Le vélo c'est son dada ! François Uzureau traverse la France pour distribuer du courrier. Il ne travaille pas à la poste et le joue les facteurs sur ses congés. Pour François, c'est la dimension humaine de son périple qui l'inspire.
François Uzureau fait partie d'une agence très spéciale, l'Agence des facteurs humains. Cette agence postale et poétique se dit spécialiste du message important mais pas urgent.
À l'ère du mail et du SMS, François et ses homologues redonnent ses lettres de noblesse au courrier écrit et au transport à bicyclette.
Le plaisir de rouler
"Pour parler comme un facteur, ce n’est pas ma première tournée, explique François, c'est la troisième".
François habite à Chemillé dans l'Anjou, à 58 ans, il gère un espace de travail collectif, rien à voir avec un service de livraison quelconque. Pourtant il est bien en train de traverser la France pour remettre en main propre des lettres à Lyon, prochainement.
"Depuis 30 ans, mon plaisir c’est le voyage à vélo. J'aime ce contact avec la nature, on adopte un rythme complètement différent du trajet en voiture et du quotidien. J'ai pédalé le long des rivières, le long des canaux, j’ai gravi des cols de montagnes, énumère François, distribuer du courrier, ça donne un but, en fait !"
François a rencontré, il y a 4 ans, Vincent Berthelot, l'homme à l'origine de l'agence des facteurs humains. L’idée l'a séduit. "Les gens nous confient du courrier, on sait où on doit le prendre et on sait où on doit l’emmener. Une seule et même personne se charge du transport, la lettre n'est pas transmise à un autre "facteur"", décrit François. Vincent Berthelot l'avait prévenu : "Quand tu pars, tu dis où tu vas et tu vas voir, il y a plein de courriers qui vont venir à toi". Et c’est ce que François a fait. "J'ai communiqué mon itinéraire et je me retrouve à faire plein de zigzags pour aller chercher ou livrer d’autres courriers".
Sa première tournée l'a emmené jusqu'à Montpellier avec 25 courriers, la deuxième, à Lille avec autant de missives.
Entre 30 et 100 km par jour
"Je prends juste des lettres, pas de colis, précise-t-il. Je suis en autonomie sur mon vélo, j'ai mes affaires, une tente, ma nourriture donc je ne peux pas me charger. Je suis parti avec juste deux sacoches, je viens de passer ma troisième nuit sous ma tente. Je ne vais pas à l’hôtel, le plaisir c’est d’être toujours en contact avec la nature."
François découvre la France par le chemin des écoliers. L’itinéraire est tracé sur une carte mais évolue en fonction du courrier à livrer.
En ce moment, il parcourt entre 70 et 100 km par jour, le nombre de kilomètres dépend du dénivelé. "Je profite aussi du passage dans les territoires où je passe. Je ne rentre pas dans les musées mais je fais le tour de la ville, ce matin, c’était la maison de George Sand (dans le Berry), ça reste mes vacances. Le courrier à distribuer ça fait des étapes, c’est motivant."
Un courrier surprise, des rencontres inattendues
"Il faut que ce soit un peu une surprise ce courrier qui arrive, dit François, et des fois, on peut passer quelques minutes avec le destinataire. Certains m'ont même hébergé."
En 3 ans, François a vécu des situations très diverses et émouvantes. "La première réaction des destinataires, c'est l'incompréhension, ce n’est pas habituel. Certains pensent que je suis de la poste, d'autres sont bouleversés parce que j’arrive un moment où ils ne m’attendaient pas. Puis, ils sont surpris, agréablement surpris."
François a dû apprendre à expliquer sa démarche et amorcer une discussion pour écarter toute peur et méfiance. Passé ce premier contact, il assiste à l'émotion de la personne qui découvre le courrier.
"Finalement en l'apportant à vélo, en ayant parcouru 300, 800, 1000 km cela "charge" ce courrier. Et ce sont toujours des courriers d’amitié, d’amour, de gens qui portent une attention particulière à quelqu’un. La distance à vélo lui donne encore plus de valeur, presque personne n’est indifférent à la démarche."
Toute la beauté de la démarche réside dans le fait que le destinataire n'attend pas le courrier que je transmets.
François Uzureau, facteur humain
Les destinataires abordent souvent avec François, ce que l'écriture d'un courrier représente. "C’est à la fois étrange et très intéressant, observe François, les gens se confient rapidement à un inconnu parce qu'il apporte quelque chose de très personnel. On se retrouve vite à échanger sur nos vies et je trouve qu’on en apprend beaucoup sur les gens, sur ce qu’ils vivent. Ce qui m’anime, c’est la rencontre, découvrir des personnes que je ne rencontrerai pas autrement."
François devrait arriver dans la capitale des Gaules mardi ou mercredi. Il y livrera 8 courriers dont celui d'une maman qui veut souhaiter ses vœux de bonheur à son fils qui va se marier.
"Elle m'a dit, "même si ça arrive après, ce n’est pas grave !", Je suis ravi de connaître ces histoires, raconte François, Ça ne m’appartient pas, je n’en connais qu’une bribe mais je trouve ça vraiment chouette."
"Plus que jamais, c’est le facteur humain qu’il faut mettre en valeur aujourd’hui, Le courrier a changé de nature, avec les e-mails, ça s’est arrêté net. Une lettre, c’est important, c’est du temps qu'une personne a passé à vous écrire, je me rends bien compte que tout le monde en a besoin et a envie de partager de beaux moments", conclut-il.