Près de quarante jeunes mineurs isolés, installés dans un square du 3e arrondissement, ont dormi dans l'église du Saint-Sacrement, pour la deuxième nuit consécutive. Une solution d'urgence et temporaire pour ces jeunes, malgré l'accueil positif de l'église et des fidèles ce 10 décembre.
A la sortie de la messe ce dimanche 10 décembre au matin, quelques journalistes se mêlent aux fidèles de l'église du Saint-Sacrement. Au bout de la travée centrale, le père Renaud de Kermadec a expliqué lors de son homélie la situation : des jeunes mineurs ont dormi dans l'église, pour la deuxième nuit consécutive, incités et accompagnés par le collectif Soutien/Migrants Croix-Rousse.
"Jésus n'est pas venu pour les riches"
Une communication pendant la messe et la veille, par message, qui a permis "d'apaiser les appréhensions", selon Barthélémy, 25 ans. "Ces jeunes n'y sont pour rien, ce n'était peut-être pas une manoeuvre judicieuse de la part du collectif mais comme l'a expliqué le prêtre, nous devons être dans l'accueil.", explique Barthélémy.
A ses côtés, sa tante Isabelle, 74 ans, approuve : "l'église a toujours été un lieu d'accueil, depuis des siècles, on ne peut refuser l'accueil de quique ce soit, l'Eglise est dans son rôle". Cette habitante du Pays Basque de passage à Lyon pour la Fête des Lumières, ne comprend pas comment les autorités ont pu laisser ces jeunes "en arriver là". Face à une situation installée depuis six mois et l'arrivée de l'hiver, cette catholique pratiquante s'interroge sur "les solutions qui auraient pu être mises en place bien avant".
Le sentiment est partagé par d'autres jeunes paroissiens comme Clothilde, 27 ans. Emmitouflée dans un grand anorak bleu pour se protéger du froid, elle rappelle le message de charité du christianisme. "En tant que catholique, on est sensible à notre prochain et aux plus pauvres, Jésus n'est pas venu que pour les riches : le prochain c'est celui qui est devant soi". A l'instar du reste de sa communauté ce matin, elle souligne que l'église reste un lieu de culte où il est difficile de faire vivre des jeunes dans de bonnes conditions. Elle ne les a pas croisés ce matin. "Ils respectent le lieu pour nous permettre de prier", affirme-t-elle.
"Le prêtre a eu raison de sensibiliser les paroissiens, ce qui est désolant c'est l'absence de réaction des pouvoirs politiques, des pays d'origine, des pays de transit et d'arrivée, face à une telle situation.", explique Loïc, 34 ans, un catholique de passage dans la paroisse. "Je trouve ça très bien qu'on les accueille dans l'église, autant profiter d'avoir un toit, tant que les lieux et le sacré sont respectés.", conclut-il.
"Je vous fais confiance"
"Il n'y a eu aucun problème, j'ai rencontré les collectifs et 80 jeunes migrants hier soir pour qu'on parle de la situation, on les a laissés dormir ici, je leur avais demandé de ranger leurs affaires en amont de la messe de 10 heures, je leur ai fait confiance.", sourit le prêtre. "C'était une belle rencontre, certains ont pu poser des questions, il y a beaucoup de respect de leur part", poursuit l'homme d'église. Pour lui, si l'Eglise doit accueillir, l'église en tant que bâtiment cette fois "ne peut pas être une hôtellerie".
Citant la communication du diocèse, Renaud de Kermadec ajoute que tous les acteurs, les politiques inclus, "prennent leur part", pour trouver une solution pérenne pour ces jeunes. "Certains n'ont pas voulu dormir à l'intérieur car, de par leur culture, ils éprouvent de la difficulté à dormir dans un lieu de culte, que ça soit une mosquée ou une église, ils ne trouvent pas ça convenable", précise-t-il.
L'archevêché est en contact avec les autorités lyonnaises, "des contacts sont pris dans les hautes sphères.", glisse malicieusement le père Renaud.