"Depuis plus de 10 jours, on ne le voit plus!" s'alarmait cette semaine le père de Jérémy. Ce nouveau confinement prive l'étudiant lyonnais des visites de ses proches. Après un traumatisme crânien causé par une agression en décembre, il est depuis juin à l'hôpital H.Gabrielle, à Saint-Genis-Laval.
"On a essayé de lui faire comprendre que ça le mettait à l'abri," explique le père de Jérémy, joint par téléphone cette semaine. Depuis l'instauration du deuxième épisode de confinement pour tenter d'endiguer la vague Covid, l'étudiant lyonnais est privé des visites de sa famille et de ses proches. "Il est plus autonome que lors du premier confinement, il a récupéré des fonctions," a confié son père. Mais ce dernier redoute un confinement long qui pourrait saboter les efforts du jeune homme, afin de récupérer ses facultés et retrouver une vie normale.Une vie qui bascule en décembre 2019
La vie de Jeremy a basculé il y a bientôt un an. C'était dans la nuit du 17 au 18 décembre 2019. L'étudiant de 21 ans était victime d'une violente agression près de l'Hôtel de Ville de Lyon, alors qu'il fêtait la réussite à des examens. Jérémy, victime d'un traumatisme cérébral a été transporté à l'hôpital Edouard Herriot dans un état désespéré. Blessé à la tête, sa vie a été sauvée in extremis mais le jeune homme a du subir plusieurs lourdes opérations. La dernière date du 22 septembre dernier. Après son agression, l'étudiant lyonnais avait également été plongé durant un mois dans le coma. Il en est sorti mi-janvier 2020 avec des séquelles neurologiques et motrices... Depuis, il s'est engagé dans une longue et laborieuse rééducation. Les séquelles sont encore lourdes mais ses progrès sont notables.
D'un confinement à l'autre ...
En mars dernier, alors que le premier confinement était instauré, Jérémy ne parlait pas encore. Il bougeait à peine et était loin de pouvoir marcher. Ses parents n'ont pas pu le voir durant plusieurs semaines, mais réussi à communiquer avec lui via une tablette. Avec le déconfinement, en mai dernier, les visites à leur fils hospitalisé ont pu reprendre... au grand soulagement de cette famille installée dans le nord-Isère. "On l'a vu, on a pu lui faire reprendre des forces, le rebooster, malgré les séquelles," explique son père. Avec ténacité, le jeune homme s'est remis à marcher. "On l'a motivé pour la marche, sur 20 mètres, puis sur 30 mètres," explique son père. Une marche assistée, encore irrégulière, aux progrès encourageants. Jérémy parle à nouveau, même si "sa voix n'est plus la même", explique son père.
Depuis fin avril, Jérémy est à l'Hôpital Henry Gabrielle, situé à Saint-Genis-Laval, avec jusque-là un lourd programme jusqu'à plus de 4 heures quotidiennes de rééducation. Durant l'été, le jeune homme a même pu bénéficier de sorties à la journée, lui permettant de rentrer chez ses parents ... "Des sorties profitables", selon le père du jeune homme.
Or peu avant l'entrée en vigueur officielle du deuxième confinement et quelques jours seulement après son anniversaire, c'est le coup d'arrêt brutal. Les visites aux patients hospitalisés sont interdites dans tous les services adultes à compter du 27 octobre, indique le site des HCL. Ce nouveau confinement, qui doit théoriquement durer jusqu'au début du mois de décembre, est très mal vécu par le jeune homme et sa famille.
Des patients cérébro-lésés privés de visites : l'incompréhension
"Heureusement, Jérémy peut communiquer avec nous par Skype, il peut se débrouiller seul à présent avec les outils numériques," explique le père du jeune étudiant. "Il est capable de nous appeler. On l'a amené à un certain niveau d'autonomie. Mais comment font les autres personnes qui sont également cérébro-lésées, qui n'ont pas de visites et qui ne peuvent pas utiliser un téléphone ou une tablette, qui ne sont pas suffisamment autonomes ?" s'interroge-t-il. Pour le père de Jérémy, cette interdiction des visites, cet "isolement", est une véritable incompréhension. Il dénonce une différence de traitement par rapport à un autre public fragile et qui a aussi besoin de soutien et de contacts. "Les personnes âgées dans les Ehpad ont l'autorisation d'avoir des visites, au moins une fois par semaine."
Pour lui, les personnes victimes de lésions cérébrales ont incontestablement besoin d'être entourées, d'avoir des contacts, un lien humain "au-delà d'un lien via Skype". Chute du moral et de la motivation, perte de capacités de récupération ... Le père de Jérémy ne cache pas son inquiétude pour les autres jeunes patients cérébro-lésés privés de visites. "Il n'est pas seulement question de Jérémy," explique-t-il, "il y a beaucoup de jeunes qui sont dans une situation difficile, qui ne parlent pas, qui ne bougent pas ! Ils ne peuvent pas passer leur temps devant la télé!"
Ce que le père de Jérémy souhaite aujourd'hui : "qu'on puisse le voir au moins une fois par semaine, ou une fois tous les 15 jours. Mais le voir est nécessaire!"
Soutenir et encourager leur enfant, c'est devenu le combat quotidien de cette famille. Et face aux efforts engagés, le père de Jérémy n'a pas de doute sur la volonté de fer de son fils: "C'est un battant !"