Il est le gone qui a dit "Non" à Pétain le 10 juillet 1940. Parlementaire et ministre, Justin Godart était aussi l'inventeur de la Lyonnitude. Sa mémoire est conservée au Musée d'Histoire de Lyon avec ses archives. Portrait.
Le maire de Lyon à la Libération, en septembre 1944, c’est lui.
La « Plaisante Sagesse Lyonnaise », c’est lui.
L’organisation de la médecine militaire pendant la première guerre mondiale, c’est lui.
Le monument à Laurent Mourguet, créateur de Guignol, c’est lui.
La Ligue contre le Cancer, c’est lui.
Le premier Ministre de la Santé de la République Française, c’est lui.
L’ Oeuvre de Secours aux Enfants, c’est lui.
Le secrétaire perpétuel de l'Académie des Pierres-Plantées, c'est lui.
La liste n’est pas exhaustive, mais elle pose déjà un personnage à multiple facettes.
Il est candidat à la Présidence de la République le 15 avril 1939.
Il est l’un des 80 parlementaires à avoir dit « non » au Maréchal Pétain le 10 juillet 1940.
Il est « Juste parmi les Nations ».
Justin Godart est l’un des hommes politiques majeurs de la première moitié du XX° siècle. Pour autant, il reste méconnu du grand public.
A Lyon, Justin Godart a une rue à son nom. Une petite rue du plateau de la Croix-Rousse.
Ceux qui l’empruntent se souviennent parfois qu’il a été un éphémère maire de Lyon, pendant huit mois. Plus rarement qu’il a été l’un des bras droits d’Edouard Herriot, emblématique maire de 1905 à 1957, hors la parenthèse de la guerre et de l’Occupation. Pour saisir l’ampleur du personnage, il faut descendre la colline et se rendre dans le Vieux-Lyon. L’Hôtel de Gadagne, un palais renaissance récemment restauré, abrite le Musée d’Histoire de Lyon. C’est aujourd’hui la résidence de la mémoire de Justin Godart.
Le fond Godart, une mine d'or pour qui veut connaitre Lyon au XX° siècle
« Nous conservons plus de 100 boites dans le fond Justin Godart», précise Michaël Douvegheant, chargé des collections photographiques et de la photothèque du Musée Gadagne. Il y a une certaine gourmandise dans cette affirmation. 100 boites représentent plusieurs milliers de documents originaux, de lettres, de photographies, d’objets allant de coupons de tissus à des affiches électorales. Justin Godart les a confiés au Musée en 1953 et 1955, comme pour donner à Lyon, sa ville chérie, tout ce qui avait fait l’essence de sa vie. Et pour qui cherche à illustrer ce qui a fait Lyon, ce fond est sinon un trésor, du moins une mine d'or. Car l'homme était un collectionneur.
Né en 1871, Justin François-Pierre-Marie Godart est fils d'un employé de banque. Avocat, il se passionne pour les ouvriers de la soie et leur consacre sa thèse de doctorat. Avocat, il s'engage au parti Radical. Il entre au conseil municipal en 1904, à l'assemblée nationale en 1906, au gouvernement en 1915. Parlementaire jusqu'en 1940, il ne quittera la vie politique nationale qu'après la seconde guerre mondiale. Et pendant tout ce temps, jamais il ne quittera Lyon. Il crée la société des Amis de Guignol en 1913. Il publie, sous le pseudonyme de Catherin Bugnard, "La Plaisante Sagesse Lyonnaise" dont je retiendrai deux maximes significatives :
Vaut mieux prendre chaud en mangeant que froid en travaillant
Tout le monde peuvent pas être de Lyon, il en faut ben d'un peu partout
Fondateur de l'Union Internationale de la Marionnette, il a participé à la création du Musée de la Marionnette au Musée Gadagne, là même où il a déposé ses archives, ces "100 boîtes" qui sont aujourd'hui son mausolée. Un mausolée vivant.
"Ces documents sont souvent utilisés pour les expositions thématiques", explique Michaël Douvegheant. Que ce soit sur la soierie, sur Guignol ou sur les domaines sur lesquels Justin Godart a laissé sa marque. Mais il est vrai que « 9 fois sur 10, on nous sollicite pour les lyonnaiseries » précise-t-il. Pourtant, ce fond traduit « le côté éclectique de la personnalité de Justin Godart ».
Encore une fois une liste à la Prévert et non exhaustive, qui ne résume que partiellement la vie de ce lyonnais décédé en 1956. Un an avant Edouard Herriot.C’était un touche-à-tout, un spécialiste de Lyon, un gardien de l’esprit lyonnais, un amateur de gastronomie, un connaisseur émérite de la marionnette, un homme politique d’envergure internationale, un grand promoteur de la santé.
Justin Godart en quatre images
- Le parlementaire lyonnais
C'est mon premier choix, mis en exergue de cet article.
- Le farouche Républicain
C'est le document le plus proche de l'année 40. Il faut se référer à l'ouvrage collectif "Justin Godart, un homme dans son siècle", pour comprendre l'attitude du sénateur du Rhône ce fameux jour de juillet 40 où les deux chambres réunies se sont sabordées en donnant les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. Ce 10 juillet marque la fin de la III° République, la fin de la République tout court. Quelques jours plus tôt, rappelle Thibault Tellier, Justin Godart a présenté au Sénat un projet de résolution où il dénonce l'esprit Munichois, la faillite des partis politiques et prône une plus grande intervention de l'Etat dans l'économie et le vote des femmes.
"La liquéfaction du pays devant l'ennemi prouve que les partis ne lui ont donné aucune armature"Surtout, il affirme l'exception républicaine : "en face du Bolchévisme, du national-socialisme, du fascisme, édifions un régime à la manière française, pour prendre dans le monde la place que de tout temps chacun nous a accordée, celle enviable, lucrative, de la qualité et du goût."
- Godart-Herriot, les jumeaux politiques
- L'amoureux des marionnettes
Cette marionnette pourrait donc très bien raconter cette plaisante sagesse lyonnaise si chère à son auteur :
Le tout c'est pas d'y faire, c'est d'y penser ; mais le difficile, c'est pas d'y penser, c'est d'y faire.
Le 10 juillet 1940, Justin Godart est entré dans l'histoire, aux côtés de 79 autres parlementaires français qui n'ont pas failli. Ce n'est pas par hasard. Républicain, esprit libre, personnalité engagée, bon vivant, Lyonnais avant toute chose, il est un enfant de la Troisième République. Il l'a bâtie, l'a fait vivre, dans les rues de Lyon, dans les travées des Assemblées, dans les couloirs des ministères et sur la scène internationale. Son engagement en faveur du sionisme, son action pour la protection des réfugiés, son action dans la Résistance complèteraient ce tableau avec d'autres engagements humanistes et universels. Ils composent le portrait du Gone qui a dit "non" à Pétain.