Eric Barnichon, géologue, a été tué le 21 septembre 2011, victime de l’éboulement d’un talus sur le chantier de construction de l’A89, entre Tarare et Joux. Après audience, en novembre 2023, devant le tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône, deux entreprises ont été condamnées à de lourdes amendes et indemnités.
Dans le dossier de l'effondrement de l'A89 ayant conduit à la mort d'Eric Barnichon en septembre 2011, Autoroute Sud de France (ASF), propriétaire de l’ouvrage, et Egis international, maître d’œuvre, devaient répondre "d'homicide involontaire" et de "mise en danger de la vie d’autrui". Des chefs d'inculpation aggravés par "la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence". Le jour du drame, deux employés avaient également échappé de peu à la mort. Ils se sont constitués parties civiles.
Le procès s'est tenu durant deux jours en novembre 2023 devant le tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône. De lourdes amendes ont été requises contre les deux sociétés : 200 000 euros pour Egis international et 150 000 euros pour ASF. Le tribunal de Villefranche-sur-Saône est finalement allé bien au-delà des réquisitions.
Plus d'un million d'euros de préjudice
Mercredi 10 janvier, ASF et Egis international ont été reconnues coupables par le tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône qui les condamne à 250 000 euros d'amendes chacune et plus d'un million d'euros de préjudice pour les parties civiles. Les deux sociétés devront aussi faire publier, à leur frais, cette décision de justice dans la presse durant deux mois. Les deux prévenus devront indemniser solidairement les parties civiles, avec exécution provisoire. Une décision rare.
Pour Me Thomas Salaun, avocat de la veuve de la victime, "c'est un dossier exceptionnel pour toutes les parties civiles, mais aussi pour les sociétés prévenues qui avaient un casier vierge (...) Le tribunal a souligné les manquements des deux prévenus à leurs obligations. Il a également condamné le comportement des prévenus à l'audience, qui ont contesté leur culpabilité". L'affaire, très technique, a donné lieu à 38 pages de décisions. Soulignant la sévérité de cette décision de justice et saluant le travail du tribunal, l'avocat des parties civiles a évoqué des décisions "extrêmement motivées".
Pour les proches d'Eric Barnichon, cette condamnation est une victoire, mais surtout "un soulagement" après douze ans d'instruction et d'incertitude pour la famille du disparu. Ses deux enfants étaient âgés de 7 et 9 ans au moment de l'accident. "La veuve de M. Barnichon est satisfaite. Elle a enfin l'impression d'être entendue par la justice", explique Me Salaun. "Douze années se sont écoulées entre le drame du 21 septembre 2011 et l'audience de novembre 2023. Plusieurs juges d'instruction se sont succédé. Elle avait l'impression de ne pas être entendue. Elle avait même écrit au Garde des Sceaux," ajoute Me Thomas Salaun. La famille avait été meurtrie par "le manque de compassion" des deux sociétés à son égard durant toutes ces années.
La justice a par ailleurs donné gain de cause aux deux sondeurs, qui ont échappé à la mort. Ils ont obtenu la somme de 20 000 euros chacun, au titre du préjudice moral.
Les deux sociétés condamnées ont dix jours pour faire appel. ASF aurait déjà manifesté son intention de se pourvoir en appel. La décision de justice n'est donc pas définitive.
Un homme enseveli
Le 21 septembre 2011, sur le chantier de l'A89, Eric Barnichon, 44 ans et qui travaillait pour la société Fondasol, avait été enseveli sous 30 000 m³ de terre et de gravats après un éboulement. Le drame s'est produit entre Tarare et Joux. Le corps de l'homme originaire du Vaucluse a été retrouvé après deux jours de recherche. Impossible pour les secours d'intervenir tant que les abords du site n'étaient pas sécurisés.
Entre Tarare et Joux, sur le chantier de l'A89, les images spectaculaires de l'éboulement, filmée par la gendarmerie, montrent l'ampleur de la catastrophe.
Le talus de plusieurs dizaines de mètres de hauteur s'est brutalement effondré alors que l'expert était encordé le long de la paroi. Le flanc de la colline, qui était déjà terrassée et bétonnée, présentait des signes de faiblesse. La zone avait été placée sous haute surveillance, car quelques jours avant l'éboulement, "des anomalies" avaient été relevées. Par précaution, la RD 14 située au-dessus du talus avait même été fermée.
Au moment du drame, l'expert en géotechnique était descendu en rappel pour relever les mesures des instruments installés pour cette surveillance. Deux de ses collègues, deux sondeurs, ont échappé à la mort et ont été témoin du drame : ils ont vu le géotechnicien disparaître sous les blocs de pierre en à peine quelques secondes. Ces deux employés, qui installaient une foreuse, avaient réussi à se dégager à temps.