Dans un quartier de Lyon, connu pour être un lieu de prostitution, des prostituées de République Dominicaine ont été violemment agressées, à coups de tirs de mortier d'artifice, dans la nuit de mercredi à jeudi 11 juin. Guerre des gangs sur fond de trafic de drogue?
Gabriella montre les impacts de balles dans sa fourgonnette, au-dessus de son lit. La blessure sur sa main. Elle parle de son argent volé et de son véhicule de travail qu’il va lui falloir encore une fois faire réparer.
Cette prostituée, originaire de République Dominicaine, raconte les quatre agressions qu’elle a subies en une semaine, son débit est ultra rapide, elle parle vite comme on vomit sa peur, "ils étaient deux hommes, un blanc, un noir, ils ont tiré, je me suis jetée à terre. Je me prostitue pour envoyer de l’argent à mes parents au pays. Ils ont tous les deux un cancer et les traitements coûtent chers. Et j’ai trois enfants".
Sa voix se brise. Elle ne s'est pas rendue à l’hôpital, "comment y aller je ne parle pas français et je ne comprendrais rien à ce qu’on me demande".
La fourgonnette est sale et en piteux état. Quatre autres filles originaires du même pays ont également été agressées. Une camionnette brûlée. Du carburant versé sur une des filles, selon le témoignage de l’une d’elle.
"Pourquoi nous ?" se demandent-elles.
Dans la nuit de mercredi 11 juin à jeudi, c’est par des tirs de mortier d’artifice qu’elles ont été invitées à quitter le quartier où elles avaient l’habitude depuis quelque temps de s’installer. Ce quartier, c’est celui de la "Cité Jardin" à Gerland, à Lyon.
Des habitats à loyer modéré, des habitants modestes qui ont appris à gérer leur quotidien entre prostituées et dealers. Elisabeth vit au premier étage d’un des petits immeubles, elle raconte son voisin du 4ème qui voit mieux qu’elle les trafics, "il ne veut pas que ses enfants regardent par le balcon".
Une guerre de secteur
Selon la mairie et la police c’est une guerre de secteur, les prostituées de République Dominicaine se sont installées là où le trafic de drogue a pignon sur rue, comme l’explique Jean-Yves Sécheresse, adjoint au maire de Lyon chargé de la sécurité "Il s’agit de cohabitations qui sont impossible entre des phénomène de prostitution, que nous essayons de contrôler depuis des années, et puis un phénomène de trafic de drogue sur ce même territoire, ça a un caractère explosif et c’est navrant".
Les filles ne comprennent pas cette version. Certaines disent que des jeunes du quartier sont venus leur proposer de rester près de la "Cité Jardin" contre 2000 euros versés chaque semaine. Une version plausible pour Maria, une prostituée âgée et respectée, "la police pense que c’est une guerre des gangs, moi je pense que c’est plutôt des jeunes qui veulent faire la loi."
Une prostituée camerounaise installée plus loin a une autre explication. Pour elle, les filles de République Dominicaine font "n’importe quoi, on ne peut pas être proche des habitations et être à moitié à nue au volant de sa camionnette à attendre le client. Une fois, je me suis garée dans un endroit où pour moi il n’y avait que des bureaux. Je n’avais pas vu un immeuble d’habitations. J’ai été très gênée de voir des balcons avec des enfants. Je suis partie. Même si on fait ce métier, on a une certaine pudeur à avoir surtout par rapport aux enfants".
"Nos moyens pour gérer ce problème sont limités" reconnaît la ville de Lyon.
La ville de Lyon verbalise les fourgonnettes des travailleuses du sexe près de 4000 fois par an, elles sont déplacées par la fourrière 1000 fois par an. Avenue Tony Garnier dans le quartier de Gerland à Lyon, des plots de béton ont été installés sur des places de stationnement au pied des bureaux. L’adjoint à la sécurité reconnait que la ville a eu des pressions de chefs d’entreprise excédés par la présence des fourgonnettes, de leurs clients et des préservatifs usagés. "Nos moyens pour gérer ce problème sont limités et ces femmes ont le droit d’être protégées", explique Jean-Yves Sécheresse. Il ajoute, "malheureusement, moi j’ai des tas de policiers qui sont actifs dans le secteur. Je préfèrerais très honnêtement que la prostitution se fasse dans des lieux peut-être faits pour ça et que nos policiers patrouillent dans nos quartiers, ce serait plus utile".
Gabriella et les autres filles sont installées de l’autre côté de l’avenue Tony Garnier, près du stade de Gerland. L’avenue est comme une frontière naturelle, elle protège la "Cité Jardin".
Après une semaine de tensions, l’heure est pour le moment à l’accalmie.