Morade Zouine, avocat au Barreau de Lyon, est spécialisé dans le Droit des étrangers. Pour lui, "des digues ont sauté" avec le vote de la loi immigration : il y voit la consécration de la préférence nationale et la remise en cause du droit du sol.
La loi immigration votée mardi 19 décembre inquiète les présidents d'universités qui ont signé une tribune dans le monde s'opposant à cette loi. Dans 32 départements français, la nouvelle loi immigration est vivement contestée par la gauche. Certains élus entendent même ne pas la respecter.
Une ligne jaune a été franchie
Me Morad Zouine, avocat au Barreau de Lyon, spécialisé dans le Droit des étrangers estime que la majorité joue sur les mots concernant les implications de la loi immigration. Pour lui, il ne fait aucun doute qu'une ligne jaune a été franchie avec l'instauration d'une préférence nationale dans l'attribution des prestations sociales. La loi prévoit qu'une grande partie d'entre elles (aides au logement, allocations familiales, etc.) et l'Allocation personnalisée pour l'autonomie (APA) seront soumises à une obligation de résidence de 5 ans en France ou à une durée d'activité professionnelle minimale.
"Le discours du gouvernement est de dire que la préférence nationale n’est pas consacrée dans la mesure où on fait une distinction entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas : ceux qui travaillent auraient le droit à des prestations beaucoup plus tôt que les autres, explique Me Zouine. Nous, nous pensons qu’en réalité l’élément discriminant c’est bien la nationalité de l’intéressé puisqu’un Français ou un ressortissant de l'Union européenne qui ne travaillerait pas aurait droit à des prestations immédiatement. Donc c’est bien la nationalité étrangère qui est la clé de répartition du droit aux allocations et c’est en ce sens-là que c’est choquant."
La fin de l’universalité des allocations familiales
Ce qui choque le plus Morade Zouine, c'est la remise en cause de l'universalité du versement des allocations familiales. "Ce principe, c'est la base de notre système : un enfant doit être protégé par la Nation quels que soient sa nationalité et les revenus de ses parents. Aujourd’hui, ce principe est clairement violé car on considère qu’un enfant n’aura droit à la solidarité nationale que lorsque son parent étranger aura résidé en France plusieurs années".
Autre grief de l'avocat contre la loi immigration : la fragilisation du droit du sol, comparable aux dispositions des lois Pasqua-Debré en vigueur entre 1993 et 1998. Le droit du sol va être conditionné : une personne née sur le territoire français de parents étrangers va devoir manifester sa volonté d'acquérir la nationalité, alors que jusqu'à présent, à 18 ans, l’intéressé devenait français automatiquement.
Le Droit du sol conditionné
"Plus grave encore", selon Morade Zouine : "un étranger qui aurait été condamné à une peine d’emprisonnement de 6 mois ne pourrait absolument pas réclamer cette nationalité alors même qu’il est né sur le territoire français, qu’il y a grandi, qu’il y a été scolarisé et qu’il est sociologiquement français. Aujourd’hui on vient dire que finalement il ne mérite pas de devenir français !"
La nationalité pourra même être retirée, dans une circonstance précise : si un étranger, né sur le territoire français et ayant obtenu la nationalité à sa majorité, se rend coupable d’un homicide envers un représentant des forces de l’ordre.