En mars 2021, la majorité écologiste de Lyon annonçait introduire des notions de genre dans ses choix budgétaires. A mi-mandat, quels ont été les impacts sur les dépenses de la ville ? Voici le bilan.

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En mars 2021, la majorité écologiste de Lyon était la première de France à annoncer introduire des notions de genre dans ses choix budgétaires. Deux ans après, il est possible de constater les impacts concrets sur certaines dépenses publiques.

Une nouvelle approche 

En instaurant des notions de genre dans l’attribution de ses subventions ou dans l’utilisation de ses dépenses, la ville voulait s’assurer qu’elle n’entretient pas de stéréotypes, ni d’éventuelles injustices entre les hommes et les femmes. "Il s’agit d’évaluer toutes les lignes budgétaires de la ville pour voir si elles bénéficient autant aux femmes qu’aux hommes", expliquait Audrey Hénocque, première adjointe au maire chargée des finances, lors de l’annonce de cette expérimentation. Mais comme il s’agit d’une expérimentation, seuls cinq postes budgétaires de la ville sont concernés jusqu’ici : les sports, les espaces verts, la commande publique, le budget du musée des beaux arts, et celui de la mairie du 7e.

Dépenses "genrées" ou "non genrées" ?

Concrètement, les agents du contrôle de gestion et des finances doivent assumer la tâche supplémentaire de l'identification des effets potentiels des dépenses, en s’appuyant sur les observations des directions de services auxquels ils allouent des budgets. Or selon les cas, les effets concrets sont très variables.  

Parmi les choix budgétaires de la ville, certains sont rapidement identifiables, et leurs effets sont concrets : il s’agit des dépenses directement affectées à des actions de sensibilisation contre les discriminations féminines. Par exemple, la mairie du 7e arrondissement a financé des formations et des dispositifs de communication pour ses commerçants dans le cadre d’une grande opération de sensibilisation contre le harcèlement de rue (Dispositif “Angela”).

Mais pour les budgets structurels, selon les secteurs retenus, les possibilités de “genrer” ou non les dépenses sont plus difficiles à évaluer. Parmi les postes budgétaires examinés, une partie n’est en fait pas “genrable” : ces dépenses sont considérées comme “neutres” par la ville. 

Ces budgets “non genrables” 

Ainsi, 97% du budget affecté aux espaces verts n’est pas “genrable”. Il s’agit par exemple de financements d’équipements ou de leur maintenance, ou de budgets d’entretien de parcs ou d’espaces verts. Mais la ville assure que certaines études sur les fréquentations et équipements des parcs seront bientôt menées. S’il apparait, par exemple, que plus d’hommes fréquentent certains espaces que les femmes, la ville pourrait s’interroger sur l’éclairage et la sécurité, afin d'améliorer les conditions de sécurité, qui pourraient être la cause du déséquilibre.  

Outre les espaces verts, le poste de la commande publique semble lui aussi peu impacté par les notions de genre. Certaines conditions pourraient être émises sur certaines dépenses très identifiées : les conceptions de support de communication devraient par exemple éviter les représentations stéréotypées. Pour les évènements publics, les personnels d’accueil devraient compter autant d’hôtes que d’hôtesses. Mais pour la majorité des commandes publiques, la ville reconnaît que “peu d’outils permettent une prise en compte spécifique du genre dans les marchés et les achats”.

Sport : des subventions guidées par le genre ? 

En revanche, dans le domaine du sport, la marge d'actions paraît immense : 100% du budget serait “genrable” selon la ville. Concrètement, les montants des subventions au sport amateur ou à des évènements sportifs sont revus. Par exemple, la subvention accordée à l’organisation du Tournoi de tennis 6e sens (féminin) a été fortement augmentée, tandis que celle accordée à l’Open Parc (masculin) a été fortement réduite. “On a rééquilibré les budgets”, explique Audrey Henocque : “avant, on donnait un tiers de plus au tournoi masculin, maintenant, on donne 100.000€ à chacun”.

Conséquence, pour les organisateurs du tournoi Open Parc, la baisse de subvention est accueillie comme “une mauvaise surprise”. “Tous les tournois sont différents ! L'Open Parc est un tournoi ATP. Il est organisé en extérieur, au parc de la Tête d’or, on doit construire 4 terrains, un espace VIP, un village grand public... Ce ne sont pas les mêmes montants que pour le tournoi 6e sens, qui lui se déroule en indoor ! (au palais des sports de Gerland)

Les organisateurs regrettent que le choix de la ville impacte des évènements qu'ils considèrent différents, en ne se focalisant que sur le seul critère de genre. “Mon travail c’est de mettre des lunettes pour voir les déséquilibres”, répond Audrey Heynocque. Des lunettes qui peuvent être perçues comme des œillères, si elles cachent d’autres critères que le seul genre.

Art : un nouveau critère pour le choix des œuvres 

Le budget genré s'applique aussi au musée des beaux-arts. L’un des impacts marquants concerne les acquisitions d’œuvres d’art. Pour respecter une logique non discriminante, le musée intègre maintenant, parmi ses critères de sélection, le genre de l’artiste, selon qu'il est un auteur ou une autrice. “C’est un nouveau critère vraiment important”, explique une membre de l’équipe du musée. “En 2022 par exemple, on a fait rentrer deux œuvres majeures issues d’artistes féminines”. Néanmoins sur cette période, huit autres acquisitions étaient issues d’auteurs masculins. Car d’autres critères restent intangibles : “ce n’est pas évident. On achète d’abord en fonction de ce qui est disponible sur le marché, de la qualité de l’œuvre, et de sa cohérence avec nos collections,“ explique-t-on au sein de l'équipe.

Le musée a également engagé une comptabilisation de ses collections. Il apparaît que 4% seulement des œuvres sont réalisées par des artistes féminines. Un reflet d’une époque dominée par le genre masculin : “avant le 20e siècle, les hommes pouvaient s’adonner à la création, moins les femmes. Mais imaginons qu’on hésite entre deux œuvres. Le genre rentrera en ligne de compte pour choisir.” Au musée, le critère de genre s'ajoute donc aux autres comme un encouragement, sans être une condition contraignante dans ses politiques d'acquisition. ”On n’a pas de directives, mais on est sensibilisé”, conclut l’équipe du musée.

Elargir la logique 

La ville est pour l’heure satisfaite des premiers retours. Elle envisage d’étendre, à terme, le critère de genre à d’autres domaines. “A terme, on voudrait étudier l’ensemble des subventions versées par la ville : ça pourrait par exemple être élargi à la culture en général, ou à l’éducation populaire, et à tous les secteurs subventionnés”, affirme Audrey Heynocque.

Et l’adjointe aux finances veut aussi aller plus loin sur l’aspect contraignant du critère de genre : “pour l’instant, on parle de responsabiliser, mais à terme, ça peut devenir une conditionnalité. D'abord, il faut que toutes les structures qui reçoivent des subventions prennent conscience des discriminations, se renseignent, et soient accompagnées”. 

Enfin, selon elle, les budgets pourraient, à terme, prendre en compte d’autres discriminations potentielles. “A Montréal, il y a une démarche de prise en compte des critères sociaux. Ce serait intéressant d’élargir cette démarche à d’autres champs”, projette-t-elle. Outre le genre, les budgets pourraient ainsi prendre en compte leur impact sur les différences sociales, les impacts environnementaux, les discriminations raciales... Tout un programme.

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