Comme tous les restaurants de France, le 14 Mars à minuit, la mythique Auberge du Pont de Collonges Paul Bocuse, près de Lyon, a fermé ses portes. Depuis, chaque matin, Vincent Leroux, le directeur général depuis 13 ans, s’y arrête quelques heures. Le gardien du temple veille.
A Collonges-au-Mont-d'Or, tout près de Lyon, la nouvelle année avait débuté sous le signe des travaux de rénovation et d’embellissement du restaurant Paul Bocuse. Le 24 Janvier, les gastronomes venus du monde entier ont pu apprécier “la tradition en mouvement” dans le décor et les assiettes. Quel succès ! Quatre semaines d’attente pour réserver une table à l'Auberge du Pont de Collonges. Même la perte de la troisième étoile n’a pas démobilisé la clientèle. Bien au contraire. Elle savait que le voyage dans l’éblouissante maison française serait sublime. La pandémie arrêta brutalement le pèlerinage gourmand.
Pourtant, le calme inhabituel se brise tous les matins. A l’arrivée de Vincent Leroux, les aboiements joyeux des deux labradors de Monsieur Paul, Festin et Link, résonnent. Seuls signes de vie. Ensuite, dans un silence poignant, le directeur général fait le tour des salles à manger, des cuisines et s’installe dans son bureau. “La première semaine de confinement, j’ai eu beaucoup d’administratif à gérer, les démarches pour le chômage partiel des 60 salariés... Face à cet ennemi invisible, cette annonce de fermeture fut un tsunami pour certains. Il a fallu expliquer, rassurer”. Vincent Leroux prend des nouvelles des brigades via les messageries instantanées. Un lien indispensable en ce moment si particulier.Face à cet ennemi invisible, cette annonce de fermeture fut un tsunami pour certains. Il a fallu expliquer, rassurer.
Vers midi, retour dans le 6e arrondissement à Lyon. Lyon comme jamais. Plus aucun bruit polluant, les rues calmes sentent le printemps et les oiseaux chantent d’arbre en arbre. Avec le confinement, c’est le mari, le père qui découvre un autre rythme de vie. “Il y a plein de choses que je ne faisais pas, par manque de temps et d’énergie, notre travail est si prenant, si exigeant”. Ainsi, avec plaisir, il prépare des recettes simples : filets de cabillaud, ratatouille, un cake au citron, un tiramisu... ”Je n’ai jamais tant cuisiné”, dit il en souriant. "Je partage ces repas avec bonheur en famille”. Puis il poursuit en riant “je n’aurais pas pensé non plus, corriger autant de devoirs avec mes deux fils Antoine et Thomas !” Moments d’attention et de discussions.Ce temps pour les siens mais aussi pour les autres évidemment. Cette semaine, le chef MOF Gilles Reinhardt et Francesco Santin préparent un brunch réconfortant pour le personnel soignant de l’Hôpital de La Croix-Rousse, en partenariat avec les célèbres maisons lyonnaises Bernachon, Richard, Sibilia, Jocteur. “Personne ne pouvait imaginer les dégâts humains, économiques liés à ce virus effroyable. J’espère que les relations sociales changeront".Un restaurant, c’est fait pour être ouvert.