyon, le nombre de généralistes pour 10 000 habitants est passé de 18 à 16 en dix ans. Le zonage établit par l'Agence Régionale de Santé (ARS) identifie deux zones victimes de ce vide médical. 

Les Zones d’intervention prioritaire (ZIP) sont les plus durement touchées par le manque de médecins généralistes. Elles concernent 20,3 % des habitants de la région, soit 1, 6 millions d’habitants, installés notamment à Givors et Grigny.

Les Zones d’action complémentaire (ZAC) sont moins impactées, mais pourraient le devenir si rien n'est fait. Elles représentent 51,7 % des habitants de la région, soit 4,1 millions d’habitants, répartis entre Vaulx-en-Velin, les quartiers sud, Grande Île, ceux des Minguettes-Clochettes et de Duclos-Barel.

À cela s'ajoute la revalorisation de la consultation médicale jugée insuffisante compte tenu de l'inflation. Négociée entre les syndicats et l'Assurance maladie, elle est aujourd'hui majorée à 26,50 €, soit 1,50 € en plus. Sans pour autant doubler ce chiffre comme le souhaite le collectif "Médecins pour demain", les professionnels réclament un minimum de 30 €. 

"Mettre en contact les médecins avec les collectivités dans le besoin"

"Quelqu’un qui veut s’installer en tant que médecin sur un territoire rencontre des difficultés. Il doit effectuer plein de démarches et a du mal à identifier ses interlocuteurs. C'est ce qui créer des déserts médicaux. Il faut arriver à les mettre en contact avec les collectivités qui ont des besoins". Elise Fraih a la solution : le guichet unique.

Dans l'Aveyron, ce genre de dispositif existe déjà. Il permet aux médecins et infirmiers du département de s’informer et de réaliser toutes les démarches d’installation au même moment et dans un même lieu.

Il s'agirait de généraliser le concept à l'hexagone en fonction des réalités urbaines et rurales. "Il faut flécher les étudiants et les futurs installés vers des endroits que l’on a adaptés à leurs désirs et en tenant compte des besoins des territoires", ajoute-t-elle. 

Une grève reconduite ? 

Des changements attendus de pied ferme, sans quoi, la "grève pourrait se poursuivre" confirme Elise Fraih. Ce mardi 14 février, bon nombre de cabinets médicaux afficheront fermés, tout comme le service SOS Médecins, tandis que les rues de Paris s'animeront dès 13 heures, place Vauban, au rythme des médecins venus manifester pour défendre une profession qui perd de son sens.  

Fin 2022, plus de 350 médecins de la région s'étaient réunis à Lyon pour exprimer leur mécontentement. 

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