Guillaume Roudier est prêtre dans les paroisses de Saint-Fons et Feyzin, dans l’est-lyonnais, mais il est aussi salarié d’un géant des nouvelles technologies. Rattaché à la Mission de France, il exerce son sacerdoce au plus près des réalités modernes... Il était l'invité d'"Entre-deux".
Entre l'Eglise et les GAFA, il n'y a qu'un pas, et Guillaume Roudier l'a allègrement franchi ! Depuis 2015, date de son ordination, ce prêtre a été envoyé en mission sur le continent numérique : il mène de front son activité dans les paroisses de Feyzin et de Saint-Fons, dans le Rhône, et son emploi dans l'une des boutiques lyonnaises d'un grand nom de l'informatique.
Archéologue de formation, le père Roudier n'était pas particulièrement geek, mais, né en 1983, il a grandi avec les nouvelles technologies. Il n'a donc pas hésité lorsqu'à la sortie du séminaire de la Mission de France, son évêque lui a confié l'univers du numérique. Il a cherché un emploi et a signé un contrat à 80 % dans une boutique : vente, conseil et dépannage.
De l'ordination à l'ordinateur
"Au XXème siècle, on parlait beaucoup des prêtres-ouvriers, ça correspondait à une époque, au monde ouvrier et aux usines", explique Guillaume Roudier. "Aujourd'hui, on parle plus facilement de "prêtres au travail" : les laïcs et les prêtres de la communauté Mission de France engagent leur vie aux côtés des gens, dans l'ordinaire des jours... Pas, comme autrefois, en traversant les continents et les mers pour évangéliser, mais en partageant la vie des gens par le travail".
Il n'y a pas d'ambition prosélyte dans cette démarche, tout juste parle-t-on de "conversion mutuelle". Cela témoigne de la volonté de l'Eglise d'entretenir un dialogue avec le monde du travail, pour rester en prise avec la réalité moderne. A titre plus personnel, "cela nourrit mon ministère au quotidien, dans ma vie de prière, mais aussi dans ma vie de paroisse, témoigne le prêtre. "Ce que je restitue de mon expérience au travail vient colorer un peu ma pratique d'église".Fracture numérique
Il en ressort que le monde va vite. "Parfois, on peut s'en plaindre, parfois s'en réjouir... En tous cas, j'essaie de rendre compte de la manière dont le numérique est rentré dans notre vie de tous les jours. C'est vrai pour ceux qui le pratiquent, mais aussi pour ceux qui ont des difficultés avec ces technologies pour des raisons économiques ou liées à l'âge".Cette fracture numérique lui est apparue plus vivement encore ces derniers mois : "On parle beaucoup de télétravail, j'ai moi-même proposé des messes en ligne et des temps spirituels sur les réseaux sociaux, mais beaucoup de personnes n'y ont pas accès, c'est une forme d'isolement très préoccupante."
Messes sous confinement
Un isolement auquel ont dû faire face les catholiques pratiquants pour cause de pandémie. Confinement, puis re-confinement : les lieux de culte n'ont pu recevoir du public pendant plusieurs semaines. Puis les portes des églises se sont rouvertes pour laisser entrer 30 personnes, pas plus. Il devrait en être autrement dimanche prochain avec un protocole sanitaire plus souple : une rangée sur deux, une place occupée sur trois... La jauge sera proportionnelle à la surface de l'édifice.
"C'est une très bonne nouvelle dans la perspective de Noël... Beaucoup l'attendaient !", réagit Guillaume Roudier. "En même temps, beaucoup de fidèles acceptaient de patienter et de respecter les gestes-barrière, pour se montrer fraternels avec ceux qui sont engagés au quotidien dans les hôpitaux, notamment".
Innovant de par son activité professionnelle, le curé Roudier l'est aussi dans sa paroisse avec une organisation expérimentale : "depuis septembre, le prêtre que je suis n'est plus le responsable de la communauté, c'est une femme qui l'est, avec toute une équipe autour d'elle". Cette personne - laïque et salariée de l'Eglise - joue un rôle prépondérant, même si les messes, les baptêmes ou les mariages restent célébrés par le prêtre. "Cela montre que la foi, la communauté chrétienne, peuvent être représentées d'autres personnes", estime Guillaume Roudier. "Et le fait que ce soit une femme est un bon signe pour l'avenir".