Lors de la visite d'Emmanuel Macron au mémorial de la prison de Montluc lundi 8 mai, Serge Klarsfeld et le rescapé Claude Bloch ont insisté pour reconstruire la "baraque aux juifs" à l'identique. Il faudrait alors détruire des murs de la prison édifiés après la seconde guerre mondiale. Des "éléments qui ne sont pas de nature bloquante" selon le chef de l'État.
En salle de presse, la scène captive la trentaine de journalistes présents. En visite au mémorial de Montluc à Lyon pour les commémorations du 8 mai 1945, Emmanuel Macron pénètre dans la cour de la prison où se situait la "baraque aux juifs". Là, se tient face à lui Claude Bloch, l'un des sept rescapés de cette baraque. Cette dernière n'existe plus, une stèle rappelle son existence et son emprise au sol est matérialisée par du gravier.
Une antichambre des camps d'extermination
"C'est là que vous étiez retenu ? demande le chef de l'État à Claude Bloch. À 94 ans, le rescapé répète encore ce qu'il a vécu, provoquant toujours le même effroi. Dans cet espace d'une centaine de mètres carrés, 240 juifs pouvaient être enfermés. Claude Bloch avait 15 ans. "À peu près une fois par semaine, il y avait l'appel, se souvient-il. Une liste de gens [...] qui se terminait par l'une des deux formules : avec bagage ou sans bagage." Les deux personnes appelées juste avant Claude Bloch sortent sans bagage. "Ils savaient que sans bagage, ils allaient être emmenés et être fusillés dans la journée." Vient son tour. "Le troisième appel est pour moi. Avec bagage. Et je suis passé par les camps de Drancy et Auschwitz."
Sa mère, âgée de 40 ans, ne sortira pas de la "baraque aux juifs". "Ses cheveux blanchissaient très vite, raconte Claude Bloch au président. Tous les 15 jours, elle allait chez la coiffeuse qui lui faisait une teinture. Mais ça faisait un mois et demi qu'elle n'y était pas allée. Ça ne pardonnait pas les cheveux blancs !"
Reconstruire à l'identique
Un ange passe en salle de presse. Claude Bloch et ses amis Beate et Serge Klarsfeld, les "chasseurs de nazis" qui ont retrouvé la trace du "boucher de Lyon" Klaus Barbie, insistent auprès d'Emmanuel Macron pour reconstruire la baraque à l'identique. Ce n'est pas une question de moyen. "M. Klarsfeld s'est toujours engagé à payer la reconstruction" rappelle Claude Bloch. Serge Klarsfeld rebondit, "pour tous ceux qui étaient dans la baraque et qui ont été déportés ou exécutés sommairement, je pense qu'on peut quand même faire un effort". Saisi par ces témoins de l'histoire âgés respectivement de 87 et 94 ans, le chef de l'État acquiesce. "Je pense qu'il faut qu'on regarde" lâche-t-il.
La possibilité d'un lieu de mémoire
Le président de la République se tourne vers la directrice du mémorial pour comprendre le contexte. La prison a fermé en 2009 et s'est donc transformée après 1945. L'espace de la baraque est devenu une cour encerclée d'un mur. "Jusqu'en 2018, les espaces qui sont de l'autre côté de ce mur ne sont pas associés au développement du site" explique la directrice Aurélie Dessert. Aujourd'hui, il serait donc possible de reconstruire la baraque, mais cela nécessiterait de détruire les murs de la cour qui font partie de l'histoire de la prison. "Ce sont des éléments qui ont une importance mémorielle ?" demande Emmanuel Macron. "Alors, pas mémorielle, mais pour la compréhension de l'histoire du site, l'état de conservation du lieu aujourd'hui correspond à sa dernière période d'utilisation jusqu'en 2009" explique la directrice. Emmanuel Macron se tourne vers Claude Bloch. "Vous en pensez quoi ? - C'est dommage qu'elle n'ait pas été reconstruite". Le chef de l'État clôt l'échange : "je ne crois pas que ce soit des éléments de nature bloquante".
La salle de presse reprend son souffle. Un journaliste demande à une attachée de presse de l'Élysée : "Qu'est-ce que ça signifie quand le président de la République déclare que la présidence veillera sur le mémorial ?". "C'est un engagement" répond l'Élysée.