Invité à évoquer sa carrière lundi 15 octobre au festival Lumière de Lyon, l'acteur espagnol Javier Bardem a décrit combien le tournage de "Biutiful" (2010), long métrage d'Alejandro González Iñárritu pour lequel il a reçu un Prix d'interprétation à Cannes, fut "un enfer".
Ce lundi 15 octobre, à Lyon, invité du Festival Lumière 2018, Javier Bardem a évoqué le tournage de "Biutiful" (2010). L'acteur espagnol évoque "un enfer". C'est pourtant le film qui lui a permis de décrocher le Prix d'interprétation à Cannes. "Je n'ai pas été un acteur facile sur ce film" a expliqué l'Oscar du meilleur second rôle en 2008 pour "No Country For Old Men", confiant n'avoir jamais réussi, durant les six mois du tournage, à se "détacher du regard sur la vie" du personnage d'Uxbal, atteint d'un cancer. "Comme lui, je sentais que j'étais sur le point de mourir. Je vivais un enfer, mais Iñárritu aussi et il tentait de me ramener à une interprétation pure. Nous avons tourné dans une pesanteur émotionnelle qui nous a épuisés tous les deux", a-t-il ajouté.
Évoquant son rôle d'inquisiteur dans "Les Fantômes de Goya" (2006), réalisé par Milos Forman, l'acteur de 49 ans mentionne à quel point le cinéaste tchèque savait manier l'humour. De sa voix grave, il a raconté comment il s'était "liquéfié" à la fin d'une prise, croyant sa carrière terminée. "Le premier jour du tournage, je devais violer Natalie Portman, déguisé en curé. Au bout de quelques secondes, il a crié 'coupez !' et hurlé que je ruinais son film. Mais il s'était joué de moi. C'est la personne la plus drôle et intelligente que j'ai jamais rencontrée".
Durant près de deux heures, Javier Bardem a multiplié les anecdotes et les hommages à ceux qui l'ont fait tourner: de Bigas Luna, son "père de cinéma" qui lui a offert son premier rôle en 1990, après plusieurs années comme figurant, à Woody Allen, ce "génie" avec lequel il n'hésiterait pas à travailler à nouveau. "En dépit de MeToo et du lynchage public dont il a récemment fait l'objet. Ce qui s'est passé est très grave car jusqu'à ce jour, il a toujours été déclaré innocent", a-t-il martelé.
L'acteur est également revenu sur son rôle dans "Avant la nuit", de Julian Schnabel (2000), tournant de sa carrière dans lequel il interprétait l'écrivain cubain homosexuel Reinaldo Arenas, qui s'exila aux États-Unis et se suicida en 1990. "J'ai eu vingt jours pour apprendre le Cubain, l'Anglais et perdre 15 kilos. C'était complètement fou et merveilleux à la fois", s'est remémoré celui qui a débuté enfant aux côtés de sa mère comédienne et appris la langue de Shakespeare "en écoutant AC/DC".
"J'ai toujours dit que je ne crois pas en Dieu mais en Al Pacino", a-t-il aussi avancé, interrogé sur ses modèles de cinéma. Et de citer l'influence des films de son oncle, Juan Antonio Bardem, réalisateur opposant au franquisme. "De lui, j'ai appris cette persévérance, ce courage à porter son propre discours, même si c'est en prenant des coups".
Le reportage de Julien Sauvadon et J.C.Adde :