En un peu plus d'un mois, le compte Instagram @balancetonstage a recueilli plus de 7 000 abonnés. Créé par des étudiants de l'EM Lyon, il vise à dénoncer les outrages sexistes sous toutes leurs formes, en particulier ceux dont sont victimes les stagiaires.
Dans le même esprit de libération de la parole que #Meetoo il y a quelques années, ou @balancetonporc, le compte @balancetonstage prend une ampleur insoupçonnée fin juillet dernier, lors de son lancement. En un mois-et-demi, fondé par trois camarades de l’EM Lyon, le compte Instagram @balancetonstage compte 7 000 abonnés. « Depuis une semaine, on enregistre plusieurs centaines d’abonnés par jour, dont des témoignages très poignants de personnes qui osent dire ce qu’elles ont vu, ce qu’elles ont vécu », observe Agathe, une des trois étudiantes de l’EM Lyon à l’origine du compte. Des étudiants mais pas seulement : des cadres entrés dans la vie active il y a des années parviennent à verbaliser, à raconter ce qu’il leur est arrivé.
Les outrages sexistes : un très mauvais trip
C’est après leur stagesde 6 mois en entreprise au cours de leur première année d'études que Camille, Agathe et Simon décident de percer l’abcès sur les propos sexistes dont ils ont été les témoins dans les entreprises. Les trois étudiants tombent des nues : les remarques sexistes sont constantes. Elles visent le plus souvent les filles. «Ce sont des atteintes à l’intégrité, depuis les simples remarques qui mettent mal à l’aise jusqu’aux tentatives d’attouchement» explique Agathe, 22 ans, élève en troisième année.Lorsqu’ils en parlent autour d’eux, le constat est effarant : la plupart des étudiantes ont vécu des expériences similaires, souvent difficiles. Car quand ça arrive, on ne dit rien : la peur de répondre, la crainte des réactions, et puis la honte de se taire, de s’abaisser forme une chaîne très négative.
Sur les mille étudiants de la promo, beaucoup évoquent ce que l’on nomme les outrages sexistes, dont la gravité se retrouve dans la pyramide du sexisme, du propos à l’agression en passant par le harcèlement. Fort de ce constat qui les laisse pantois, les trois étudiants se disent qu’ils ne peuvent en rester là. Il leur faut transformer ces réalités en quelque chose de positif.
Du recueil de témoignages à... Instagram
Dans un premier temps naît un recueil de témoignages. Pour le trio et la direction de l’école, c’est très important. Aucun jeune n’a porté plainte, et à peine 5 % en ont parlé à leur référant de l’école. Or, certaines entreprises qui accueillent les stagiaires le font d’une année sur l’autre… avec le risque de la répétition des outrages. Ce recueil devient rapidement un manuel de sensibilisation qui livre une multitude de conseils aux étudiants avant leurs stages : déceler les comportements sexistes, rappels de la loi, manières de réagir... Dire aussi qu’un étudiant a le droit de quitter un stage si ça ne se passe pas bien.
Et puis dans les mois qui suivent, le compte Instagram voit «naturellement» le jour. Une sorte d’évidence dans une époque où il faut tomber les masques. Dire la vérité. Sur le compte @balancetonstage, les étudiants de l’école se libèrent. Mais très vite, le phénomène devient viral. Les étudiants d’autres écoles s’emparent du site et racontent ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont parfois directement vécu.
Le mot-clé apparaît aussi sur Twitter, où des accusations de toutes sortes défilent. Une stagiaire dénonce par exemple des propos racistes entendus pendant son stage dans une clinique mutualiste de Grenoble : "j'avais oublié que les noirs ça puait autant", affirme-t-elle avoir entendu de la part d'aides soignantes.
Stage en clinique mutualiste à Grenoble. Les aides soignantes sortent d’une chambre en faisant mine de s’étouffer et lâchent « j’avais oublié que les noirs ça puaient autant » (Elles auraient au moins pu s’étouffer pour de vrai) #balancetonstage
— bad gyal✖️ (@mrs_kalma) September 13, 2020